Au Sénégal, on enregistre de plus en plus de nouveaux pas de danses. Les plus en vue demeurent le « Mborokhé Mborokhé, « tiakhagoune tah, thiakhagougoune » qui sont bien exécutés dans les manifestations, les maisons, les boites de nuits. Des créativités qui ne semblent pas les déranger. Toutefois, certains avancent que la conjoncture économique ne doit pas amener nos danseurs à oublier nos traditions et appellent à revisiter leur patrimoine.
La danse occupe une place importante dans la société sénégalaise. Petits comme grands, dansent. Pour le plaisir, ou pour chasser le stress ou encore gagner de l’argent. Mais force est de reconnaitre que les nouveaux pas de danse ont ravi la vedette à la danse traditionnelle. Aussi, l’imagination des danseurs est d’autant plus fertile que chaque semaine, de nouvelles danses font leur apparition. Elles ont pour nom « Mborokhé Mborokhé « tiakhagoune tah, thiakhagougoune », entre autres.
La première se danse avec les deux doigts de l’index. Debout comme assis, on peut danser le « Mborokhé »; il suffit juste de lever les bras vers le ciel avec l’index du doigt pointé, de les balancer et d’en faire la même chose mais cette fois en les dirigeant vers le bas. Cette danse est inspirée de l’action de manger. Levé progressivement, le doigt imite la cuillère qui va vers la bouche; abaissé, il est à la recherche de nourriture. « Le Mborokhé » est l’un des plats national de la Guinée que l’on trouve presque partout dans la sous région.
La deuxième demeure un balancement des hanches, avec un sursaut à la fin. Mais, le dernier est une imitation de la danse des lutteurs avec une vraie démonstration de force. Les bras demeurent le support principal. La danseuse Ndèye Guèye considérée comme la reine de la danse reste au top de son art. Elle est au cœur des nouvelles créativités de cette année ainsi que le roi du « Tâssu », Salam Diallo. Même si elles demeurent les plus exprimées, ces danses sont suivies dans la hiérarchie par « Gouana » lancée par Salam Diallo, top one pendant la première alternance.
Une danse qui consiste à bien tendre les deux bras de manière latérale, parallèle, mais disprotionnelle, la seconde main ne doit pas être à la hauteur de la première et faire des déhanchements en effectuant un cercle. Intitulées sous des vocables qui frisent le délire, on trouve même « prison break ». Des cadences adoptées par la jeunesse du pays et qui sont très convoitées dans les boites de nuits, les cérémonies mais aussi dans les maisons. Bref, dans le quotidien des sénégalais. Cependant, si nos interlocuteurs jugent que ce ne sont pas des danses qui sont propres à la société Sénégalaise, ils leur reconnaissent une certaine « décence » contrairement à d’autres créations comme « Rimbahpahpapa », « mayeur ligayor » à savoir « Fais voir… ». Des danses de contacts entre deux personnes de sexes opposés et tant d’autres.
Le regard des sénégalais
Ces nouvelles danses sont-elles appréciées du public sénégalais? La réponse est partagée. Si la jeunesse ne trouve pas d’inconvénients dans ces façons de danser, les adultes et les plus âgés, eux, fustigent.
Pour Marie Claire Ndiaye, habitant à Grand Yoff, étudiante à l’université de Dakar, « les nouvelles danses sont très civilisées. Pour la danse Mborokhé, cela ne demande pas d’effort physique et est adaptée dans toutes les circonstances. Les autres le sont aussi. C’est un peu pareille, même si, la finition du « gounetach » n’est pas attirante ».
Pour le député et Iman, Mbaye Niang, « la danse est une identité. Mais cette nouvelle génération ne véhicule en rien notre culture, pire, elle en oublie. » Le tambour major, Doudou Ndiaye Rose d’ajouter: «dans un pays avec des sonorités diverses, on ne pouvait que tomber dans le charme des vaillants guerriers qui dansaient pour extérioriser leur joie, leur émotion. Car pour le nègre si je ne danse pas, je n’existe pas ».
