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Londres, un modèle de mixité urbaine fragilisé par la crise économique

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Contrairement aux idées reçues, les pires saccages n’ont pas eu lieu dans les arrondissements les plus pauvres de Londres mais dans les quartiers types de la mixité sociale, comme Enfield.

Contrairement aux idées reçues, les pires saccages n’ont pas eu lieu dans les arrondissements les plus pauvres de Londres mais dans les quartiers types de la mixité sociale, comme Enfield.Suzanne Plunkett / Reuters

LONDRES, CORRESPONDANT – Quelles sont les causes des émeutes urbaines qui ont déferlé sur Londres depuis le 6 août ? La pauvreté, la marginalisation sociale, l’absence d’autorité parentale, la haine de la police ou le pur vandalisme expliquent, pêle-mêle, cette flambée de violence qui a envahi le petit écran à grand renfort de chromos.

Mais, contrairement aux idées reçues, les pires saccages n’ont pas eu lieu dans les arrondissements les plus pauvres où rôdent les damnés du quart-monde. Tottenham, Hackney, Clapham, Croydon ou Enfield, théâtres des plus graves violences, sont des quartiers types de la mixité sociale qui est la norme dans la capitale. Ce mélange traditionnel entre riches et pauvres fonctionne sans trop d’accrocs en période d’essor économique.

En revanche, comme l’attestent les actes de délinquance, cette cohabitation peut facilement se fracturer en période de crise économique, de coupes draconiennes dans les dépenses publiques, en particulier dans les budgets sociaux, et d’envolée du chômage des jeunes pas ou peu qualifiés.

DES SOCIÉTÉS JUXTAPOSÉES

« Comparé aux autres métropoles européennes, Londres est une ville où le fossé entre riches et pauvres ne cesse de grandir sans atteindre pour autant les écarts d’une ville comme New York. Toutefois, il n’existe pas de ghettos à l’américaine ni de banlieues sensibles à la française. La capitale est un bel exemple de mixité sociale », souligne Tony Travers, professeur de politique locale à la London Schoolof Economics.

Pour appuyer son propos, cet expert de la capitale cite l’exemple de Regent’s Park, le quartier cossu du centre-ville où il habite. D’un côté, l’alignement des immeubles à colonnades doriques et à balcon en ferronnerie ou en stuc – signés du grand architecte Nash –, où réside une population cossue.

De l’autre, des HLM pas très bien entretenues où vivent petits employés, des ouvriers mais aussi des chômeurs et des immigrants. Albany Road, la longue artère commerciale qui sépare ces deux mondes, est une curieuse suite de petits commerces asiatiques et de débits d’alcool jouxtant des boutiques de mode branchées et des traiteurs où rien ne manque à l’étalage.

Londres est ainsi faite de sociétés juxtaposées, pas nécessairement hostiles, qui se côtoient sans se fréquenter. Chaque groupe a ses valeurs, ses normes, sa façon de vivre. Mais l’envers de cette mixité est que l’étalage de richesses des uns peut créer l’envie chez les autres.

REPÈRES SOCIOLOGIQUES MASSACRÉS

écouter Tony Travers, cette politique de mixité sociale est le résultat de la fragmentation du pouvoir détenu essentiellement par les 32 boroughs (« bourgs »), l’équivalant à peu près des arrondissements parisiens. La politique du logement, notamment l’attribution des HLM, est de leur ressort, pas de celui de la mairie ou du gouvernement central.

Ces prérogatives étendues expliquent que, dans les bourgs les plus riches et les plus verts comme Kensington et Westminster, de nombreuses HLM ont été construites à côté de luxueuses propriétés.

La « gentrification » des quartiers autrefois déshérités par les propriétaires de la classe moyenne a eu raison de la vieille distinction entre zones nanties et déshéritées. « Les jeunes professionnels peuvent ainsi réaliser à prix bas l’obsession de tout Britannique : posséder sa maison et un petit jardin », analyse Tony Travers à propos de la poussée de cette nouvelle élite sociale qui a massacré les points de repères sociologiques et les grilles de références politiques.

Le chercheur insiste enfin sur une autre facette de cette crise : l’énorme pouvoir de la Metropolitan Police, la Met, première force du royaume avec 30 000 policiers. Fondé en 1819 par Sir Robert Peel pour prévenir les délits, Scotland Yard, ancêtre de la Met, est un Etat dans l’Etat.

Si le maire fixe le budget et désigne le président de l’autorité de contrôle, la force est totalement autonome sur le plan opérationnel. Le seul pouvoir du ministre de l’intérieur est la nomination du commissaire en chef de la Met. Outre son rôle de représentation, le maire ne contrôle en fait que l’infrastructure, en particulier le transport et le planning urbain.

Marc Roche

Le maire de Londres face à la colère des habitants

 

Au lendemain des scènes de guérilla urbaine qui ont fait de nombreux dégâts au cœur de la capitale britannique, le maire conservateur de Londres, Boris Johnson, a dû faire face, mardi 9 août, à la colère des habitants lui reprochant l’absence de réponse policière face aux émeutiers.

S’étant rendu dans l’un des quartiers les plus touchés, à Clapham Junction, M. Johnson avait dans un premier temps harangué la foule en brandissant un balai pour remercier la population de sa participation au nettoyage des dégâts causés au cours de la nuit.

Puis, après ce coup d’éclat dont il est coutumier, il a été pris à partie par plusieurs dizaines de résidents sur les conditions dans lesquelles les actes de vandalisme avaient pu continuer toute la nuit sans que les forces de l’ordre interviennent dans ce quartier.

Face à aux griefs formulés par ses interlocuteurs, M. Johnson a promis que la présence policière serait accrue et que les auteurs des déprédations seraient punis.

 

Article paru dans l’édition du 11.08.11

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