Ce sont des milliards de Francs qui passeraient sous le nez du secteur privé local, laissant les marchés de la ville de Dakar à la merci de leurs concurrents étrangers. Suffisant pour le maire de la ville pour lancer un crie du cœur destiné surtout aux grandes entreprises de la place.
Ils n’en veulent pas à moins qu’ils l’ignorent tout simplement. Il s’agit des marchés de la ville de Dakar qui passeraient au nez et à la barbe des acteurs privés sénégalais. En visite hier, jeudi 15 septembre au Conseil national du patronat (Cnp), le maire de Dakar a ainsi lancé un « cri du cœur » pour inviter les entreprises sénégalaises à saisir l’opportunité financière que constituent les marchés de la ville. Au terme de 27 mois passés à la tête de la mairie de Dakar, Khalifa Sall a fait part de son « inquiétude » du fait de n’avoir pas senti le secteur privé notamment les grandes entreprises.
Sur ce point, le premier magistrat de la ville a tout de même souligné les difficultés que leur causent les petites entreprises chargées d’exécuter leurs marchés. « Nous sommes à près de 15 milliards FCfa de marchés mais il n’y a que de petites entreprises qui postulent ». A titre d’exemple et bien à propos, il a fait savoir qu’« il y a un marché de quatre milliards FCfa pour la réhabilitation des écoles. Le prestataire a reçu un ordre depuis 2010 pour un chantier de six mois. Il est à l’arrêt et on est obligé de lui faire une sommation »
Pour Khalifa Sall, « Voilà le type de problème auquel on est confronté pour les classes que nous devons réfectionner depuis huit mois. On est tous sur le terrain pour qu’au moins les classes puissent accueillir les élèves à la rentrée ».
Selon le Maire de la ville de Dakar, cette situation s’explique du fait que « de petites sociétés gagnent nos marchés et malheureusement elles sont confrontées à des problèmes de surfaces financières ou de capacités techniques ». Ce positionnement des Pme sur les marchés de la ville, le maire l’impute en partie à la faveur que leur accorde la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) qui s’appuie sur le code des marchés, qui fait la part belle aux « Moins disants ».
Un boulevard ouvert aux entreprises étrangères
Cette « ignorance » dont ferait preuve le secteur privé local laisse en tout cas les marchés de la ville à la merci des entreprises étrangères. Le maire Khalifa Sall a d’ailleurs fait savoir que : « nous sommes en train de reconstituer le patrimoine de la ville mais les rares projets qui vont débuter ce mois seront exécutés avec des étrangers ». C’est à l’image du projet Dakar City Center, un nouveau Palais des congrès qui sera érigé dans la capitale mais « il n’y a que des entreprises étrangères qui se positionnent ». A cela, M. Sall a ajouté le marché de pavage de la ville, d’un montant de cinq (5) milliards de FCfa et qui a été raflé par une entreprise burkinabais qui, d’ailleurs, « était seule soumissionnaire alors qu’il y avait un appel d’offre sur un mois», s’est désolé M. Sall. A l’en croire, l’usine qui sera construit dans le cadre de ce projet fera 4 à 5 milliards de FCfa par an.
Dans ce même ordre d’idées, la Maire a évoqué un marché d’éclairage d’environ six milliards de FCfa qui a été raflé par une entreprise française.
Une situation qui a suscité l’ « étonnement » des membres du Conseil national du patronat (Cnp) dont le président a fait part de sa « déception ». De l’avis de Baydi Agne, « il faut qu’on voit si c’est une défaillance de notre côté ou si c’est un manque de communication. Ce que le maire vient de dire est une grosse aberration parce qu’il faut que le partenariat serve à quelque chose ».
Aussi, Khalifa Sall a-t-il inscrit sa visite au Cnp dans une volonté de s’enquérir auprès du patronat sénégalais de la nécessité ou non de réformer les conditions des marchés de la ville. Nous avions, dit-il, « fait le choix de prioriser de petits marchés pour permettre aux Pme-Pmi d’en tirer profit. Je reconnais humblement qu’on s’est trompé. Il nous faut de part et d’autres recréer les conditions pour que les grandes sociétés puissent venir s’impliquer dans la mise en œuvre de nos travaux ».
Par ailleurs, le Cnp n’a pas raté cette visite du maire pour poser sur la table le contentieux l’opposant à la mairie et qui est relatif à la taxe sur la publicité. Après concertation, les deux parties s’engagent à privilégier la voie de la concertation pour trouver une issue heureuse.
« Nous avons expliqué au Cnp les motivations de la municipalité. Aujourd’hui, cette organisation nous a fait comprendre que le procédé n’était pas des meilleures. Nous nous sommes accordés par la concertation et le dialogue sur des mécanismes qui vont nous permettre de trouver une solution », a confié le maire de la ville de Dakar.
Khalifa Sall a enfin saisi l’opportunité pour inviter le patronat et le secteur privé en général à s’impliquer dans la réussite d’Africité que Dakar doit abriter du 4 au 8 décembre 2012. Un rassemblement qui regroupe tous les trois ans, les collectivités locales d’Afrique.