Pour l’ancienne génération, la danse qui devait être vectrice de développement, a failli à sa mission pour embrasser une autre connotation, celle de la perversité. Et la danseuse Aida Dada, capitaine des « Lionnes » de rétorquer: » le monde évolue, les choses changent, il y a de la créativité et à chaque génération ses tendances. » Malgré les reproches et autres critiques, elle souligne « nous avons apporté notre touche à ce qui se faisait avant».
La danse face à la conjoncture économique
L’esprit de créativité a effleuré les artistes contemporains. La conjoncture économique aidant, gagner de l’argent demeure le maître mot. Le secteur de la danse est devenue une industrie et beaucoup de ses adeptes parviennent à nourrir leurs familles et à satisfaire leurs besoins. « Le chômage a amené beaucoup de jeunes à intégrer ce secteur », avance Saliou Mbaye, menuisier de son état à grand Dakar. Selon la danseuse, Aïda Dada, capitaine des « Lionnes », «c’est un travail comme les autres. Tout ce que nous entreprenons, nous le faisons dans l’intention de divertir les sénégalais. De nous prendre en charge et de subvenir à nos besoins quotidiens. »
A l’idée que la danse peut nourrir son homme, Aida Dada souligne que cela dépend des situations: « Il arrive que les activités se succèdent et que l’on nous sollicite. Parfois c’est la dèche et trouver un marché demeure un calvaire. Les temps sont durs et ce métier ne nourrit plus son homme. »
Sur la créativité des nouvelles danses, certains avancent qu’il faut être « plus imaginatif » pour accrocher: « Beaucoup de danseurs cumulent danse et musique. On peut être un bon danseur mais si on ne fait pas de la création, on ne s’en sort pas.
La danseuse Oumou Sow est très bien dans son art, elle était au top, mais présentement, elle est sur la touche du fait que ce sont les créations de Ndèye Guèye avec « Tieuheugoune, Sama Diouni bi », qui sont très sollicitées. C’est un travail qui nécessite des recherches et il faut aller le chercher dans la mentalité des sénégalais. Nous sommes dans une population jeune et beaucoup ne travaillent pas ou ne sont jamais allés à l’école. Il suffit juste de produire quelque chose de simple, facile et qu’on imite et en plus l’accompagner d’une bonne musique, avec de très belles femmes qui l’exécutent bien, pour demain être la star », a avancé Saliou Sall, acteur culturel à Dakar.
L’accoutrement, dans la danse
L’accoutrement occupe une place importante dans la danse. Les créations de danse sont adaptées à tout port vestimentaire. Toutefois, celui-ci est dominé par le sexy. Un constat qui se généralise dans les regroupements, les manifestations culturelles. Pour nos interlocuteurs, « Nos danseurs ont mal copié, ils pêchent dans la danse et dans l’habillement ». Selon le journaliste d’investigation, Amadou Diouf, reconverti dans la communication, « Le président Léopold Senghor a très tôt compris que la culture était l’un des moyens fondamentaux du développement d’un pays ». « Il était noir par la peau et blanc dans la pensée mais, il a pu conserver les valeurs africaines pour porter les revendications de l’Afrique à l’étranger. Et c’est ainsi que Léopold Senghor parlait toujours, d’enracinement dans nos cultures », soutient M. Diouf.
Un autre exemple pour étayer sa réflexion, celui du tambour major sénégalais, Doudou Ndiaye Rose pour qui, la conservation de sa culture lui a valu toutes les gloires qu’il a reçues de l’étranger. Un fils de griot, descendant de griot comme il le certifie, avance « que tout est commercial dans ce pays, car si auparavant, on le faisait pour le plaisir des yeux et des oreilles, maintenant il y a la rude concurrence qui sévit et certains n’hésitent pas à se mettre presque nus pour attirer l’attention. »
Toutefois, il avance que « La conjoncture économique ne doit pas pousser à perdre ses valeurs».