La recevabilité ou non d’une troisième candidature de Wade pour 2012 sera tranchée par le Conseil constitutionnel. Au niveau de cette juridiction, précise Me Ousmane Sèye, président du mouvement citoyen ‘Sentinelle bleue’ et avocat de l’Etat, le très contesté Cheikh Tidiane Diakhaté, son président, ne décide pas seul.
Le problème de la recevabilité ou non de la candidature d’Abdoulaye Wade pour la présidentielle de 2012 se situe, selon Me Ousmane Sèye, à deux niveaux : la rétroactivité de l’article 134 et la nuance entre le mandat et la durée du mandat. Invité par les cadres libéraux, vendredi 27 août, le président du mouvement citoyen ‘Sentinelle bleue’, par ailleurs avocat de l’Etat, estime que le chef de l’Etat peut se présenter pour un troisième mandat. Il pose ses arguments juridiques qui, selon lui, ne souffrent d’aucune ambiguïté. Il n’a pas manqué de flinguer l’opposition et les constitutionnalistes, qui défendent le contraire. Extraits.
RÈGLE D’ANALYSE DE LA CONSTITUTION
‘L’analyse des dispositions constitutionnelles est tellement sérieuse qu’on ne peut pas se fonder sur une déclaration, fut-elle celle d’un président de la République, pour la faire. Il y a des critères d’analyse d’une Constitution que sont : les travaux préparatoires, la lettre de la Constitution et l’esprit de la Constitution. Les dispositions constitutionnelles sont extrêmement claires sur la recevabilité ou non de la candidature de Wade. Le président de la République a été élu en 2000 sur la base de la Constitution du 7 mars 1963 modifiée. Dans cette Constitution, le mandat du président de la République était de 7 ans, et il était illimité. En 2001, c’est lui-même qui propose au peuple sénégalais l’adoption d’une nouvelle Constitution. Et dans cette Constitution, il était prévu de limiter le mandat présidentiel à 5 ans, et qu’il soit renouvelable une seule fois. Le peuple l’a adopté, mais il fallait régler le problème de la transition. Parce que lui (Wade) est élu sur la base d’une ancienne Constitution (7 mars 1963, Ndlr) dont l’esprit et la lettre diffèrent de l’esprit et la lettre de la nouvelle Constitution (2001).’
2000-2007 : LE MANDAT DE TRANSITION
‘L’esprit et la lettre de l’ancienne Constitution, c’était le caractère illimité du mandat qui est de 7 ans. La nouvelle Constitution voulait y mettre un terme parce qu’on voulait limiter dorénavant le mandat présidentiel à 5 ans et qu’il ne soit renouvelable qu’une seule fois. Le constituant était alors obligé de prendre des dispositions transitoires qui permettent le passage des nouvelles dispositions aux anciennes dispositions. Mais il y a une technique pour le faire : soit le constituant fait rétroagir les dispositions c’est-à-dire que les nouvelles dispositions concernent les anciennes dispositions. Mais pour le faire, il faut qu’il prenne expressément un texte pour dire : ‘ces nouvelles dispositions-là, prennent en compte les autres dispositions ou bien que les nouvelles dispositions ne concernent pas les anciennes dispositions’. C’est ce que le constituant a fait à travers l’article 134.’
MANDAT ET DURÉE DE MANDAT : LA NUANCE
‘L’article 27 de la nouvelle Constitution dit : ‘Le président de la République est élu pour un mandat de 5 ans.’ Il ne parle pas de durée. Le problème se situe sur la rétroactivité de l’article 134 et sur la nuance entre le mandat et la durée du mandat. Le mandat, c’est le pouvoir de représentation donné à quelqu’un par un autre. Quand on parle de mandat présidentiel, c’est le pouvoir que le peuple sénégalais donne au président de la République pour l’exercer à sa place. La durée, c’est le temps – de cinq ans, sept ans, etc. C’est là, la différence entre le mandat et la durée du mandat. Nulle part dans l’article 104 on ne parle de durée du mandat. Cet article dit : ‘Le président de la République termine son mandat en cours jusqu’à son terme.’ Dans cet article, on a voulu régler le problème de représentation du président de la République c’est-à-dire son mandat. Et l’aliéna de l’article 104 dit que les nouvelles dispositions de la Constitution, en ce qui concerne le mandat, ne sont pas applicables au mandat du président de la République. Donc, l’article 27 de la nouvelle Constitution n’est pas applicable au mandat du président de la République. Voilà la lettre et l’esprit de la Constitution. L’esprit de la Constitution a été respecté à partir de 2007 : plus de mandat illimité. Maintenant, si les Constituants ont voulu écrire autre chose, ils ont mal rédigé leur texte.’
