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MAGGAL ET PANDEMIE DE COVID 19 Deux extrêmes à éviter : trop d’Etat et peu d’Etat. (Par Alassane K. Kitane)

Date:

Ceux qui prétendent que l’Etat ne peut pas interdire la tenue d’une manifestation
religieuse ont certes raison, mais ils doivent comprendre que fragiliser l’Etat,
c’est couper la branche sur laquelle on est assis. Aucune communauté n’est
autonome et ne peut vivre en autarcie ; et il ne sert à rien d’opposer l’État à des
communautés religieuses.
Les autres qui vocifèrent et demandent à l’Etat d’asseoir son autorité par
l’interdiction aussi doivent savoir que ce que la diplomatie peut régler ne
nécessite pas l’usage de la contrainte. Or la diplomatie ne se fait pas sur la place
publique. L’Etat a une infinité de ressorts sur lesquels il peut agir pour atteindre
son objectif. Les forces que l’on brime ou brise sous un État autoritaire sont très
souvent utiles dans d’autres circonstances. Installer un rapport conflictuel avec
les différentes forces qui interagissent au sein de la société ne fait que réduire la
puissance de l’État.
Il nous faut apprendre à communiquer de façon non violente (CNV) ; de sorte à
mettre notre interlocuteur dans la situation d’un alter ego, c’est-à-dire quelqu’un
qui est doté des mêmes compétences, du même statut, de la même rationalité
(NAWLÉ). On ne gère pas les sociétés humaines par la seule raison, pas plus
que par la seule affectivité. S’il suffisait d’être rationnel et raisonnable pour
mener à bien les sociétés, il suffirait d’apprendre la politique pour devenir un
grand leader politique. Il est heureux que nous discutions en amont sur la tenue
du Maggal, car ça montre que nos différences ne sont nullement handicapantes,
mais sans respect mutuel, il n’y a aucune différence entre la discussion et
l’épreuve de force. Sous ce rapport, ceux qui demandent à l’État de bander ses
muscles devraient commencer par lui demander de créer et de sauvegarder les
conditions de possibilité d’une délibération nationale, démocratique, sans
exclusive et saine.
Or, il faut le rappeler encore une fois, les forums sur certains sites
(malheureusement les plus visités) sont de véritables nids de vipères. Les
insultes, les stigmatisations et les invectives visant des communautés y sont
abondantes. L’on est en droit de se demander si la modération existe encore
dans l’arsenal technique des gérants de ces sites. En lisant certains
commentaires on ne peut s’empêcher de se demander s’il n’y a pas parfois une
poussée pyromane chez certains propriétaires de sites en ligne. Ne pas filtrer les
commentaires, laisser s’exprimer la haine confrérique et communautaire, ce
n’est pas faire preuve de pluralisme, c’est au contraire attiser les braises du feu
qui consumera bientôt toute forme d’expression du pluralisme.

Comment peut-on approuver des commentaires qui incitent à la haine ?
L’argument du nombre de commentaires ne peut pas tenir ici, car des sites
étrangers plus fréquentés se sont donné les moyens d’approuver ou
désapprouver des commentaires jugés contraires à leur éthique et ligne
éditoriale. Facebook compte 2,7 Milliards d’utilisateurs et pourtant on ne peut
pas y publier n’importe quoi ! Les rivalités entre confréries ne doivent pas être
attisées par une presse en ligne responsable.
Dans tous les pays du monde il y a des frictions (normales?) entre le pouvoir
transcendant de l’Etat et les autres pouvoirs (sans ce jeu de pouvoirs la notion
d’Etat se viderait de sa substance même). Aux Etats-Unis la question de la
légalisation de l’homosexualité, celle de l’avortement, etc., suscitent des tensions
entre l’Etat et les communautés. C’est vrai que le problème en jeu actuellement
dans notre pays est de toute autre nature, mais même sur les questions de
sécurité et de santé dans les autres pays, il y a des difficultés de ce genre.
Ce qui est inacceptable, c’est la défiance réciproque et la provocation. Savoir
communiquer, c’est d’abord apprendre à dire ce qu’on pense ; ce qu’on veut,
sans l’énoncer sous forme de reproche ou d’injonctions assorties de menaces.
C’est faux, irrévérencieux et insensé, de penser qu’autrui n’est pas raisonnable
et qu’on n’a pas besoin de l’écouter ou de tenter de le comprendre. Agir de cette
façon, c’est être soi-même (contrairement on ce qu’on prétend) un porteur de
violence ou, pire, un apôtre de la division.
Ce qui est étonnant et charmant dans nos rapports à autrui, c’est que bien
souvent nous sommes la raison pour laquelle nous ne pouvons le comprendre.
Les langues devraient pourtant nous inciter à réfléchir sur notre humanité.
Quand on ne comprend pas une langue, elle semble barbare et très difficile,
mais dès qu’on la parle, on en découvre l’esthétique et la richesse. Nous devrions
avoir la même posture les uns envers les autres : nous découvrir
réciproquement, nous comprendre (Dilthey) mutuellement. La pédagogie est la
meilleure arme dans les États comme les nôtres.
Vouloir obliger les autorités religieuses de Touba à annoncer ici et maintenant
l’annulation du Maggal à Touba, c’est faire preuve de maladresse énorme. Car
qu’est-ce qui est recherché finalement ? Le Khalif, n’a pas encore pris une
décision finale et, même si nous sommes insignifiant pour présager de sa
volonté, on peut estimer qu’il peut à tout moment prendre un Ndigueul pour
annuler la tenue de la manifestation de l’évènement à Touba. Annoncer
l’annulation du Maggal dès maintenant pourrait même être contre-productif :
d’abord parce que le temps de l’annuler ne sera jamais trop tard, ensuite parce
que le Maggal, c’est un avant et un après.

