Monsieur le Président, c’est avec un sentiment de regret que je vous écris ces mots ; regret dans le sens où je croyais fortement en votre capacité à changer ce pays.
Monsieur le Président, votre accession au pouvoir en 2012 avait suscité beaucoup d’espoir chez bon nombre de Sénégalais. En effet, les slogans que vous prôniez faisaient rêver beaucoup de citoyens : une alternance dans la manière de gouverner avec un Président qui «est né après les «indépendances», une «gestion sobre et vertueuse» en ce qui concerne la gestion des deniers publics, une vie beaucoup plus facile avec une diminution des prix des denrées de première nécessité, une rupture avec le néocolonialisme français, une meilleure exploitation de nos ressources naturelles, une croissance économique qui nous mettrait sur les rails de l’«émergence», bref une vie décente pour tout citoyen sénégalais.
Monsieur le Président, vous aviez l’occasion de rentrer dans l’histoire du Sénégal comme étant le dirigeant qui nous aurait libérés de la prison que représente la France-Afrique. Avec vous, le Sénégal se devait d’avoir une liberté financière par la diminution du service de la dette et par l’obtention d’une monnaie qui constitue la colonne vertébrale d’un pays. Avec vous, le Sénégal se devait d’aller vers une intégration avec les pays de la sous-région grâce à la compétitivité de nos entreprises locales au niveau des pays voisins. Avec vous, le Sénégal se devait d’aller vers un climat apaisé dans le domaine de l’éducation et une réforme de notre système éducatif qui assurerait non seulement un meilleur niveau aux apprenants mais aussi réglerait la question de l’employabilité des jeunes. Avec vous, le Sénégal se devait d’avoir un système sanitaire beaucoup plus développé avec des plateaux médicaux modernes et une amélioration de la qualité de service dans les hôpitaux publics. Avec vous, le secteur de la pêche se devait de prendre une autre dimension grâce à une modernisation de nos moyens d’activité, une meilleure conservation des ressources halieutiques, une autosuffisance dans la consommation de ces produits, le développement de la pisciculture, etc. Avec vous, le Sénégal se devait de changer les mentalités de ses citoyens, d’aller vers un «nouveau type de Sénégalais», de renforcer le sentiment patriotique, de faire respecter les institutions de ce pays. Avec vous, le Sénégal se devait d’être un pays qui fait la promotion des valeurs comme le «diom», le «ngor», le «fite», le «deugou», le «foulleu», le «faydeu», etc. Avec vous, le Sénégal se devait d’avoir une Justice libre ; ce qui assurerait l’égalité des citoyens devant la loi. Ceci étant l’un des critères pour considérer un pays comme un «Etat de droit». Avec vous, on se devait d’avoir un Sénégal meilleur.
Monsieur le Président, je vous rappelle tout ceci car vous nous aviez promis un changement dans la manière de gouverner et comme le dit l’adage «une promesse est une dette». Mais, le sens de ce rappel n’est pas de vous pousser à faire ce que vous n’avez pas réussi à accomplir durant ces années au pouvoir. Le sens de ce rappel est plutôt de vous pousser à prendre conscience de la chance que vous avez de diriger ce pays et que vous devez saisir afin de sortir par la grande porte. Cependant, vu votre manière de gouverner durant toutes ces années, je ne me fais pas d’illusions puisque vous n’avez pas montré une attitude digne d’un dirigeant responsable.
Monsieur le Président, j’ai envie de parodier un journaliste en disant «finalement, ils ont fait pire que le gouvernement de Wade» à cause de toutes les dérives causées par vos différents gouvernements. Avec ces différents gouvernements, les sénégalais auront tout vu : la banalisation du mensonge et de la trahison dans un pays où les valeurs sont sacrées, des détournements de deniers publics à hauteur de plusieurs milliards, une très mauvaise gouvernance, une spoliation ou je dirais plutôt une boulimie foncière sans précédent, un culte de la médiocrité au détriment de la méritocratie, un communautarisme sans fondement solide, une arrogance inexpliquée envers les citoyens, etc.
Monsieur le Président, je vous entends souvent radoter que ce pays est un «Etat de droit», mais je tenais à vous rappeler que sous votre magistère, les critères permettant de qualifier un pays comme tel n’ont jamais été respectés. Vous ne cessez de torpiller la Constitution pour mener à bien vos manigances politiques. En plus, c’est sous votre règne qu’on a entendu, pour la première dans l’histoire de ce pays, un député déclarer publiquement qu’il est un député du Président. Ceci dit, le critère de la séparation des pouvoirs n’est pas respecté dans le sens où c’est l’Exécutif qui contrôle les autres pouvoirs. Pire, vous avez personnellement séparé les Sénégalais en deux catégories : il y a des Sénégalais lambda et des «super» Sénégalais qui n’iront jamais en prison quoi qu’ils fassent sous prétexte que le pays risque de brûler.
Monsieur le Président, j’aimerais aussi vous rappeler que le critère de l’égalité des citoyens devant la loi n’est pas respecté et les faits saillants de l’actualité ne font que conforter mon propos. L’exemple de Assane Faye, ce jeune sénégalais, déféré pour avoir, selon certaines sources, déversé un seau de riz dans votre «précieux» Ter montre l’existence d’une Justice à deux vitesses. Alors qu’au même moment, le ministre chargé de la gestion des «mille milliards» durant la période du Covid-19 est en train de battre campagne, sans souci, pour la mairie de Saint-Louis. Or, sa gestion de cet argent est une des plus nébuleuses. Il s’est même permis de donner des leçons de morale aux citoyens qui, dans l’avenir, vont emprunter le train. Au même moment, votre ministre «braconnier de l’environnement» est plus libre que le vent. Au même moment, le détenteur de milliards de faux-billets, attrapé la main dans le sac par la gendarmerie, est en train de battre campagne pour les candidats de votre parti.
Monsieur le Président, votre attitude du nègre bien dressé envers le blanc que vous vénérez et envers vos compatriotes que vous méprisez ne cesse d’agacer plus d’un dans ce pays.
Monsieur le Président, les sanctions trop injustes que vous avez prises, de connivence avec la France, à l’encontre du Peuple malien confirme de plus en plus votre immaturité en ce qui concerne la diplomatie entre pays voisins. Ces sanctions vont certes handicaper l’Etat malien, mais je vous rappelle que ce pays reste votre premier partenaire dans la sous-région.
Monsieur le Président, la cohésion sociale que vous êtes en train de bouleverser pour des raisons politiques constitue votre plus grand échec. Les clivages entre les ethnies que vous êtes en train d’accentuer risquent de déchirer à jamais le tissu social créé par nos ancêtres.
Monsieur le Président, je terminerai mon propos en vous souhaitant bonne chance pour le reste de votre dernier mandant.
M. DIAGNE
Professeur de philosophie au lycée Alboury Ndiaye de Linguère