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L’Etat qui s’abonne à la dette vit au-dessus de ses moyens et manque de résultats

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Dans son ouvrage Crise et croissance en Afrique : l’économie politique de l’Afrique, Pierre Mouandjo Lewis tente en 2002, comme plusieurs autres ouvriers de la réflexion économique, de dénoncer l’embrigadement fatal dans lequel les dirigeants de l’Afrique subsaharienne piègent leurs pays depuis toutes ces années. La douleur du contribuable qui supporte les villégiatures de quelques privilégiés du pouvoir politique à Paris au motif de collecter des promesses de prêts de l’ordre de 2000 milliards de FCFA ne représente rien à côté de l’assujettissement cyclique qu’il subit depuis plus d’un demi-siècle. C’est qu’en réalité, le dicton selon lequel qui paie ses dettes s’enrichit est la principale règle de paupérisation des ex-colonies françaises. Elles ne sortiront jamais de leur quadrature du cercle car depuis le cauchemar des ajustements structurels et leurs tares colonialistes, la donne a changé : qui paie ses dettes s’appauvrit. Tant et si vrai que les héritiers passifs, Macky Sall et compagnie sur les traces de la mémoire postcoloniale, n’ont plus qu’à faire leur temps. Si l’adage se vérifiait dans cette version moderne de la françafrique de François Xavier Vershave, vous et moi serions déjà riches ; du moins dans le sens de la maxime, c’est-à-dire à l’abri des besoins élémentaires comme l’eau, l’électricité, l’éducation, les soins de santé ou les infrastructures.
Malheureusement, le cycle ne fait que rattraper le rythme de son recommencement. Toutes les démarches empiriques l’ont prouvé à souhait : depuis l’expérience frugale du paysan qui vit de ses terres à l’impressionnante évolution des puissances asiatiques qui se sont faites toutes seules dans le même temps de nos endettements. Plus de 50 ans. En clair, une économie raisonnée doit trouver des voies d’expansion propres et se limiter à ses potentialités pour porter la prospérité de ses populations. Dans son ouvrage, Pierre Mouandjo a pu constater qu’une économie forte se développe à partir de ses ressources propres, avec moins de propension à s’endetter. Non pas qu’un Etat se suffirait à lui-même, il n’en existe d’ailleurs pas dans le monde, mais plutôt qu’il ne doit pas s’imposer le phénomène de la dette comme un recours indispensable. A Paris, Dakar voulait se faire promettre un financement additionnel d’un peu plus de 2900 milliards de FCFA, dont 1853 milliards auprès d’impitoyables créanciers qu’on appelle plus élégamment partenaires techniques, et plus de 1000 milliards auprès du secteur privé. Ce devrait être l’inverse, c’est-à-dire la minorité à l’endettement extérieur. Lionel Zinsou, économiste et banquier d’affaires, affirmait récemment que « les Africains doivent mettre en place une politique d’endettement pour soutenir le secteur privé ». Il n’est pas seul, l’économiste togolais Yves Ekoue appellent les Etats africains à s’endetter pour créer la richesse. Qu’a-t-on fait des précédents crédits ? Les échanges commerciaux auraient pu s’arrimer à la mondialisation mais les réformes visant à assainir les économies africaines coincent dans la démagogie du discours politique. Les réformes visant à couvrir l’industrie locale piétinent indéfiniment. L’élaboration des plans et programmes coûte au contribuable des sommes choquantes et les coûts de fonctionnement de l’Etat sont généralement supérieurs à l’investissement… En somme, beaucoup de campagnes sans résultats. La preuve en est que les taux de croissance de charme enregistrés correspondent paradoxalement à une pauvreté galopante, dont Madame le Premier ministre a reconnu elle-même les bonds de l’indice en milieu rural devant les députés.
