–Par Driss Hidass-
Dès son apparition en 2010, l’ouvrage de Bakary Sambe a suscité l’intérêt dans les milieux académiques à travers la présentation d’un Islam soufi vecteur de rapprochement entre les peuples qu’illustre la Tariqa Tijaniya, pour faire une réplique des plus éloquentes aux amalgames et stéréotypes largement diffusés par les médias occidentaux plutô t focalisés sur les situations de conflits et de confrontations.
Dès la publication de l’ouvrage, la prestigieuse revue « Politique Etrangère » publiée par l’Institut français des relations internationales (IFRI) avait sollicité un article de réflexion du Dr. Sambe intitulé » Tidjaniya : usages diplomatiques d’une confrérie soufie ». Un témoignage sur la qualité de l’ouvrage qui contribue à inaugurer une nouvelle démarche dans la manière d’approcher la question religieuse et ses implications dans les relations entre Etats au niveau du continent.
L’ouvrage de 240 pages paru initialement aux éditions « Marsam » est le fruit d’une longue recherche sur les relations entre le Maroc et le Sénégal, en particulier, et ses prolongements en Afrique de l’Ouest.
Des liens séculaires où la dimension religieuse revêt une importance de premier ordre, compte tenu du rayonnement spirituel du Royaume au niveau du continent africain qu’illustre parfaitement la Tariqa Tijaniya qui compte des millions d’adeptes aussi bien au Sénégal que dans différents pays d’Afrique de l’Ouest.
L’approche institutionnaliste des relations internationales néglige la place de l’individu, des groupes religieux, ainsi que l’efficacité politique des symboles permettant la mise en place de réseaux informels, alors que des confréries soufies s’imposent, depuis toujours, comme des acteurs incontournables dans la coopération entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, explique à ce sujet l’auteur de l’ouvrage.
Ce jeu d’interaction, oscillant entre usage politique de symboles religieux et perpétuelle négociation de sens, mettant en scène des acteurs aux intérêts divergents ou complémentaires, est au centre de cet ouvrage qui se propose d’analyser un tel fait en s’appuyant sur l’exemple du Maroc, relève-t-il.
Cet ouvrage tente d’analyser les facteurs qui garantissent au Maroc, « pays de ressourcement spirituel pour des millions d’Africains, des Almoravides aux Saadiens et Mérinides, des routes transsahariennes aux réseaux de la Tijania », son « prestige diplomatique en Afrique », fondé sur l’histoire, l’imaginaire et surtout son statut de « modèle religieux », souligne le politologue sénégalais.
L’auteur part, ainsi, de ce passé historique pour déboucher sur les stratégies africaines du Maroc contemporain qui a toujours pu s’appuyer sur un héritage largement nourri de références religieuses et spirituelles.
La présentation de l’ouvrage, en Europe, au Maroc et au Sénégal, a été souvent l’occasion d’échanges entre l’auteur et l’audience sur les relations entre le monde arabo-musulman et le continent africain ainsi que la coopération sud-sud qui offre une nouvelle perspective pour l’Afrique, dans un contexte mondial marqué par l’unification et les regroupements régionaux.
Il s’agit d’appréhender des relations diplomatiques, prenant en référant le Maroc et le Sénégal, sous un aspect humain, souligne M. Bakary, assurant qu’il serait réducteur de cerner la profondeur des liens entre les deux pays sans explorer l’aspect spirituel qui trouve son prolongement dans l’histoire et le rayonnement continental de la Tariqa Tijaniya.
Le Maroc et le Sénégal ont constitué à travers des siècles ce point de jonction entre « bilad soudan » (Afrique subsaharienne) et « bilad laarab » (monde arabe), relève-t-il, soulignant que la Tariqa tijaniya a été le fait marquant de ce contact fructueux entre les deux mondes grâce auquel l’islam s’est implanté sur de vastes contrées d’Afrique de l’Ouest.
Un islam authentique fondé sur la sagesse soufie et sa clairvoyante compréhension des textes sacrés qui offre l’image reluisante d’une religion de tolérance et de rapprochement entre les peuples à un moment où les amalgames offensants ont tendance à s’ériger en mode de pensée biaisé en occident, explique-t-il.
Et d’appréhender les faits contemporains des relations du Royaume avec l’Afrique subsaharienne comme prolongement de ses liens séculaires fortement ancrés dans le spirituel. M. Bakary évoque, à ce sujet, les actions de Feu SM Mohammed V et son digne successeur Feu SM Hassan II en faveur des mouvements de libération dans plusieurs pays africains et leurs initiatives en faveur de l’intégration, comme il a été le cas lors du premier sommet africain à l’aube des indépendances tenu à l’appel du Père de la Nation et héro de l’indépendance du Maroc.
Dans son ouvrage, l’auteur tient à préciser que ces relations d’excellence fondées sur le socle unificateur du champ religieux, se poursuivent actuellement sous le règne de SM le Roi Mohammed VI à travers de nombreuses tournées africaines, durant lesquelles le Souverain a tenu à raffermir davantage ces liens en leur insufflant une nouvelle dynamique orientée vers la coopération sud-sud, l’édification et le développement.
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