Avant-hier, des milliers d’enfants sénégalais se sont déguisés pour fêter le Mardi Gras qui ouvre la période pascale, jusqu’à la fête de la Résurrection du Christ. Parmi ces enfants, l’écrasante majorité était des musulmans. Ils étaient heureux. Ils chantaient. Ils dansaient. Comme chaque année, leurs parents ont encore mis la main à la poche. Il en sera ainsi lors de la fête de Pâques. Sans occulter Noël. Cette année, le carême des Catholiques va coïncider avec le Ramadan des Musulmans qui attendront avec impatience leur Ngalakh. Ensuite les deux communautés célébreront ensemble la Korité, puis la fête la Tabaski (fête du mouton). Il en est ainsi depuis les temps immémoriaux. Et rien, absolution rien ne pourra changer cette solidarité légendaire entre les musulmans et les catholiques sénégalais. Le Sénégal est d’ailleurs un exemple typique de dialogue islamo-chrétien. Nous pouvons bomber le torse d’avoir eu un président catholique de 1960 à 1980. Pendant 20 ans, Léopold Sédar Senghor a dirigé ce beau pays composé de plus de 95 % de musulmans. Il avait comme principaux soutiens les Khalifes généraux des Tidianes (Ababacar Sy) ; des Mourides (Serigne Fallou Mbacké) ; de la famille omarienne (Thierno Saïdou Nourou Tall). Mieux, le 7 juin 1963, le président Senghor, de religion catholique, avait procédé à l’inauguration de la Grande Mosquée de Touba.
L’intérêt de ce rappel se trouve dans le fait comme l’écrivait avec brio le Professeur Abdoulaye Elimane Kane, que «ces religions n’ont jamais eu d’intention ou de volonté hégémonique d’imposer leur croyance ou leurs cultes à des peuples voisins».
Et l’ancien Conseiller culturel du maire de Dakar, ancien ministre d’ajouter, «les Tijanes, les Mourides, les Layennes, les Niassènes, les Khadres-Ndiassane, Madina-Gounass, etc. Ces confréries sont en un certain sens concurrentes mais très rarement opposées au point de mettre en péril la cohésion sociale».
C’est cette chance unique que certaines personnes en manque d’inspiration tentent de saper, de désagréger. Au nom de leur foi, elles sortent des énormités tendant à remettre en cause notre commun vouloir de vie commune, en usant d’un terrorisme intellectuel, d’un discours haineux, communautarisme, sectarisme dans le seul but de remettre en cause notre laïcité constitutionnalisée. C’est-à-dire, «l’égale dignité de tous les cultes et le libre exercice de ceux-ci par leurs adeptes, mutuellement respectueux les uns des autres».
Heureusement, que l’écrasante majorité des sénégalais refuse de leur suivre dans leur projet diabolique. Le verdict des élections locales du 23 janvier 2022 en est une parfaite illustration. Les Dakarois, composés majoritairement de musulmans ont décidé d’envoyer Barthlemy Dias, un catholique, à la tête de la mairie de la capitale sénégalaise. Nous, Sénégalais, pouvons en être fiers. Nous avons fait mieux que tout le monde. Un homme de couleurs n’a présidé aux destinées des Etats-Unis qu’en 2008 avec Barack Hussein Obama. Londres, l’une des capitales les plus cosmopolites au monde n’a eu droit à un maire musulman qu’en 2016. Il s’agit de Sadiq Khan. Ces deux élections ont fait le tour du monde. Alors que le Sénégal a toujours montré la voie. D’abord avec le président Poète mais aussi avec Joseph François Thiécouta Gomis maire Dakar de 1961 à 1964.
Nous devons donc rester vigilants pour éviter tout irrédentisme qui pourrait menacer notre cohésion nationale, en freinant ces nouveaux censeurs qui s’érigent en donneurs de leçons, tentant par tous les coups de nous imposer la conduite à tenir. Hier, ce sont les Catholiques qui ont été attaqués. Demain, ce sera le tour de qui ?
ROLE DE VIGIE DES MEDIAS
Les médias ont un rôle extrêmement important à jouer dans la concorde nationale. Par conséquent, ils doivent rester vigilants face à ces ennemis de la laïcité et de la République. La bataille de l’audimat ne devrait pas nous pousser à donner la parole à n’importe quel énergumène. Surtout ce prêcheur qui croit sortir de la cuisse de Jupiter pour nous dicter nos amis, nos voisins, poussant l’outrecuidance jusqu’à prôner le cloisonnement entre Catholiques et Musulmans. Si en plus de nos dérives personnelles notées ça et là, chaque jour, dans les colonnes des journaux, sur les ondes FM, au niveau de la télévisions et autres sites internet, nous laissons libre court à certaines insanités passées par nos canaux, alors nous serons tous coupables. Nous aurons alors failli à notre mission : celle de consolider les acquis que nous ont légué nos doyens qui se sont battus pour le pluralisme des médias. Pour y arriver nous devons arrêter d’être des pompiers-pyromanes. Des propos tenus en direct peuvent nous échapper. Mais quand c’est dans des émissions enregistrées que certains propos désobligeants, tendant à saper la cohésion nationale, sont tenus et malgré tout diffusés sans que le journaliste ne recadre l’interviewé ou lui nous apporte la contradiction, il y a de quoi s’inquiéter. Parce que nous sommes en train de faillir à notre rôle de vigie, de veille et d’avant-garde. Surtout que cet imam est un récidiviste. Il a tenu ces mêmes propos sur la 2STV avant de les réitérer sur le plateau de Walf TV.
Abdoulaye THIAM (Sud Quotidien)
Bravo a toi pour ce bel article