Restons d’ailleurs avec cette affaire des deux prisonniers de Guantanamo transférés au Sénégal pour souligner que le Département d’État des Usa, par la voix de son porte-parole a loué le geste du Sénégal. « Les États-Unis sont très reconnaissants à leur partenaire, la République du Sénégal, d’avoir offert la réinstallation humanitaire à deux anciens détenus du Département de la Défense qui étaient incarcérés au centre de détention de Guantanamo Bay, à Cuba (…) Les États-Unis apprécient l’aide généreuse du gouvernement du Sénégal dans le cadre de la poursuite de ses efforts pour fermer le centre de rétention de Guantanamo Bay. Cet important geste humanitaire est en droite ligne avec le leadership joué par le Sénégal sur la scène mondiale ».
Les États-Unis renseignent que le transfert annoncé par le Département de la Défense le 4 avril 2016 de Salem Abdu Salam Ghereby (Numéro de série d’internement (ISN 189) et Omar Khalif Mohammed Abu Baker Mahjour Umar (ISN 695), a été approuvé à l’unanimité par 6 ministères et organismes du gouvernement des États-Unis, soit à travers le Groupe de Travail inter-institutions créé par le décret présidentiel de 2009-2010 ou le récent processus de la Commission d’examen périodique ». Ils soulignent que « le Sénégal rejoint ainsi 26 pays qui, depuis 2009, ont élargi les possibilités de réinstallation à près de 100 détenus ».
Le département d’Etat ajoute que « comme le Président l’a réaffirmé à plusieurs reprises, l’Administration est déterminée à fermer le centre de détention de Guantanamo Bay. Le maintien des activités du centre de détention compromet notre sécurité nationale en drainant des ressources, et en portant atteinte à nos relations avec des alliés et partenaires clés, et sert d’outil de propagande pour les extrémistes violents ». Les Usa disent prendre « toutes les mesures possibles pour réduire la population des détenus à Guantanamo et fermer le centre de détention en toute responsabilité, de manière à protéger (leur) sécurité nationale ».
Le Populaire
Sénégal, nouveau dépotoir de terroristes Cécité diplomatique et analphabétisme géopolitique
Ils l’ont appelé la guerre asymétrique alors qu’il s’agit pour les victimes de siècles d’oppression d’une stratégie de délocalisation de la terreur. Humiliés, exploités et persécutés dans leur pays (par l’entremise de pouvoirs politiques à la légitimité occulte), des opprimés ont décidé de trouver les agresseurs dans leur propre pays pour y semer la terreur en guise de réponse à une terreur savamment sublimée en intelligence géopolitique. Hier ils avaient allumé le feu de la guerre mondiale contre le nazisme et avaient embarqué nos ancêtres dans cette guerre au moment même où ils leur faisaient subir les mêmes pratiques nazies. Au lendemain de la guerre ils ont appliqué aux résistants de Thiaroye les recettes d’Hitler. Le nazisme n’est pas du nazisme lorsqu’il est subi par des Africains. Le massacre de Thiaroye n’en était donc pas un puisqu’il s’agissait d’une simple mesure disciplinaire contre des soldats indigènes trop confiants en l’universalité de la liberté. Le sang de nos ancêtres a abondamment arrosé les champs de bataille d’occident où fleuriront plus tard les champs de blé et d’énergie atomique. Notre sang a coulé pour sauver la face de notre humiliateur. Ils ont dressé des tirailleurs sénégalais contre des indochinois qui aspiraient à la liberté. Hier ils ont créé les nègres de la liberté contre la liberté ; aujourd’hui ils sont en train de créer les nègres de lutte contre la résistance « terroriste » à la terreur unidimensionnelle. Quand de grands terroristes se battent contre de petits terroristes, le nègre pacifique se devrait d’observer la neutralité au lieu de prendre parti pour les plus forts. L’activisme antiterroriste de nos dirigeants traduit une absence criarde de vision : ils sont mobilisés sur un front qui n’est pas forcément le leur, et le drame c’est qu’au final c’est nous qui allons accueillir les théâtres d’opération terroriste à la place des cibles naturelles. Nous allons êtres les nouvelles chairs à canon de l’Occident face à la menace terroriste ! Bokkou Haram résiste à l’armée nigériane parce qu’il est financièrement bien alimenté par des réseaux financiers qu’on refuse de fermer pour des raisons de géopolitique malsaine. D’où viennent les armes de Bokkou Haram et l’argent qui sert à les acheter ? Ces sorciers qui préviennent le Sénégal de l’imminence d’une attaque terroriste avaient-ils perdu leurs grandes « oreilles » et leurs satellites espions au moment où le nord Mali était systématiquement arraché au Mali par de véritables armées disposant d’une logistique et d’une information dont l’armée malienne elle-même ne disposait pas ? Ce qui se trame à l’insu de nos décideurs politiques c’est qu’à terme notre continent va être un terrain d’expérimentation des stratégies de lutte antiterroriste en même temps qu’en déversoir déchets terroristes. La Libye déstructurée et les sous-sols de l’Azawad hors de contrôle d’un État : c’est un vaste empire de désert politique, mais une mine très fertile de richesses et de combines mesquines. Ces vastes terres ne sont pas seulement stratégiques par leurs richesses : elles constituent un vaste champ d’application d’intrigues qui maintiendront l’Afrique dans sa situation de dépendance à la fois économique, politique et géopolitique. L’avenir de la terre étant dans le ciel, leurs observations satellitaires leur permettront de disséminer la psychose terroriste partout en Afrique et dirigeront l’information vers une mauvaise direction. Des efforts qui auraient dus être investis ailleurs seront ainsi mobilisés pour des enjeux qui n’ont rien de local. Le Sénégal doit donc être une terre d’asile pour des prisonniers de Guantanamo alors que de simples bloggeurs africains sont expulsés de notre pays ! Une telle fumisterie humanitaire est révélatrice de la mentalité de nos dirigeants : ils pensent par des catégories que les occidentaux ont capturées et domestiquées. Après nous avoir imposé leur langue, ils nous imposent leur vision du monde en inondant nos représentations de leurs craintes, de leurs idées et de leurs croyances. Incapables de sentir les battements de leur propre cœur, des Présidents africains pleurent la misère des autres ; insensibles aux complaintes légitimes de leur opposition locale, ils prétendent payer la bonne conscience de l’arrogance et de l’irresponsabilité de leurs collègues occidentaux. Demain quand les terroristes épuiseront leurs munitions sur les théâtres d’opération en Afrique l’Europe aura fini de concocter de nouveaux plans de sauvetage pour l’Afrique. La contagion de la peur a pour dessein inavoué un contrôle à distance de nos forces de sécurité et de notre renseignement : et l’Afrique perd toujours.
Alassane K. KITANE,
professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès