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Meïssa Touré, commissaire politique du président Wade en France : ‘C’est inadmissible qu’avec 115 mille euros, on ne gagne pas en France’

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Les libéraux de France n’ont pas encore digéré leur cinglante défaite en France où ils n’ont eu que 18 % des voix exprimés alors qu’en 2007 ils en avaient eu plus de 54 %. Cette défaite mémorable est difficile à accepter d’autant que plus 75 millions de francs Cfa ont été dépensés. Meïssa Touré, commissaire politique représentant du président Wade est amer ! Pour lui, il est ‘inadmissible’ qu’avec autant d’argent qu’ils n’ont pas pu gagner. Il revient dans cet entretien sur les raisons de leur échec cuisant, ‘mais prévisible’.

Wal Fadjri : Les résultats électoraux de France viennent d’être publiés. Abdoulaye Wade occupe la deuxième place derrière Macky Sall avec 18 %. Comment expliquez-vous cette défaite ?
Meïssa TOURE : C’est déplorable. Nous n’avons jamais pensé qu’on aurait 18 % à ces élections. Nous espérions gagner. Vu le travail abattu pendant trois ans, les moyens que le frère secrétaire général Abdoulaye Wade a mis à notre disposition, on ne devait pas perdre la France. Mais c’était prévisible également parce qu’il y a plus d’un an, on tirait la sonnette d’alarme. Nous avions demandé qu’on change de comportement. Aujourd’hui, le résultat est là. Nous devons en tirer toutes les conséquences. La défaite s’explique par le fait qu’on a mis les cars du Pds à la disposition des militants de Macky Sall qui sont venus voter contre Abdoulaye Wade. Dans les zones où les cars ont été envoyés, on savait qu’on n’avait pas de militants. On en avait discuté, mais les gens disaient qu’ils savaient où se trouvaient les militants du Pds. Et heureusement que la communauté casamançaise et la communauté de Kédougou, les autres et quelques-uns de nos Haal Pulaar ont voté pour nous. Sinon, ça aurait été catastrophique.

Vous venez de dire que vous avez fait un bon travail pendant trois ans. Donc vous devez savoir où se trouvent vos militants. Pourquoi n’avoir pas envoyé les cars là-bas ?

Je ne comprends pas le Pds. Un travail a été fait et apprécié par tout le monde. Même ceux de l’opposition l’ont apprécié positivement. Nous avions des secteurs dynamiques dans ces zones-là. A un moment donné, j’étais à Dakar. A mon retour, on m’a dit que Amadou Ciré Sall a dit que le président Wade a dit que ces secteurs ne sont plus valables et que le président Wade ne donnera plus de moyens. Comme certains aiment Abdoulaye Wade, ils sont venus voter pour lui. Mais là où les moyens des transports ont été mis, il n’y a presque pas de militants Pds.

Au deuxième tour, nous devons profondément rectifier en mettant les moyens à la disposition des militants. Je vous donne l’exemple de Créteil où on a envoyé un car. Mais c’est un ancien militant du Pds qui a bénéficié de ce car pour transporter les militants de Macky Sall. Il m’a dit qu’il l’a fait non pas contre Abdoulaye Wade, mais contre Amadou Ciré Sall. Le camarade Amadou Ciré Sall ne peut plus mobiliser en France. Vous avez vu Samba Koïta et Samba Bathily qui étaient au centre de vote depuis 7 heures du matin pour mobiliser leurs militants et parler aux électeurs indécis. Où étaient les responsables libéraux de Paris. S’il y a de l’argent, ce sont eux les responsables qui se manifestent, mais pour le travail sur le terrain, ils sont absents. C’est inadmissible.

Combien de cars vous avez mobilisé ?

Nous avons mobilisé plus de quarante cars. Si l’on considère que chaque car fait 50 personnes, on devait avoir au moins 2 000 militants qui ont voté. Mais on n’en a pas. Cela pose problème. Où sont passés ces cars ? Où est passé cet argent ? Cela veut dire que les cars ont été utilisés par les militants de Macky Sall qui ont voté massivement pour lui.

Combien cela vous a coûté ?

Beaucoup d’argent ! On ne peut pas mettre à notre disposition 115 mille euros et perdre la France. C’est inadmissible ! On n’a pas travaillé. A quoi a servi le déplacement de Diakaria Diaw ? Ils ont dit qu’ils ont mobilisé la communauté haal pulaar, c’est un faux problème. Aujourd’hui, où est le résultat de cette mobilisation ? Il faut qu’on arrête de nous tromper nous-mêmes au-delà de tromper le président Wade. A défaut d’arrêter le temps, il faut marquer un temps d’arrêt.

A part ce problème de transport, qu’est-ce qui explique votre défaite ?