La dette qui pèse sur les fragiles économies africaines est en devises étrangères, d’où la difficulté à tirer profit des recettes d’exportations, encore moins à retrouver l’équilibre dans la balance des paiements malgré la baisse des importations depuis la dévaluation du FCFA. C’est fort de cette faiblesse que Sylvanus Olympio apparut aux yeux de Paris plus dangereux que le Guinéen Sékou Touré. Il envisageait de sortir de la zone Franc (CFA) et de créer une monnaie togolaise adossée au Deutsche Mark allemand. Une initiative dont le danger était le risque d’inspirer à toutes les ex-colonies françaises un redoutable modèle d’émancipation. Certaines indiscrétions anecdotiques révèlent qu’il fut assassiné le 13 janvier 1963 alors qu’il préparait une convention ficelée sur la question et prévue le 15 Janvier en Chine. C’est que l’indépendance monétaire enlève à la puissance coloniale toute sa marge de manœuvre. Le franc des colonies françaises d’Afrique (CFA) rebaptisé franc de la communauté française d’Afrique reste la propriété de l’ancienne métropole car les pays de l’UEMOA ont choisi de déposer leurs réserves de change au trésor public français. Les économies restent toujours surveillées par la France à travers les accords de coopérations et les conventions d’opération.
Dès lors, la dette s’apparente à un supplice obligé. Thomas Sankara fut assassiné pour son rêve de la création d’un front uni contre la dette, arme redoutable de libération des peuples. Il prônait à Addis Abeba le 29 juillet 1987 un club de la dette qui ferait face aux clubs de Paris, de Londres, de Washington, etc… et plaidait qu’il ne pourrait être au prochain sommet que s’il était soutenu. Sa peur se vérifia car il ne put jamais revenir ni parmi ses pairs ni dans ce monde. Le Mauritanien Ould Abdel Aziz explique en connaissance de cause « qu’on ne peut être indépendant économiquement, si on ne bat pas sa propre monnaie. Si on n’a pas la maîtrise totale de la politique de crédit ». Même assouplies, les conditionnalités des bailleurs ne sont pas toujours des avantages. Dans son ouvrage l’Afrique au secours de l’Afrique, le Professeur Sanou Mbaye soutient que «les Africains doivent mobiliser leurs propres ressources en se dotant de bourses régionales et nationales de valeur afin d’engranger des investissements directs nationaux, régionaux et étrangers». Yves Ekoué Amaïzo, lui, propose même la création d’un Fonds monétaire africain qui sera financé par les réserves excédentaires des pays du continent qui sont «solvables». Passée la Libye de Kadhafi, les amis « solvables » pourraient hélas se faire rares. Ce fonds viendrait en aide aux pays du continent qui sont en difficulté en leur prêtant de l’argent sous des conditionnalités africaines. De quelle probabilité pourrait-on accréditer une thèse de la dette interafricaine, eu égard aux ritournelles de ces chefs d’Etats quémandeurs, incapables de s’acquitter de leurs contributions pour la mise en place de forces communes dans tous les domaines ? Pourtant, l’Afrique n’a rien perdu de son statut de grenier de l’humanité, ses richesses demeurent la propriété des minorités légitimement ou non au pouvoir. Les Etats présentent sans cesse des budgets déficitaires qui expliquent qu’ils n’ont pas les ressources qui sous-tendent les prévisions des dépenses. En d’autres termes, l’Etat qui s’abonne à la dette vit au-dessus de ses moyens et manque de résultats, car l’inverse l’aurait dispensé logiquement du besoin d’accéder aux emprunts. Karl Marx en conclut par-dessus ses diatribes anticapitalistes que «la dette publique est l’aliénation de l’État, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain…».

Godlove Kamwa
lagazette.sn/

2 Commentaires

  1. Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre . j’espère que le Président de la République qui fera immanquablement à des crocs en jambes et à des chausse-trappes méditera ces paroles emplies d’une grande sagesse, au grand bonheur de tout le peuple dans les années à venir!

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