Au lendemain de l’annonce de la dissolution du gouvernement et de la commission électorale en Côte d’Ivoire, l’opposition a fait savoir samedi pour sa part qu’elle ne reconnaissait plus Laurent Gbagbo comme président. Une décision qui risque de compliquer ses effort de constitution d’une nouvelle équipe gouvernementale.
« Nous ne reconnaissons plus Laurent Gbagbo comme président de la république », a déclaré Djedje Madi, secrétaire général du RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix), coalition réunissant les quatre principaux partis d’opposition. Il a estimé que sa décision de dissoudre le gouvernement et la commission était « antidémocratique et anticonstiutionnelle », et assimilable à un « coup d’Etat ».
« Nous ne pouvons pas laisser une dictature s’établir », a dénoncé Anne Oulto, porte-parole du RDR (Rassemblement des Républicains, opposition).
Le RHDP a appelé ses partisans à se mobiliser contre le parti au pouvoir, laissant craindre de nouvelles violences.
Pour François Kouablan, secrétaire général du PIT (Parti ivoirien des Travailleurs), petit parti indépendant, cette dissolution « va à l’encontre de tous les accords de paix que nous avons signé depuis 2004. Qu’aujourd’hui le président pense qu’il a les pouvoir d’agir ainsi nous donne l’impression d’être retournés 20 ans en arrière », a-t-il déploré.
Vendredi, Laurent Gbagbo a demandé au Premier ministre Guillaume Soro de rester à son poste et de mettre sur pied un nouvel exécutif qu’il devra lui présenter lundi. Soro était à la tête de la rébellion nordiste jusqu’à l’accord de paix de 2007 qui mit fin à la guerre civile.
Djedje Madi a confirmé que la coalition d’opposition ne participerait en tous cas pas à ce nouveau gouvernement, un refus qui risque de provoquer un nouveau et énième report des élections présidentielles.
Le mandat présidentiel de Laurent Gbagbo, élu en 2000, a officiellement expiré en 2005 mais les élections sont reportées chaque année depuis. Le scrutin était prévu cette fois-ci pour la fin février-début mars mais la tension est remontée cette semaine, ces derniers jours étant marqués par d’importantes manifestations de l’opposition et des incidents violents.
Seul le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Gbagbo, a défendu la décision du président, estimant qu’il avait ainsi voulu sortir de l’impasse liée à la constitution des listes électorales.
« Nous voulons organiser les élections le plus rapidement possible, mais d’abord, il va falloir corriger les listes », a déclaré le coordinateur électoral du FPI, Martin Sokouri Bohui.
Au coeur de l’impasse qui retarde les élections depuis cinq ans on trouve la question de « l’ivoirité », dans un pays d’immigration qui a accueilli des dizaines de milliers de travailleurs venus des pays voisins. Au moins un quart des 20 millions d’habitants de Côte d’Ivoire ont été exclus du corps électoral, en raison des circonvolutions de la loi électorale.
Le FPI avait réclamé la tête du président de la Commission électorale, qu’il a obtenu vendredi, l’accusant d’avoir rajouté près de 500.000 électeurs sur les listes. L’opposition, elle, accuse le parti présidentiel de vouloir radier ceux qui pourraient la soutenir, principalement dans le nord, en contestant leur « ivoirité ».
La Côte d’Ivoire est plongée dans la crise depuis 2002, après une tentative de coup d’Etat et la guerre civile qui a suivi, divisant le pays en deux -le Sud tenu par le gouvernement et le Nord par les rebelles de Guillaume Soro. AP