CHEIKH TIDIANE DIAKHATE, UN PARMI LES SAGES
‘Ce débat va être réglé par le Conseil constitutionnel, qui est l’organe compétent pour recevoir les candidatures à l’élection présidentielle. Et quand on dépose une candidature devant ce Conseil, il est obligé de dire si cette candidature et valable ou non. Le problème de fond, le vote, est tranché par les électeurs, mais celui de la recevabilité, la forme, c’est le Conseil constitutionnel qui le tranche. Là aussi, l’opposition récuse la nomination de Cheikh Tidiane Diakhaté comme président du Conseil constitutionnel. Mais celui qui a responsabilisé Cheikh Tidiane Diakhaté, en tant que magistrat, c’est le Parti socialiste. A l’époque, jeune magistrat, M. Diakhaté a été doyen des juges d’instruction et c’est lui qui a inculpé Abdoulaye Wade, Abdoulaye Bathily, Landing Savané, Moustapha Sy, etc., en 1993. Je faisais partie des avocats de Wade. Tous les jours, les magistrats rendent des décisions qui sont infirmées en Appel. Parce que Cheikh Tidiane Diakhaté a rendu une décision (affaire Ndindi et Ndoulo, Ndlr), la Cour suprême est revenue sur cette décision, l’opposition dit qu’elle n’a plus confiance en lui. Ce n’est pas Cheikh Tidiane Diakhaté qui décide au Conseil constitutionnel, ils sont cinq : Cheikh Tidiane Diakhaté, un inspecteur d’Etat, un professeur de droit et trois hauts magistrats. Et les décisions sont prises à la majorité des membres.’
UN DÉBAT POLITIQUE
‘C’est un débat purement politique et parmi les juristes qui l’ont agité, il y a certains qui sont masqués, d’autres ont eu l’honnêteté de dire qu’ils sont des constitutionnalistes, mais aussi des responsables de partis politiques, et ont des positions politiques. Ceux qui ont essayé d’être neutres, leurs masques sont tombés puisque depuis hier (jeudi 26 août), les partis politiques ont pris en charge ce débat. Bennoo a fait une déclaration, le Ps, l’Afp aussi, et envisage même des organisations pour contester même la nomination du président du Conseil constitutionnel. Si on analyse bien, on trouve que la démarche de l’opposition est cohérente : un refus de combat. L’opposition refuse d’affronter le candidat Abdoulaye Wade sur le terrain politique, sous l’arbitrage des électeurs. La preuve, en 2007 quand l’opposition a été battue à la présidentielle par Wade, on les attendait aux élections législatives, Bennoo a boycotté.’
REFUS DE L’OPPOSITION D’AFFRONTER WADE
‘Après ce boycott, l’opposition a créé une organisation qu’elle a appelée Initiative pour le départ de Wade (Idewa). Au lieu d’affronter Abdoulaye Wade sur le terrain politique, elle lance des messages séditieux pour demander aux populations de faire le combat à leur place. C’était l’objet de l’Idewa, mais les populations n’ont pas suivi. Puis, ils se sont réveillés un beau matin pour dire : ‘On va saisir le Conseil constitutionnel pour constater l’incapacité du président de la République à diriger le pays. Parce qu’il n’a plus les capacités morales.’ Je leur avais dit à l’époque : ’Le jour où vous saisissez le Conseil constitutionnel, nous allons saisir le procureur de la République qui va vous interpeller sur la base de l’article 80 du Code pénal. Parce que c’est une façon de démoraliser les populations et l’article 80 du Code pénal punit toute forme de démoralisation et tout appel à la désobéissance des populations.’ C’est ce que l’opposition fait tous les jours. Ce projet d’attaquer le président de la République pour incapacité et aussi un refus de combattre et de demander sous la pression populaire par des subterfuges qui frisent le délit ou le crime.’
