ABIDJAN – La police ivoirienne a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des centaines de manifestants rassemblés lundi à Abengourou, dans l’est du pays, où ils protestaient contre la dissolution du gouvernement et de la commission électorale.
Cette initiative, prise vendredi par le président Laurent Gbagbo, entraînera sans doute un nouveau report de l’élection présidentielle. Régulièrement repoussé depuis plus de quatre ans, le scrutin devait avoir lieu en mars.
L’élection doit théoriquement mettre fin à la crise entamée avec le coup d’Etat manqué de septembre 2002 et la guerre civile qui a laissé aux mains des rebelles la moitié nord du pays, premier producteur mondial de cacao.
« Nous protestons contre la décision de Gbagbo de dissoudre le gouvernement et la commission électorale. C’est la dictature!« , a affirmé Abdoulaye Ba, l’un des organisateurs de la manifestation d’Abengourou, ajoutant que plusieurs milliers de jeunes y avaient pris part.
Le Premier ministre Guillaume Soro, chef de file des ex-rebelles des Forces nouvelles, a rencontré dans la journée les responsables de la mission des Nations unies et du parti présidentiel. Il doit former un nouveau gouvernement dans les jours qui viennent, a indiqué son entourage.
A l’issue de la rencontre, le représentant spécial de l’Onu en Côte d’Ivoire, Y.J. Choi, a publié un communiqué dans lequel il exhorte le gouvernement à reprendre le chemin des élections et à rendre publique le plus rapidement possible une nouvelle liste électorale, dans un climat qu’il qualifie de « sensible et difficile« .
L’opposition, qui assimile la décision du président Gbagbo à un coup d’Etat, a fait savoir qu’elle le jugeait désormais illégitime et de nombreux Ivoiriens craignent une reprise du conflit.
Pour justifier son geste, Laurent Gbagbo a accusé le chef de la commission électorale, Robert Mambé, membre de l’opposition, de tenter d’ajouter sur les listes électorales 429.000 personnes dont la nationalité ivoirienne n’aurait pas été vérifiée.
Aux yeux d’Henri Konan Bédié et d’Alassane Ouattara, tous deux candidats à sa succession, Gbagbo cherche délibérément à repousser le scrutin pour se maintenir au pouvoir.
La crainte d’une reprise du conflit a d’ores et déjà perturbé l’activité des producteurs de cacao dans la région d’Abengourou. « La plupart des centrales d’achat sont fermées et les gens sont rentrés chez eux parce qu’ils redoutent des actes de violence« , a déclaré l’un d’eux, joint par téléphone.
Tim Cocks et Loucoumane Coulibaly, Jean-Philippe Lefief et Olivier Guillemain pour le service français
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