Il faut savoir que les préparatifs du Maggal ont un impact économique
bénéfique à tout le pays : c’est indéniable. Annoncer dès maintenant qu’il ne
sera pas célébré à Touba, c’est dès lors inhiber beaucoup d’activités
économiques qui ont déjà commencé. L’effervescence qui précède la tenue du
Maggal fait l’affaire de beaucoup d’opérateurs. La grisaille qui sévit
actuellement dans notre pays a besoin d’une bouffée d’oxygène, et c’est
prétentieux et faux de penser que les marabouts ne pensent qu’à eux à
l’occasion de pareils évènements. Ils savent généralement ce qu’il font, même si
leur référentiel peut être différent du nôtre.
Mais ces paramètres nous échappent dès lors que nous ignorons que les
autorités à la tête de ces communautés ne sont pas seules et qu’elles font des
consultations que l’homme politique ne fait que très rarement. Il faut donc
continuer à entretenir ce débat dans le respect d’autrui et sans chercher à vexer :
il faut éviter les préjugés, les stigmatisations et les clichés. Il faut délibérer sur
tout, alerter et même critiquer, mais la diabolisation et les pétitions de principe
empêchent la tenue d’une éthique de la communication. La présomption
d’humanité chez autrui est le premier pas vers l’humanisme

Alassane K. KITANE

5 Commentaires

  1. Arrête ton moralisme creux Kitane et tes explications alambiquées !! C’est le genre de blablabla qui a toujours retardé notre pays ! Tu pouvais nous épargner tes longues spéculations car tout ton texte peut se résumer en une phrase : en temps de pandémie une décision de l’État et des services techniques concernés d’arrêter tous les rassemblements populaires doit être respectée par TOUS ! Un point un trait ! C’est la règle dans tous les pays ayant des citoyens conscients et responsables. Le vrai problème chez nous est que ce sont les khalifes généraux qui devaient les premiers prendre la décision d’arrêter leurs magals, leurs gamous, leurs jang, leurs berndés et autres. Ils trouveront amplement dans le Coran et surtout les Hadiths les fondements d’une telle décision ! Cela faciliterait aussi grandement la tâche aux autorités. D’ailleurs les milliers de sénégalais à l’étranger qui ont des dizaines de dahiras mourides tidianes niassènes layènes khadres, ils respectent tous À LA LETTRE la décision des autorités des pays où ils sont d’arrêter les rassemblements populaires. Allez au Rwanda, au Ghana, en Afrique du Sud, en Ethiopie, en Algérie, au Maroc, en France, en Belgique, en Espagne, au Canada, en Italie, aux USA partout les sénégalais respectent scrupuleusement les interdictions de rassemblement. Mais Pourquoi pas chez nous ?? Prenons exemple sur l’Église qui a pris ses responsabilités depuis le début de la pandémie au Sénégal et partout dans le monde. Si Serigne Mountakha annulait le magal 2020, ce ne serait ni une offense à Bamba ni une honte pour Touba. Au contraire ce serait service rendu à une urgence nationale de santé publique. C’est ça l’enjeu car le risque de propagation dépassera largement le seul cadre de Touba. Je suis par contre d’accord avec toi qu’il faut aller lui parler de cette nécessité et à lui seul. Tous les autres petits serignes qui ne défendent que leur intérêt financier ne doivent pas être écoutés.

  2. Le Magal est la célébration d’une Date (18 Safar) et non d’un endroit. On peut le faire partout selon la Recommandation originelle de Cheikh Ahmadou Bamba. Aller jusqu’à Touba rien que pour célébrer ce Jour n’est pas une obligation. J’ai passé 7 années à le fêter à l’étranger. Donc on peut rester chez soi et faire la fête en famille. Serigne Modou Kara l’a déjà rappelé aux mourides quelques années auparavant. C’est enfin le moment.

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