DÉVOLUTION MONARCHIQUE DU POUVOIR
‘Ce projet ayant échoué (attaquer Wade pour incapacité, Ndlr), ils ont agité celui de dévolution monarchique du pouvoir. Et la succession monarchique veut dire une succession sans élection. Parce que dans une succession monarchique, il n’y a pas d’élection. Or le Sénégal a l’une des meilleures constitutions dans le monde, en ce qui concerne l’élection présidentielle. Depuis la déclaration de candidature, l’organisation des inscriptions sur les listes électorales, la distribution des cartes, du vote, la proclamation des résultats, aux voies de recours, etc., tout est organisé. C’est un faux débat de dire que le président de la République a la volonté de se faire succéder par son fils parce qu’aucun acte n’est posé dans la Constitution pour lui permettre de se faire remplacer par son fils, sans l’arbitrage des électeurs. Cela rentre toujours dans le cadre du refus d’affronter Abdoulaye Wade sous l’arbitrage des électeurs. ‘
UNE OPPOSITION ANTIDÉMOCRATIQUE
‘Ils (les membres de l’opposition, Ndlr) se sont rendu compte que les populations se sont lassées de ce discours qui n’a aucun fondement, ni politique ni juridique. C’est en ce moment qu’ils ont cherché un candidat pour l’élection présidentielle et n’ont pas trouvé de candidat. Ils ont commandité des audits en perspectives de 2012 pour voir leurs chances. Mais tous les audits démontrent que Wade va remporter l’élection présidentielle. C’est pourquoi ils ont décidé de tout faire pour que Wade ne soit pas candidat. Et c’est antidémocratique parce que quand on est dans une République où on organise des élections, quand il y a des candidats, ces derniers doivent l’affronter sur le terrain politique, sous l’arbitrage des électeurs. Mais dire à son adversaire politique que ‘tu n’as pas le droit de te présenter’ et antidémocratique et déloyal. C’est ce que je reproche à l’opposition : son comportement antidémocratique. A chaque fois, le discours de l’opposition, c’est : ‘vous ne devez pas vous présenter’ ou ‘vous voulez donner le pouvoir à votre fils’. Ce qui n’est pas un comportement responsable. ’
INONDATIONS, DÉLESTAGES,… : DIRE LA VÉRITÉ AUX POPULATIONS
‘Le pouvoir doit refuser de se faire distraire par l’opposition et tenir un discours objectif sur les questions comme les inondations, les délestages,… qui intéressent les populations. Il ne faut pas leur mentir (aux populations). Il faut leur dire ce que le pouvoir peut faire sur ces questions. C’est des discours de vérité que nous attendons des hommes politiques. Parce que concernant le problème des délestages, il y a des manquements et tout le monde le sait. Nous savons que la volonté de l’Etat, c’était de régler le problème énergétique. Beaucoup d’argent a été injecté dans la Senelec, mais il y a toujours des difficultés. Il faut oser le dire, il faut que l’on fasse le bilan de la gestion, situer les responsabilités et sanctionner les manquements. J’appelle le camp présidentiel à tenir un discours de vérité aux populations. Si j’avais la certitude, aujourd’hui, en tant que juriste que le président de la République n’aurait pas droit à un autre mandat, je lui dirais : ‘vous n’avez pas le droit de vous présenter (…).’
Propos rassemblés par Yakhya MASSALY
walf.sn
Je pose une question
Est ce que un autre president peut augmenter la duree du mandat presidentiel de 7 à 20ans par le biais de l’assamble nationale