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L’histoire rattrape le cinéaste, Moussa Sène.

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Mon cher Moussa Sène Absa, c’est dès l’entame de mon propos que je souhaiterais être clair avec vous et naturellement bien compris de tous : je n’ai aucunement l’intention de répondre au nom de son Excellence, le président Macky Sall, que vous interpellez, comme citoyen libre (acteur partisan ?), suite à la lettre que vous portez par voie de presse à son attention.
Pour moi, ce n’est pas un simple détail, quand vous précisez votre âge : soixante-trois (63) ans, indiquez-vous. Nous sommes tous les deux de la même génération, celle des enfants nés à cinq ou trois avant la fin des nuits coloniales. Je suis heureux, à 65 ans révolus, de constater que j’ai, et de loin, l’avantage de l’âge sur vous.
Ainsi, je me donne la liberté en me fondant sur nos valeurs culturelles africaines, afin de pouvoir user du droit d’aînesse et de formuler des remarques fraternelles sur vos propos. Moussa, mon cher frère, je saisis difficilement la pertinence de votre argumentaire. Je ne crois pas vous avoir mal lu. Croyez-moi, même enrobé dans un style poétique et plaisant, cet argumentaire cache difficilement sa vacuité, pour ainsi éviter de parler de la sidérante fragilité des éléments servant de trame au texte.
La consistance factuelle fait défaut. Or, on ne peut comprendre l’objet de la réflexion que vous proposez en débat, si vous vous obstinez à occulter tous les faits qui constituent la trame de l’histoire politique de ce pays sur le fondement duquel vous vous appuyez pour proposer un postulat, faire des énoncés et tirer des conclusions. Sous ce rapport, la base conceptuelle de la réflexion étant viciée, votre analyse en a pris un sacré coup.
Les conclusions de votre analyse qui tente de se présenter sous les dorures d’un essai distant et objectif, sont-elles fatalement disqualifiées. Votre postulat de base repose sur l’idée que le Sénégal, depuis son existence comme État, n’a jamais vécu une ambiance politique aussi viciée, car remplie de tensions. Tout, dans la compétition politique, laissez-vous entendre, se passe aujourd’hui, plus que ce ne fut le cas hier, dans un contexte lourdement chargé de menaces et de potentielles violences.
Avec l’âge qui est le vôtre, vous aviez six ans en 1962, on peut comprendre que vous n’ayez pas des souvenirs clairs des événements du 17 décembre de cette même année. Seulement, vous connaissant cinéaste brillant et perspicace féru, du moins du point de vue de la théorie politique, vous ne pouvez énoncer, avec une conscience bien apaisée ce que vous écrivez, par exemple : Moussa vous écrivez : « Jamais je n’ai senti autant de clivages aux conséquences nauséabondes traverser les esprits ».
Moussa, qu’est-ce qu’il faut comprendre par-là ? Que vous aviez réussi, avec une énorme prouesse, pour ne parler que de cas récents, à éviter de respirer l’air du pays ce 23 juin 2011. Comme peut-être, vous aviez également décidé de fermer les narines pour ne pas sentir les odeurs des grenades balancées vers des populations qui contestaient le troisième mandat de Wade. Pourquoi se monter si oublieux mon cher frère Moussa ?
Nos éminents historiens, notamment les spécialistes de l’histoire politique contemporaine du Sénégal, ont suffisamment produit sur le sujet. J’aimerais d’ailleurs vous voir produire un film sur les violences politiques au Sénégal de la période coloniale à nos jours. Moussa, très fraternellement, comme vous avez produit un documentaire sur la tragique et douloureuse affaire Me Sèye.

