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L’exigence de Refondation

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Au moment où au Sénégal, les tenants de l’ancien et du nouveau régime s’invectivent autour de l’appartenance de quelques voitures de luxe, où les ministres sont heureux de rouler dans de rutilantes bagnoles , où le chef de l’Etat possède deux avions de commandement de l’ancien régime (il a promis de vendre le premier), tout en s’émouvant d’avoir hérité de caisses vides de l’Etat, où l’ancien président de la République, toujours prompt à frimer, se déplace en jet privé, voilà qu’une leçon à méditer nous vient du Malawi.

Arrivée au pouvoir, en avril 2012, au lendemain du décès du chef de l’Etat en exercice, Mme Joyce Banda, 61 ans, a pris le parti d’annoncer la vente imminente de l’avion présidentiel ainsi que d’une soixantaine de limousines appartenant au gouvernement. C’est à bord d’un avion de ligne de British Airways qu’elle a atterri à Londres, le 5 juin dernier, pour assister au jubilé d’Elisabeth II.

Une manière de prendre la mesure d’un pays enclavé, occupant le 171ième rang de l’indice de développement humain 2011 du Pnud. Ceci interpelle d’autant plus qu’au Sénégal, pays qui occupe la 155ème place, un rang peu honorable, se développe une culture du m’as-tu vu en contradiction flagrante avec la situation économique et sociale.

Dès l’entame de la mandature de son époux, l’actuelle première dame, dont on dit qu’elle est sans emploi, n’a rien trouvé de mieux à faire que de se promener au marché de poissons de Pikine, pour offrir (avec quel argent ?) cinq millions de FCfa à quelques femmes. Des semaines plus tard, c’était autour de donateurs de rivaliser à qui mieux-mieux, au théâtre Daniel Sorano, pour distribuer des liasses de billets de banque à Fatou Guewel, une chanteuse de boulevard. L’argent continue ainsi de couler à flots, sédimentant dans la conscience collective, des manières de faire et d’être improductives.

Le m’as-tu vu, c’est aussi cette propension d’hommes et de femmes préférant paraitre, à l’image de toutes ces personnalités fascinées par l’idée d’aligner leur titre. Etonnant n’est-ce pas, faisait remarquer un Citizen Kane de la presse locale, qu’au Sénégal, on tient à mettre l’accent sur le titre des personnalités en sus de leur fonction. N’est-ce pas le fameux « titerou » ? Cela donne du Maître X, ou Professeur Y, suivi de sa fonction de ministre ou de président de la République. Il faisait ainsi observer que cette approche n’était pas de mise ni aux Etats-Unis ni en France par exemple. Aussi faisait t-il observer : bien qu’avocats, les présidents Barack Obama ou Sarkozy n’ont pas senti le besoin d’accoler leur titre à leur fonction. On voudrait plutôt que nos gouvernants fassent dans la modestie et la performance, en menant à bien leur mission, et non qu’ils se contentent d’afficher un sourire béat, heureux de s’entendre appeler M. le ministre, M. le conseiller, Honorable député, etc.

Qu’ils comprennent qu’ils n’occupent pas ces fonctions pour se la couler douce, encadrés par des motards, circulant dans de rutilantes voitures, etc. Ah ces bagnoles ? On en sait quelque chose puisqu’elles font depuis quelques jours la Une des journaux et occupent une bonne partie de la campagne pour les législatives. On a même entendu un ancien président s’impatienter de récupérer sa voiture car, faisait-il remarquer, avec un petit sourire narquois, elle est au top et a l’intelligence de se garer toute seule.

Ahurissant ! Ces bagnoles seront même à l’origine des menaces de déstabilisation d’une partie de l’opposition. Et pourtant, elles sont venues d’ailleurs et les acteurs politiques qui se les disputent ne peuvent même pas se targuer d’en être les concepteurs. Oubliant ainsi qu’aucun pays ne peut se développer en consommant ce que les autres produisent et que la dépendance systémique est à la base de toutes les insécurités.

Il va donc falloir tourner le dos à ces pratiques, pour peu qu’on escompte que la rupture tant espérée au lendemain de la survenue de Macky Sall à la magistrature suprême, ne se résume en une vaine incantation. Elle requiert en effet de faire advenir sur la scène une mentalité mettant en avant le travail comme vecteur de création de richesses. Ce qui suppose que les autorités compétentes puissent traquer les pratiques prédatrices puisque obligation sera faite à tout citoyen de rendre compte.

La rupture suppose par conséquent une refondation des institutions et des manières de faire.

C’est notamment, pour le président de la République, se déconnecter de son rôle de chef de parti, montrant ainsi que la seule préoccupation qui encombre son esprit est le Sénégal. Aussi, importe-t-il de faire en sorte que les investissements publics ne soient pas aussi déséquilibrés, privilégiant la capitale, Dakar, au détriment de l’arrière pays.
C’est à cette réflexion qu’invite la leçon en provenance du Malawi. Prendre la mesure de la pauvreté et envoyer des signaux forts qui montrent que désormais, les responsables politiques sont mus par la volonté de servir et de changer le vécu des populations, notamment celles qui sont les plus démunies.

Par Vieux SAVANE

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