Voilà un grand, un immense pas en avant vers la résolution de la crise au Mali. Vers neuf heures du soir (à Bamako), le capitaine Sanogo, chef de la junte, s’est résolu à signer enfin un accord-cadre avec le médiateur de la Cédéao (états de la région), représenté par le burkinabé Djibril Bassolé, signifiant que les putschistes abandonnent le pouvoir et permettent un retour à « l’ordre constitutionnel ».
Une fois la vacance du pouvoir constatée -en l’absence du président Amadou Toumani Touré- le président de l’Assemblée nationale sera investi président. Puis un premier ministre sera nommé, qui disposera des pleins pouvoirs, et prendra la tête la tête d’un Gouvernement d’union nationale, pour gérer les urgences : préparer des élections, faire face à la crise humanitaires, et trouver une solution pour mettre fin aux rébellions dans le nord du pays.
Une structure de suivi a été créée pour les putschistes qui avaient demandé, pendant les négociations, que leur immunité soit garantie. Une loi devrait être votée en ce sens, comme le garantit l’accord cadre. Dans les milieux diplomatiques, on attendait la « fumée blanche » signalant cet accord depuis plusieurs jours.
Des élections devraient être organisées, de préférence dans les mois qui viennent. Dans l’intervalle, des négociations pourront être engagées avec les rébellions touaregs. Djibril Bassolé, le représentant du président burkinabé Blaise Compaoré, a mené les négociations jusqu’à ce premier succès. Ce soir il a prévenu que la mission du gouvernement serait de mettre fin à la situation de la moitié nord du pays, sous contrôle de plusieurs mouvements rebelles qui semblent au bord d’un affrontement, et que les deux options seraient au nombre de deux: soit des négociations en bonne et due forme, soit « la guerre ».
Les réactions très vives, immédiates (et prévisibles) de rejet de la déclaration unilatérale d’indépendance formulée la nuit dernière par le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), laissent envisager des discussions fructueuses dans un avenir proche. On pourra voir au passage quel est le poids réel des différents groupes rebelles de tendance islamiste qui ont pris position dans plusieurs villes du Nord, parallèlement au MNLA, sans parler de la présence de combattants d’Al Qaida au maghreb islamique (Aqmi) toujours en possessions d’otages occidentaux.
La Cédéao renforcée
Première leçon de cet épisode : la rapidité et la fermeté de la Cédéao (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest), a payé. Des sanctions imposées tambour battant (qui sont aussitôt levées, avant d’avoir eu de l’effet, en réalité), une médiation appuyée par le poids de présidents déterminés, à commencer par l’actuel président de la Cédéao, le président ivoirien Alassane Ouattara, tout cela a conduit les putschistes à s’effacer sans entraîner de gros dégâts. Le coup d’état du 22 mars n’aura entraîné la présence d’une junte à Bamako que 15 jours durant. Avant que les officiers se radicalisent, ou soient débordés par d’autres militaires qui ont songé à un « coup dans le coup » les jours derniers. Une hypothèse neutralisée par le rythme rapide d’avancement des négociations.
Il reste à présent de gros problèmes à résoudre dans le Nord avec les groupes rebelles et une situation humanitaire au bord de la catastrophe, mais la crédibilité de la Cédéao, considérablement renforcée, devrait permettre de peser sur la situation en brandissant la menace d’une intervention militaire régionale. Après cette première victoire -le retour d’un pouvoir légitime-, tout semble possible, tout à coup. Mais au fait, et ATT ? Le président renversé le 22 mars, qui avait quitté la présidence, sur les hauteurs de la ville, sous le feu des mutins devenus putschistes, se sera donc effacé. Il ne lui restait plus qu’un mois pour terminer son second mandat. Djibril Bassolé a signalé qu’il pourrait revenir « dans la maison de son choix » et que sa sécurité serait assurée. Fini les sanctions, fini la junte, il y a enfin des raisons d’espérer au Mali.