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Macky-Wade: Jeu malsain

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Les Sénégalais ont parfois le chic de tourner les choses sérieuses en dérision, quitte à polluer les bonnes idées en les plongeant dans une vague de bruit et de fureur assourdissants qui finissent par les délester de leur substantifique moelle. Il en est ainsi des audits. Mission d’examen et de vérification de la conformité aux règles de droit et de gestion d’une structure donnée, ils sont devenus, sous nos cieux, une arme de chantage ou de menace de destruction massive agitée par les tenants du pouvoir politique.

A l’inverse, on assiste à la riposte des tenants de l’ancien régime sous le mode de : « Tu me tiens, je te tiens par la barbichette », donnant ainsi l’impression de s’inscrire dans un face-à-face anesthésiant. Ils vont jusqu’à lancer des cris d’orfraie, réclamant que la gestion du président élu, Macky Sall, du temps où il était impliqué dans le pouvoir de Wade, soit audité.

Aussi les deux camps se retrouvent-ils à réclamer, chacun de son côté, l’audit de la gestion de l’autre. Sous entendu que personne n’est exempt de reproches. C’est à ce jeu malsain que sont soumis les Sénégalais depuis quelque temps, comme si l’exigence de connaitre la nature de la gestion des ministères et entreprises publiques était du domaine du théâtre de boulevard.

En réalité, né du rejet du pouvoir de Wade, tel qu’il s’est démocratiquement exprimé dans les urnes par une bonne frange de Sénégalais, le régime de Macky Sall est attendu sur sa capacité à engager le pays dans une ère de gouvernance vertueuse. Des engagements ont été pris. Il s’agit de les appliquer. C’est dire qu’il ne peut continuer à communiquer tous les jours que Dieu fait sur les audits, la nécessité de rapatrier l’argent mal acquis qui a été planqué dans des paradis fiscaux ou des banques étrangères ou dans les coffres forts privés. Des mécanismes de poursuite existent aujourd’hui, il suffit de les mettre en branle. Ce ne sont ni des déclarations et incantations qui feront bouger les choses. La justice a été saisie, il s’agit de la laisser faire son travail, en gardant à l’esprit que le temps de la justice n’est ni le temps des médias ni celui de l’opinion. Si ces derniers sont impatients et friands de sensationnel, le temps du droit, des investigations policières et de la procédure judiciaire a au contraire un rythme différent. Il est tenu de rendre la justice en toute indépendance et en toute sérénité.

En réalité, le gouvernement doit s’expliquer sur ce qu’il fait et non sur ce qu’il compte faire. Une seule obsession doit l’occuper : ne pas décevoir l’espoir placé en lui et se convaincre qu’il ne convient pas de rater les attentes de Sénégalais. Il se doit, pour y arriver, de refuser de se laisser distraire en se concentrant sur l’obligation de fédérer les énergies en vue de relever les défis. Ils sont pressants et nombreux.

Déjà, le Cadre unitaire des syndicats d’enseignant (Cuse) menace de suspendre les cours dès cette semaine pour protester contre le non respect des engagements pris par le régime. Dans le monde rural, les champs ont été nettoyés et les paysans attendent de recevoir des semences de bonne qualité et d’être dotés à temps de produits phyto sanitaires pour pouvoir s’adonner à la culture dès que le ciel ouvrira ses vannes. Cette perspective ne risque pourtant pas de faire que des heureux, tant elle est redoutée par les familles vivant dans les zones inondées de la banlieue dakaroise.

Dans la partie sud du pays, des membres des forces de sécurité sont toujours détenus par des éléments se réclamant du Mouvement des forces armées de Casamance (Mfdc), sans compter que cette région continue d’être bousculée par des braquages et des tueries de tous ordres. Les jeunes eux, sont en quête de travail. Enormes et pressants, les défis ne permettent pas de perdre du temps sur des «tiaxaneries» relatives à l’accès ou non au salon d’honneur de pontes de l’ancien régime, comme ces derniers s’en sont plaints. Reconnaissons plutôt, à la suite du Cardinal Theodore Adrien Sarr, archevêque de Dakar, que «le Sénégal souffre de maux sociaux graves» et plus particulièrement du fait que l’argent «a pris trop de place dans la politique, dans le comportement des citoyens entre eux, dans leurs lieux de travail, dans leur milieu de vie». Voilà ce qu’il faut corriger en faisant en sorte que désormais, il soit le fruit du travail et non de la prédation.

Afin que la détermination et l’enthousiasme qui se sont exprimées sur les barricades du 23 juin en rendant possible la deuxième alternance politique ne viennent à s’émousser, il urge de tourner la page des pratiques prédatrices pour en ouvrir de nouvelles sur lesquelles seront écrites en lettres d’or la lutte contre l’impunité et toutes les formes de prédation et de patrimonialisation du pouvoir. Aussi les hommes et les femmes qui ont des responsabilités publiques ont-ils l’obligation de rendre compte. C’est précisément en cela que réside tout le sens des audits.

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