Paris, le 15 Novembre 2022
Lettre d’un petit journaliste à Pape Alé
Très cher confrère,
Comme le vouvoiement est proscrit entre confrères, permets que je te tutoies, malgré que tu sois mon aîné dans la vie et mon doyen dans la profession. Sois fort dans ces moments de privation de liberté et de solitude. Je prie Dieu de te donner la force de faire face à cette épreuve que tu subis injustement. Car la prison n’est malheureusement pas faite que pour les malfrats. D’honnêtes citoyens, les hommes pieux, et même des Saints y ont séjournée.
Suivant ton actualité depuis plus d’une semaine, j’ai pensé à la Charte de Munich qui est la Bible, le Coran et la Torah de tous les journalistes. Ce document qui se résume en 15 petits articles, mais ô combien dense, a été ma boussole durant le laps de temps que j’ai été en rédaction. Ses Dix (10) devoirs et cinq (5) droits me permettent sans ambiguïté, de prendre position en ta faveur.
Car j’ai lu et relu maintes fois notre « Bible», mais je n’ai trouvé nulle part ou tu aurais blasphémé. J’aurais crié : « quelle abomination !» si tu avais transgressé le principe sacro-saint du « respect du public » qui est érigé en dogme dans la profession.
Ma conviction et que tu croupis dans une prisons au Sénégal parce que tu as accompli ton devoir, comme te l’impose la Charte de Munich en t’exigeant de « Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité. » Ce premier Commandement de notre Bible vient nous rappeler que le métier de journaliste n’est pas fait pour tout le monde, contrairement à ce que croit
l’opinion. Car les risques sont très élevés, et il faut mesurer la portée et la conséquence du clavier et du micro avant de se « lancer ».
En lisant les motifs pour lesquels le Gouvernement du Sénégal t’a arrêté (divulgation de documents militaires sans autorisation de la hiérarchie de nature à nuire à la défense nationale ; appel à la subversion ; recel et diffusion de documents administratifs estampillés secret et propagation de fausses nouvelles), je ne puis m’empêcher de faire le parallélisme avec les articles 3 et 4 de la Charte de Munich : « 3. Publier seulement les informations dont l’origine est connue ou dans le cas contraire les accompagner des réserves nécessaires; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et
documents » et « 4. Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents. »
Mon cher Pape,
Sauf si le Gouvernement de Macky Sall veut casser le journaliste insoumis et navigant à contre-courant de la volonté du Prince que tu es, tu ne dois, sur la base du document que tu as publié, être convoqué par la police, encore moins être déféré. Car ce document ne comporte rien de gravissime qui puisse compromettre la sécurité nationale. Sans oublier que la Charte de Munich dans la partie Déclaration des droits, stipule que « 1. Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception et en vertu de motifs clairement exprimés. » Or ici, les motifs invoqués sont très légers pour priver un homme de liberté.
Espérant que tu vas très bientôt recouvrer la liberté, reçois mon indéfectible soutien.
Confraternellement !
Francois MENDY
Journaliste-Politiste