Avec l’âge qui est le vôtre vous ne pouvez dire cela avec une conscience en paix tant la réalité vécue au cours des cinquante dernières (1960-2011), avant l’arrivée de Macky Sall au pouvoir atteste de situations de tensions politiques tellement fortes qu’elles ont parfois produit des violences avec d’innocents citoyens comme victimes.
Vous êtes de dimension exceptionnelle, un cinéaste fécond, un créateur accompli. Vous avez l’esprit d’un créateur et il vous arrive certainement par votre fécondité d’esprit, à mêler réalité factuelle et fiction. Toutes choses qui rendent davantage votre travail sublime. Je ne ferai pas l’insulte de dire que vous avez écrit votre texte avec l’esprit de l’artiste qui est autorisé à prendre parfois beaucoup de liberté avec les faits. Je me permets de rappeler ou peut être de vous faire savoir que le 17 décembre 1962, le Sénégal pouvait basculer dans la guerre entre deux camps politiques qui se faisaient face et n’eut été la sagesse des officiers des Forces armées et de la Gendarmerie, nous aurions pu connaître la première crise politique suivie de violence. Bien avant, cette date le pouvoir en place poursuivait avec une hargne sans pareille tous ceux qui se réclamaient du Parti africain de l’indépendance (PAI). La répression a été terrible et nombre de familles de ce pays en ont été victimes.
Les luttes politiques fratricides dans la ville de Saint Louis en ont été une parfaite illustration. C’est là où a eu lieu le premier assassinat politique dans le Sénégal indépendant. Vous étiez sans aucun doute jeune pour vous en rappeler.
Si c’est effectivement le cas, vous pouvez être excusé. En revanche, vous pouvez vous souvenir de la séquence de 1968 avec l’arrivée massive à Dakar des comités d’action de l’union Progressiste Sénégalaise. Ces milices du parti unique appelées de l’intérieur du pays pour venir dans la capitale, en vue de bastonner et de casser des étudiants en grève. Pour un intellectuel, de surcroît un cinéaste consacré, vous n’avez pas le droit d’ignorer tous ces faits.
Vous ne pouvez pas non plus oublier le massacre des six policiers sur le boulevard du Centenaire un 16 février 1994. Les familles de ces policiers massacrés qui ont célébré le triste anniversaire de ces horribles assassinats ne pensent pas, loin s’en faut, comme vous.
Mon cher jeune frère, comme je vous disais, votre analyse est faible et sans consistance, même si vous avez voulu en faire un texte sérieux destiné à déranger la conscience de l’autorité. Vous auriez pu être plus incisif et mieux écouté si vous aviez évité le piège partisan que nous revendiquons nous qui sommes encartés.
A moins que ce soit le cas pour vous sans que l’opinion en soit informée. C’est votre droit le plus absolu de l’être. Jamais je n’ai été témoin d’une si vive tension dans notre société jadis si paisible et fort rieuse.
Moussa, je n’ose pas croire que vous considérez que la région de Casamance et ses populations ne font pas partie de la société sénégalaise. Elles, j’imagine bien, n’ont pas été aussi rieuses que vous le prétendez dans votre texte.
Je sais que jamais, vous ne pourriez faire écho aux thèses de la rébellion. Pourtant en considérant que la Casamance a été rieuse au cours de ces trente, voire quarante dernières années rieuses, vous oubliez, là également, que depuis décembre 1983, cette partie du pays est en proie à une terrible guerre de sécession qui s’est rappelée nous, il y a quelques jours.
Mon cher Moussa, pour finir je vous dirai que j’ai effectivement lu les arguments développés pêle-mêle pour tenter de disqualifier les politiques publiques et le travail initié depuis 2012 par le Chef de l’Etat. J’avoue avoir été frappé par les audacieuses prétentions avancées sur des questions et problématiques de développement économiques et sociales difficiles à maîtriser. Pour tout dire les jugements hâtifs sont manifestes évitant rarement de faire dans l’excès est criard. Or comme on dit, tout excès, dit-on est nuisible.
Toutes les démonstrations tentées préparent une entrée fracassante dans le débat actuel : l’affaire de viol pendante devant la Justice. Cette phrase de votre texte trahit clairement la subtilité que vous tentez de faire valoir : « Monsieur le Président … Ne vous mêlez pas des querelles au-dessus de la ceinture ! (..) Le combat est ailleurs ». Vous entrez dans ce débat pour faire prospérer la thèse du complot ourdi, sans preuve évidemment, sinon faire, comme tous les autres qui défendent cette thèse, dans, la suspicion, l’insinuation, la calomnie, voire la diffamation. Une tentative vaine de politisation d’un conflit privé opposant deux citoyens sénégalais avec certes une connotation pénale mais qui n’en reste pas moins une affaire civile. Je n’aurai d’autres mots pour vous à ce sujet. Mon cher frère, prions ensemble pour que Dieu nous laisse la lucidité de garder sagesse et nous donne les moyens de préserver la paix et la stabilité dans ce pays. N’en déplaise à tous les oiseaux de mauvais augure.

Abdou Latif COULIBALY

3 Commentaires

  1. Latif tu ne sait pas regarder un film de cinéma pour comprendre le texte de Moussa. Il voulait juste dire à Macky d’arrêter les chasseurs de PRIMES comme toi qui complotent à son insu dans le seul but de préserver et maintenir voire augmenter leurs PRIMES après 2024. Alors bravo Moussa qui sait bien lire et analyser sa société mieux que ceux se sont bunkeriser dans le palais dans des bureaux climatisés avec des portes fermées par deux tours de clés.

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