Quelles que soient nos valeurs personnelles, nous basons largement notre estime de soi sur la réalisation des valeurs dominantes de notre culture. C’est ce qui ressort d’une enquête internationale menée sur plus de 5 000 adolescents et jeunes adultes dans 19 pays par Maja Becker, psychologue sociale au Laboratoire cognition, langue, langages, ergonomie (CNRS/Université de Toulouse II-Le Mirail). Ces résultats viennent d’être publiés en ligne dans la revue Personality and Social Psychology Bulletin.
L’estime de soi chez les jeunes est en grande partie d’origine culturelle
Nous pouvons tous penser à différentes choses qui font que nous nous voyons d’une manière positive. Cela peut être le fait de réussir au travail ou à l’école, d’avoir des relations amicales et familiales satisfaisantes, de se comporter suivant nos critères moraux à l’égard des autres ou d’avoir des possessions désirables. Nous pouvons aussi penser à d’autres choses, dont nous sommes moins fiers et qui font nous sentir moins bien. Mais qu’est-ce qui donne leur importance à ces choses ? Qu’est-ce ce qui influence notre estime de soi ?
Depuis cent ans le point de vue dominant en psychologie est que chaque individu base son estime de soi sur le fait d’accomplir les valeurs qu’il perçoit personnellement comme étant les plus importantes. Or les résultats de cette enquête mondiale (1) réalisée depuis 2008 sur plus de 5 000 adolescents et jeunes adultes dans 19 pays en Europe de l’Ouest, de l’Est, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie viennent nuancer cette hypothèse dominante.
En effet, ils montrent que les jeunes participants fondent leur estime de soi non pas sur leurs propres valeurs personnelles – qui semblent avoir peu ou pas d’influence sur leur estime de soi – mais sur le fait d’accomplir les valeurs dominantes chez les autres individus dans leurs environnements culturels. La tranche d’âge étudiée concerne majoritairement des jeunes de 16/17 ans, à raison d’environ 200 lycéens par pays.
Les chercheurs ont constaté que l’estime de soi de leurs participants se fondait sur 4 grands points communs, quelle que soit la culture considérée: remplir son devoir, aider les autres, améliorer son statut social, contrôler sa propre vie.
Néanmoins, l’importance de chacun de ces items pour fonder l’estime de soi des individus varie selon les cultures. Par exemple, les participants de cette enquête vivant dans des contextes culturels où les gens mettent en avant des valeurs telles que la liberté individuelle et la recherche d’une vie stimulante (en Europe de l’Ouest et dans certaines régions d’Amérique du +Sud) sont plus susceptibles de tirer leur estime de soi du sentiment de contrôler leur propre vie. Tandis que ceux vivant dans des cultures où l’accent est davantage mis sur des valeurs telles que la conformité, la tradition et la sécurité (dans certaines parties du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie) sont relativement plus susceptibles de tirer leur estime de soi du sentiment de faire leur devoir.
L’estime de soi semble donc être essentiellement une entreprise collaborative et non pas individuelle. Ces travaux suggèrent que le système de construction de l’estime de soi est un moyen important par lequel les individus intériorisent les valeurs de leur culture à un niveau implicite, même s’ils ne prétendent pas adhérer à ces valeurs quand on le leur demande explicitement. Ces processus subtils peuvent encourager les gens à agir d’une manière souhaitable du point de vue de leur société et contribuer ainsi à maintenir une solidarité sociale.
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