Beaucoup avaient misé sur les difficultés de cohabitation entre le maire de Dakar, ses camarades de Parti, les autorités de l’Etat et certains problèmes d’encombrement du centre-ville pour prédire un sombre avenir à Khalifa Sall.
En se dressant comme le dernier rempart, le maire sortant a pu contourner les plus grosses difficultés pour solliciter un second mandat aux populations de Dakar.
La Forme
Et Le Fond
Lorsque Khalifa Ababacar Sall s’est soucié plus de l’efficacité que d’une carrière à la tête de la municipalité de Dakar, tous avaient affirmé qu’il enfonçait des portes ouvertes : en difficulté avec son parti, peu ménagé par un pouvoir central désireux d’un édile chocolaté et moins ambitieux et malmené par des marchands ambulants qui ont mis en minorité le maire sortant par leur puissant mouvement de 2007, le responsable socialiste de Dakar n’avait apparemment aucune marge de manœuvre face aux Locales de Juin prochain.
Ses prêches pour la libération du soldat Macky Sall avec un retour aux fondamentaux de (la) base étaient perçues comme un rappel à l’ordre du premier secrétaire Ousmane Tanor Dieng de se démettre à l’issue de la présidentielle de 2012. Ses invites internes et externes aux alliés de répondre à la volonté légitime de tout parti de conquérir le pouvoir fut perçu au sommet de l’Etat comme une candidature prématurée à la présidence de la République. Déjà, le Ps ne faisait plus preuve de la même générosité envers cet enfant qu’il a couvé jeune : l’appui du bout des lèvres ne sera pas consacré par les faits et les affirmations des uns et des autres mettaient en doute la loyauté de l’ex-maire de Grand-Yoff envers certains de ses camarades qui le lui rendaient bien.
Les couleuvres actuelles, avec un allié qui n’hésite plus à prendre langue avec l’éternel adversaire, au nom de la logique des Locales qui sont une affaire purement…locale, sont une piqûre de rappel qui prend en compte les appels du Cassandre qui invitait ses camarades à se refaire à l’interne, pour ne devoir qu’à soi le gain d’une bataille. Fatigué de hurler à tout vent, le maire de Dakar a fait sa propre liste pour la sauvegarde d’une couleur verte qu’il semble seul vouloir préserver. D’autres adversaires se manifesteront qui pasticheront le cri de ralliement du candidat Khalifa Sall : le Taxawuu Plateau deviendra un clone du Takhawou Ndakarou historique fait plus de culture que de politique.
Le 21 novembre 2007, les marchands ambulants de Dakar s’étaient dressés violemment contre une mesure de déguerpissement prise par le président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade. Le secteur informel aura raison de lui, ainsi que son puissant maire de Dakar. L’histoire allait-elle bégayer avec Khalifa Sall ?
Beaucoup avaient parié dessus pour rebattre le caquet de ce jeune présomptueux qui prétendait réconcilier le centre ville avec ses trottoirs, ses feux de circulation, mais aussi et surtout qui voulait tranformer l’environnement du centre-ville en le libérant de ses encombrements humains, dont le plus gros lot était constitué de marchands ambulants. Khalifa Sall y est parvenu, sans les casses qui, de 2007 à 2012, ont démontré le mal-vivre de populations à bout de souffle, minées par pauvreté dans l’opulence d’un régime wadien. Pourrait-il y avoir un retour de flamme en juin prochain ? Naguère, les populations outrées manifestaient séance tenante leur désapprobation. C’est que le pouvoir ne proposait pas de solution de rechange : l’élimination des « Lions » du foot-ball devant la Gambie, les émeutes de Kédougou, la forte manifestation des marchands ambulants, etc…ne reposaient sur une alternative crédible, forte, capable de faire espérer ; d’où la réaction populaire violente, aveugle.
Le réchauffement social qui avait caractérisé le second mandat de Me Wade était en effet une réponse à un mal-vivre sans espoir, en ceci aussi bien dans le spirituel que le temporel ; les difficultés de gestion du temps et de l’espace n’ont pas trouvé de réponses de la part d’un Etat incapable de satisfaire les questionnements des classes sociales sénégalaises, et ceci sur toute l’étendue de l’espace territorial : les imams de Guédiawaye, les internes des hôpitaux en grève, les pêcheurs de Soumbédioune, les sinistrés de banlieues inondées, remous dans le secteur du transport aérien, les populations de Sébikotane et de Mont-Rolland face aux déchets toxiques, les émeutes de Kédougou, celles des marchands ambulants de Sandaga et les manifestations pacifiques, comme les marches (femmes du Front Siggil Senegaal).
Aujourd’hui, le Sénégal n’est pas encore arrivé à ces extrêmes : la paupérisation répond à la nature essentiellement informelle de la vie sénégalaise au sens large ; et en autant que les populations trouvent un espace social d’expression de cette précarité, la volonté de survie honorable l’emporte sur le geste désespéré de la période 2007-2012.
Là réside en fait la force du maire de Dakar : en alliant une intelligence ferme avec une compréhension de la volonté d’expression du désir de vivre des marchands ambulants, Khalifa Sall est parvenu à s’allier ceux qui ont défait plus fort qu’eux par la force de la carte d’électeur : les mesures d’accompagnements (sites de recasement) ont précédé et accompagner l’installation dans un autre secteur d’expression de vie, à mi-chemin entre le boulevard du Général de Galle et le centre-ville.
Au total, ceux, nombreux, qui avaient misé sur les difficultés de cohabitation entre le maire de Dakar, ses camarades de Parti, les autorités de l’Etat et certains problèmes d’encombrement du centre-ville pour prédire un sombre avenir à Khalifa Sall risquent d’en être pour leurs frais : en se dressant comme le dernier rempart aussi bien pour les abus de l’Etat que du Parti socialiste, le maire sortant a pu contourner les plus grosses difficultés pour solliciter un second mandat aux populations de Dakar. Il est plus perçu désormais comme un justicier que comme un véritable empêcheur de tourner en rond. Avec un cadre de vie rénové, le chemin du secteur semble pavé pour ce candidat qui sort de l’ordinaire.
Pathe Mbodj