Augustin Senghor brise le silence. Le très discret président de la Fédération sénégalaise de football crache ses vérités à l’Etat. Le patron du football, qui souhaite le règlement définitif de la question du salaire des entraîneurs avant le prochain match des Lions, demande aussi au gouvernement, après deux ans de répit, de venir au secours de la Fsf. «Sinon, précise-t-il, nous ne serons jamais en mesure d’atteindre les objectifs.» Dans un autre registre, le président de la Fsf, tout en niant l’existence d’un cas El Hadji Diouf, se veut clair : «Des critères sont établis et ils ne sont pas négociables.»
Les salaires des entraîneurs ?
Le ministre, lui-même, est intervenu sur la question pour dire que c’est déplorable. Ce sont des pères de famille, des patriotes engagés. J’ai été témoin des sacrifices qu’ils ont faits pendant tout ce temps. Il y a peu de Sénégalais qui seraient restés dans leurs coins pendant huit mois sans rien dire. Je suis de tout cœur avec eux pour qu’enfin, on puisse régler, non seulement les arriérés qui sont dus, mais à partir du mois prochain, qu’ils puissent régulièrement toucher leur salaire. C’est le seul moyen de leur permettre d’atteindre les objectifs assignés qui sont d’une importance capitale pour le Sénégal.
D’un autre côté, je suis rassuré parce que le nouveau ministre des Sports les a reçus. Moi-même, j’ai été reçu par le ministre qui m’a montré tous les documents venant de la Primature et adressés au ministère des Finances pour l’effectivité du paiement des salaires des derniers mois. Il nous avait instruits d’ouvrir un compte bancaire uniquement affecté aux salaires des entraîneurs. La fédération va recevoir de l’Etat le montant global et s’occupera des paiements après avoir défalqué les charges fiscales. Le compte est déjà ouvert, nous attendons le virement de l’Etat. Notre souhait, c’est que cela soit fait avant le prochain match des Lions, au plus tard la semaine prochaine.
Ce que la fédération a fait ?
La fédération, comprenant la situation, a voulu proposer aux entraîneurs, qui en exprimaient le besoin, de pouvoir les assister, suppléer à l’Etat, en donnant des avances sur salaires pour faire face à des situations ponctuelles. Pour certains, cela a été effectif, des avances sur salaire d’un ou deux mois ont été données. Les autres ont préféré attendre que l’Etat paie.
Le cas de Diouf ?
Pour nous, il n’y a pas de cas El Hadji Diouf. Nous sommes en train de construire sur de nouvelles bases en regardant devant avec des critères clairs qui ont été définis et partagés avec le staff technique. Nous nous en tenons à cela. Pour repartir du bon pied et planifier sur le moyen terme, nous devons nous reposer sur un socle de jeunes joueurs. Ce qui ne veut pas dire que tous les anciens sont exclus. La meilleure preuve : Omar Daf est convoqué. Maintenant, celui qui ne peut pas remplir les critères qui sont arrêtés ne pourra pas jouer dans l’Equipe nationale, aussi longtemps que nous serons dans notre démarche et notre orientation. J’ai eu à le dire : il n’est pas négociable.
Les critères ?
C’est d’abord être compétitif, c’est la moindre des choses, en club, de manière à pouvoir répondre aux performances requises, respecter les règles érigées au sein de la Tanière. Surtout reposer l’équipe sur un socle de nouvelle génération. Aujourd’hui, un joueur qui remplit ces critères peut être sélectionné, mais nous comptons sur un socle de jeunes joueurs qui nous mènera vers nos objectifs, à moyen terme, d’ici 4 ans.
La logistique
La fédération ne peut pas garantir un vol spécial. Comme le staff technique, nous comptons sur l’Etat. La haute compétition a ses exigences. Si nous voulons être au même niveau que la Côte d’Ivoire, le Cameroun, avec qui nous partageons le même groupe, le Ghana, l’Egypte etc… nous devons gommer les insuffisances qui existent en Afrique en termes de haute compétition : la logistique, le transport aérien. Des joueurs ne peuvent pas arriver fatigués la veille d’un match, sous 40°c et vouloir gagner. Toutes les dispositions doivent être de mises. Le match que nous allons jouer en Rdc sera déterminant pour la suite. Si nous ratons ce match, ça va compliquer davantage notre situation. Nous interpellons, encore une fois, l’Etat. Nous sommes désolés, mais nous sommes en Afrique, nous ne pouvons rien faire sans l’Etat. Le football a une importance tellement vitale pour le peuple sénégalais que nous méritons qu’on nous donne le maximum de chance. Nous nous tournons, encore une fois, vers le Premier ministre, vers le président de la République pour qu’ils puissent nous assurer depuis Paris un vol spécial afin que nous puissions aller jouer ce match en Rdc et rentrer le plus tôt possible.
La prise en charge des Lions ?
En ce qui concerne l’équipe A, à 90%, c’est la fédération, et avant le Cnf, qui prenait en charge. Même pour le dernier match contre le Danemark et le regroupement fermé à Paris, la fédération, malgré ses maigres moyens, a dû y aller de sa propre proche pour financer. Le budget de la fédération ne peut pas supporter les compétitions officielles avec les enjeux que nous connaissons. Nous estimons qu’après deux ans de répit, l’Etat doit venir à notre secours, sinon nous ne pourrons jamais atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Le nouveau ministre des Sports a été très réceptif, le Premier ministre aussi a toujours eu un esprit d’écoute vis-à-vis du sport et du football en particulier. Ils connaissent ce qui nous attend et les enjeux pour que le Sénégal puisse reprendre sa place dans le concert des grandes nations du football africain. Des promesses nous ont été faites, nous attendons que cela puisse se concrétiser, même si nous comprenons que le contexte économique est difficile actuellement.
L’Observateur