Le gouvernement a brillé par son absence hier à la cérémonie de levée du corps du jeune Abdoulaye Wade Yinghou à l’hôpital Le Dantec. Cette cérémonie qui s’est déroulée dans un climat de morosité et de révolte a enregistré en plus de la famille de la victime, des personnalités politiques et de la société civile, venues compatir à cette douleur, mais aussi profiter de l’occasion pour crier au scandale face à la violence et à l’impunité qui sévissent au Sénégal. Par Coumba THIAM
«Lorsqu’un serpent entre dans ta maison tue-le d’abord, avant de demander comment il a fait pour y entrer.» C’est par ce proverbe que le représentant de la communauté manjack de laquelle est issu Abdoulaye Wade Yinghou, Ibrahima Corréa, a voulu manifester sa colère, lors de la levée du corps du jeune homme de Bène Barack. A travers cette métaphore, le mal qui est représenté par le serpent n’est autre que la violence et l’impunité qui sévissent au Sénégal.
Près d’un mois après la mort de Abdoulaye Wade Yinghou, la levée du corps a eu lieu, hier, à la morgue de l’hôpital Aristide Le Dantec. C’est aux environs de 16 heures que le corps a quitté l’hôpital en direction du domicile familial, avant de prendre le chemin de Sédhiou vers 20 heures. Le jeune garçon sera inhumé dans son village natal de Bougnadou. C’est avec une mine attristée et désolée que la famille du défunt est venue chercher le corps. Elle n’était pas seule d’ailleurs, car la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) a mobilisé des responsables politiques, des acteurs de la société civile ainsi que d’autres personnalités du pays, afin qu’elles viennent soutenir la famille du jeune de Bène Barack. Ceux-ci, ont compati à la douleur de la communauté manjack, et ont par ailleurs manifesté leur indignation face à la situation du pays caractérisée par la violence et l’impunité.
Le tuteur de Abdoulaye Wade Yinghou, Arfang Corréa, sur un ton lent et affligé, a tenu à remercier ce geste?: «Malgré le mal qui me ronge, je suis soulagé de voir la présence de tout ce monde, qui est venu partager notre douleur. Il faut qu’on cesse de tenter la corruption, il faut que Justice soit faite», a-t-il déclaré.
IBA DER THIAM, SEUL MEMBRE DE LA MAJORITE PRESENT
Beaucoup d’hommes politiques et de représentants de la société civile tels que Moustapha Niass, Abdoulaye Bathily, Jean-Paul Dias, Penda Mbow et Abdoul Latif Coulibaly étaient présents à la cérémonie de levée du corps. Mais il n’y avait aucune représentation étatique. Du côté de la majorité, une seule présence a été enregistrée?: celle du député Iba Der Thiam, vice-président de l’Assemblée nationale.
L’attitude du gouvernement dans ces moments d’épreuve est ce qui a le plus fait mal à la famille de la victime qui, par la voix du représentant des manjacks, Ibrahima Corréa martèle?: «Personne de l’Etat ne nous a appelés pour présenter ses condoléances, alors qu’ils sont là au service de la masse. Si l’Etat avait fait un geste, peut-être qu’il y aurait eu moins de bruit. Mais, avec cette affaire, nous nous serions sentis seuls, si ce n’était la Raddho.»
Quant au président de la Raddho, Alioune Tine, il explique?: «J’aimerais rappeler une chose aux plus hautes autorités de l’Etat. C’est notre Constitution qui protège la personne humaine, en disant qu’elle est sacrée. L’Etat a l’obligation de la protéger.» A l’égard des actes de violence de la part de ceux qui sont censés protéger la population, le président de la Raddho ajoute?: «Nous avons signé et ratifié la convention contre la torture qui nous fait obligation, quand il y a des présomptions (…) En matière de torture, il n’y a aucune procédure qui a abouti au Sénégal, ces cinq dernières années, en matière de torture. L’impunité est devenue un trop plein, il faut stopper les morts en détention.»
LA VICTIME ETAIT L’HOMONYME DE WADE
Abdoulaye Wade Yinghou était orphelin de père et de mère. Sa famille se désole de cette mort tragique, d’autant plus qu’après sa naissance, ses parents lui ont donné le nom de l’actuel Président Abdoulaye Wade, car il était à l’époque en tournée à Sédhiou. Il vivait sous la tutelle de son oncle Arfang Corréa à Yembeul. Le jour de sa mort, selon son employeur Mactar Diop, il ne faisait même pas partie des gens qui manifestaient contre les délestages. «Je l’avais envoyé à Malika pour acheter des aliments de volaille. C’est vers 18h qu’il est parti. Aux environs de 19h, il me donne un coup de fil pour me dire que la Police l’a arrêté», raconte M. Diop. Ce dernier souligne que, «ce n’est plus la peine de faire le film de cet événement, c’est moi-même qui ai payé l’autopsie. Maintenant ce qu’on veut, c’est que la lumière soit faite sur cette affaire». Cette exigence est la chose la mieux partagée par ceux qui étaient présents à la levée de corps de Abdoulaye Wade Yinghou.
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Que la terre lui soit légère. Amen