Alors que le sud du pays est en proie à d’intenses combats entre le Mouvement des forces démocratiques de Casamance(Mfdc) et l’Armée sénégalaise, avec à la clé la récente exécution sommaire de 8 soldats, Me Abdoulaye Wade a surpris son monde. Est-ce à cause de son incapacité à résoudre cette crise qu’il avait promis d’éradiquer en cent jours dès son accession au pouvoir ? Même un président débutant ne se serait pas comporté comme tel.Wade a d’autant plus pris de court ses compatriotes qu’il a curieusement préféré consacrer l’essentiel de son discours au Festival mondial des arts nègres. « L’année s’achève en apothéose, comme a dit le poète, avec la fin du 3-ème Festival mondial des arts nègres qui aura fait de Dakar, pendant trois semaines, la capitale du monde noir, le rendez-vous des plus grands artistes noirs dans les 16 branches des arts dont la musique, la danse, le cinéma, la mode, la peinture, la sculpture, la poésie et la littérature », se réjouit-t-il.
Pour justifier l’énorme budget du Festival, Wade explique : « ce que nous venons de vivre n’a pas de prix, mais il est légitime de s’interroger sur les retombées. Parlons-en. Des dizaines de milliards de revenus distribués aux artistes, à leurs orchestres, leurs danseurs et leurs collaborateurs, aux intellectuels qui ont perçu des per diem, aux hôteliers et leurs fournisseurs, aux nombreuses sociétés qui ont réalisé les villages et effectué les rénovations des salles de spectacles et d’exposition ». Lesquels milliards ont été également distribués « aux sociétés avec leurs milliers de travailleurs de toutes catégories, menuisiers, maçons, manœuvres, ferrailleurs, monteurs de scène, transporteurs, restaurateurs et derrière ceux-ci, les marchands de denrées alimentaires, de viandes et légumes, les éleveurs de poulets, pour fournir 6 .000 personnes pendant trois semaines ! ».
Visiblement arrimé à ses dures certitudes, le Président Wade ajoute : « parmi les réalisations permanentes, le Sénégal a construit avec ses propres deniers un village de 1.600 lits de durée de vie minimale de 10 à 15 ans ». Et n’en déplaise à ses contempteurs, il déclare à qui veut l’entendre qu’au total, « le festival n’a pas de prix. Il est hors marché parce qu’il n’a pas son pareil. Dans sa forme actuelle, c’est un produit unique. »
Les paysans trinquent pour écouler leurs graines…
Alors que les acteurs du monde rural broient toujours du noir, pour écouler leurs récoltes, le président de la République s’auto glorifie : « sur la voie de l’émergence, il est heureux que la bonne nouvelle nous vienne, une fois de plus, du secteur agricole avec d’excellentes récoltes d’arachides, un cumul de 2 630 000 tonnes pour le mil, le sorgho et le fonio et plus de 600.000 tonnes pour le riz ». Et comme s’il vivait sur une autre planète, Wade renchérit : « par la synergie de nos efforts et avec l’aide de Dieu, nous avons atteint l’autosuffisance alimentaire. Et aujourd’hui, le nombre d’habitats à prix raisonnables s’accroît avec une vitesse surprenante. Or, on dit que « Quand le bâtiment va, tout va ! ». En ce qui concerne la campagne arachidière, il dit : « le gouvernement a octroyé, cette année encore, une subvention de 15 francs Cfa par kg pour maintenir le prix du kilogramme à son niveau de la campagne précédente, soit 165 francs Cfa. Si, malgré le triplement du revenu per capita, certaines couches restent démunies, il reste que la richesse a été créée mais mal répartie. Nous allons y remédier. »
Encore des promesses
Jouant sur un registre qu’il affectionne à merveille, Wade déclare : « s’agissant justement de la question cruciale de l’emploi, nous venons de procéder au dépouillement des 10.000 demandes de recasement des marchands ambulants de Dakar et de sa banlieue. Dans une première phase, 5.000 d’entre eux ont été accrédités et pourront choisir entre une cantine et un étal. Dans une deuxième phase, les dossiers des 5.000 autres seront traités et bénéficieront des mêmes dispositions à Petersen ». Aussi, chante-t-il sur un air mélodieux : « pour la trituration de l’arachide, le procédé d’élimination de l’aflatoxine testé avec succès par l’Institut de technologie alimentaire (ITA) et adopté aux presses à huile déjà acquises, permettra au monde rural de produire une huile saine, à la portée de toutes bourses. »
Patience pour le règlement de la question énergétique
Même s’il a troqué Samuel Sarr contre son fils Karim Wade, à qui il a confié le ministère de l’Énergie pour mettre fin aux nombreux délestages, Wade passe à table et marque un aveu d’impuissance : « il reste, bien entendu, le problème lancinant de l’électricité. Je vous demande seulement de me faire confiance et de patienter encore quelques mois. Je sais combien est grande la frustration des usagers face aux désagréments occasionnés par les délestages ce, en dépit des investissements importants consentis pour redresser ce secteur vital de l’économie et satisfaire la demande en électricité et en gaz ». Et à la place de solutions idoines, le Président dresse aux Sénégalais les résultats de son diagnostic : « en raison de la persistance des défaillances et de la complexité des problèmes que pose la question de l’énergie, j’ai prescrit un audit complet du secteur pour identifier les causes profondes de la crise et apporter des solutions durables ». Ainsi, les premiers constats du diagnostic sont connus : déficit structurel de production, circuit d’approvisionnement inadéquat et forte dépendance au fuel dont les prix restent très élevés, en plus des retards enregistrés dans l’exécution des projets d’exploration du gaz et de mise en place des centrales à charbon », dit-il.
Daouda THIAM
lasquotidien.info