Elle fait partie des premières sénégalaises à s’être engagées dans le corps de la gendarmerie quand ce dernier a été ouvert aux femmes. Cinq ans plus tard, c’est une gendarme fière de l’être qui donne entière satisfaction à ses supérieurs.
En cette matinée de mi-août, le ciel est encore voilé. La pluie de la veille a laissé ses stigmates sur les abords de l’Etat-major de la Gendarmerie, à quelques encablures du building administratif. La modestie de ce bâtiment peint en jaune et bleu détonne avec le luxe qui caractérise les nombreux immeubles voisins. Des barrières sont placées devant les deux issues où des sentinelles sont chargées de filtrer les entrées.
A l’intérieur du bâtiment, il faut montrer patte blanche au poste de police avant d’aller plus loin. Identité et motif de la visite déclinés, on est prié de patienter dans la salle d’attente. Cinq minutes plus tard, on nous introduit dans le bureau du Commandant Babacar Diop. Bien avant tout cela, il a fallu appeler, expliquer, convaincre. Dégotter une femme gendarme n’est pas une sinécure.
Dans le bureau de la division des contentieux sis au rez-de-chaussée, après de brèves présentations, le commandant Babacar Diop déclare: «M. Thiam, voici gendarme Maimouna Ndao, vous pouvez discutez avec elle, je l’ai déjà briefé».
Nez aquilin, yeux en amande, chignon bas, l’uniforme fièrement arborée, bien debout sur son mètre 70, la gendarme Maimouna Ndao tend une main ferme, mais chaleureuse. Cette femme de tenue aurait pu bien faire carrière sur les planches de Paris, Milan ou de New York en tant que mannequin, mais elle a décidé de servir son pays dès que l’opportunité s’est présentée à elle. «Je ressens beaucoup de fierté sous mon uniforme. Servir son pays doit être le rêve de tout bon citoyen, qui plus est dans le corps militaire», soutient-elle.
Pourtant, il y a encore moins de dix ans, rien, absolument rien, ne prédestinait cette native des Parcelles assainies à intégrer le corps de la Gendarmerie. N’eût été l’insistance d’un père employé de la Sonacos, qui rêvait d’une carrière militaire pour sa fille, jamais Maimouna Ndao n’en serait là, assise dans ce bureau climatisé au décor feutré, pianotant sur son clavier.
Aujourd’hui, quand ces moments de vie civile refont surface, c’est une femme reconnaissante envers son père que l’on découvre. «Pour dire vrai, il ne m’était jamais venue l’idée de porter la tenue. C’est mon papa qui m’a encouragé dans ce sens. Quand il a vu une affiche dans un journal, il m’en a parlé et m’a proposé de m’engager dans l’armée», explique-t-elle. Lui en parler ne suffit pas pour convaincre Maimouna de tourner le dos à son travail d’hôtesse de l’air qu’il exerçait depuis une année. On était en 2006 et elle vient de décrocher son bac au lycée des Parcelles assainies. Il en faut plus.
«Maimouna, il y a un arrêté ministériel qui vient de tomber, je te le laisse», lui glisse l’adjudant chef Makhtar Ndiaye, chef du bureau contentieux qui interrompt notre discussion. Les deux pandores en profitent pour évoquer la colonie des vacances qui doit être organisée dans les prochains jours. C’est qu’entre la subalterne et son chef, le courant passe bien. Peut-il en être autrement quand elle fait bien son job? «Sur le plan du travail de secrétariat, elles ont un rendement très significatif, elles suivent bien les instructions, elles n’ont pas de problèmes d’adaptation. Elles sont encore beaucoup plus exigeantes que les hommes sur certaines matières», témoigne son chef, l’adjudant chef Makhtar Ndiaye. Le capitaine Ibrahima Diop, chargé de la communication des hommes en bleu de renchérir : «Sur le plan du travail, c’est clair, les résultats sont satisfaisants. Maimouna nous est d’un apport considérable de même que toutes les autres d’ailleurs. Certes, elles ont leur spécificité en tant que femmes, mais c’est un plus pour la gendarmerie».
Dans un corps traditionnellement masculin, que les femmes n’ont commencé à intégrer seulement en 2006, la volonté, l’envie d’intégrer les nouvelles venues est manifeste. Car, soutient le capitaine Diop : «Ce sont nos sœurs, nos nièces…». Ce que confirme, du reste, Maimouna Ndao: «Mes collègues me regardent comme tout autre collègue, femme ou pas. Je ne sens pas de machisme de leur part, bien qu’ils aient l’habitude de ne voir que des hommes dans leur environnement professionnel. Nos collègues hommes nous aident beaucoup, franchement, c’est la bonne entente entre nous». Toutefois, cette distinction homme / femme dans la gendarmerie, révulse Maïmouna. Et pour cause : «Une fois dans ce métier, c’est le gendarme, le militaire où le policier qu’on a. Certes, c’est difficile pour les femmes d’intégrer ce corps de métier avec tous les sacrifices que cela requiert, mais il suffit juste de s’en donner les moyens, d’avoir un esprit d’abnégation».
Son mental l’a aidé à réussir le concours de la gendarmerie et surtout à bien passer les tests physiques. «C’est à ce niveau que résident les difficultés pour les femmes. En ce qui me concerne, au début, je n’avais pas l’habitude de faire du sport, mais grâce Dieu et à la volonté de servir la nation, j’ai pu m’en sortir». Mais, elle ne savait pas qu’en réussissant le concours de la gendarmerie, elle allait rencontrer, dans les épreuves de bizutage de toutes sortes, l’homme qui deviendra, quatre ans plus tard, son mari. «C’est un camarade de promotion. Actuellement, il est en mission en Haïti», confie-t-elle sur un ton ferme.
A seulement 25 ans, elle parvient déjà à bien faire la part des choses entre vie professionnelle et vie de couple : «A la maison, c’est lui le chef de famille et à ce titre, c’est lui qui décide, mais une fois au travail, cet aspect n’est plus de mise, on redevient de simples collègues et faisons notre travail consciencieusement». Repos et rompez les rangs !