Je vous ai dit que des gens ont détruit le travail que nous avons fait pour leurs intérêts crypto personnels, et personne n’a réagi. Au mois de septembre, il y a des femmes qui ont fait une conférence de presse pour attirer l’attention du frère secrétaire général. Moi-même, combien de fois j’ai attiré l’attention du frère secrétaire général ? Mais des gens proches du président de la République défendent ces gens-là. On est resté pendant les 21 jours de la campagne électorale sans faire de campagne en France. Aucune activité n’a été menée et les gens continuent de mentir pour dire qu’ils ont fait de la proximité. Est-ce que la proximité, c’est aller là où il n’y a que deux ou trois personnes ? Ici, personne ne paie le café de l’autre. Les gens vous aiment parce que vous faites un excellent travail. Quand ils trouvent un intérêt, ils votent pour vous.

‘Je vous donne l’exemple de Créteil où on a envoyé un car. Mais c’est un ancien militant du Pds qui a bénéficié de ce car pour transporter les militants de Macky Sall. Il m’a dit qu’il l’a fait non pas contre Abdoulaye Wade, mais contre Amadou Ciré Sall. Le camarade Amadou Ciré Sall ne peut plus mobiliser en France.’

Au-delà des frais de transport, où est passé le reste des 115 mille euros ?

Je ne sais pas. Plus de 30 mille euros ont été utilisés pour le transport. Mais le résultat est là. Les 75 mille euros ont été donnés à des commissions qui se les ont partagés, etc. On nous a donné de l’argent pour travailler, mais pas pour se le partager. C’est ça notre défaut en France. A chaque fois qu’il y a de l’argent, on ne donne rien à ceux qui se battent pour le président Wade. Vous trouvez normal que nos représentants dans les bureaux ne trouvent pas de quoi manger alors qu’ils sont sur place de 6 heures du matin à 18 heures ? On ne motive pas nos représentants des bureaux de vote. Même les partis de l’opposition ont motivé leurs représentants des bureaux de vote. On leur a donné le petit-déjeuner et de quoi manger. Bravo à nos représentants des bureaux de vote. On ne leur a rien donné, mais ils sont restés de 7 heures du matin à 19 heures pour sécuriser le vote. Abdoulaye Wade a des militants, mais les vrais militants ont été découragés.

Je ne dis pas que je n’ai pas une part de responsabilité dans cette défaite. Je n’ai pas pris mes responsabilités parce que la manière des responsables de la diaspora ne me plaît pas. Saer Guèye ne connaît pas la France. Trouvez-vous normal qu’on lui donne des cartes et que Farba Senghor passe pour donner d’autres cartes ? Et toute cette confusion ? Et on dit qu’ils aiment le président de la République ? C’est faux ! Celui qui sème la confusion ne peut pas travailler pour le président de la République. C’est ça la vérité ! Mais nous allons prendre toutes nos responsabilités pour changer les choses. On mettra l’argent là où il faut pour amener les militants du président Wade à venir voter au second tour. Les gens n’avaient pas compris que les secteurs n’étaient pas pour Meïssa Touré. C’étaient les secteurs d’Abdoulaye Wade qui m’a mis ici pour les monter. Mais on a démantelé tous ces secteurs. Je vous donne l’exemple des Mureaux où nous avions six secteurs. Mais ils ont dit que ce sont mes parents. Pensez-vous que c’est sérieux. Il faut que les gens arrêtent ! Il est temps qu’on responsabilise les gens qui le méritent pour gagner partout.

Quelle est votre part de responsabilité ? Qu’est-ce que vous deviez faire et que vous n’avez pas fait ?

En ce qui me concerne, j’ai attiré l’attention du frère secrétaire général qui m’a mis ici, j’ai attiré l’attention des militants d’ici et des responsables des risques que nous courons. Quand l’argent est venu, j’ai demandé qu’on en donne aux secteurs. Ce qui n’a pas été fait. Je devais m’opposer à cela. Mais si je ne l’ai pas fait, c’est parce que je ne voulais pas, pour des questions d’argent et de personnes, bloquer le bon fonctionnement du parti ici en France. Mais pendant les 21 jours de campagne, on n’a fait aucune activité. On a menti qu’on a fait des activités. Lorsque les Kader Sow et Mbaye Jacques Diop sont venus ici, je leur ai dit ce que je pensais. Ce n’est pas normal qu’on reste jusqu’à quatre jours des élections pour amener l’argent et les affiches. On était obligé de sortir de nos poches pour faire certaines dépenses.

Et les 10 mille euros laissés par Diakaria Diaw ? Qu’est-ce qu’ils en ont fait ? Est-ce normal qu’on installe un comité électoral à une semaine de la campagne électorale ? Même pour avoir des représentants dans les bureaux, il a fallu colmater. Ce n’est pas normal. Il faut qu’on s’organise davantage et qu’on arrête de saboter le travail. Si nos responsables ne croient plus en Abdoulaye Wade, qu’ils prennent leurs responsabilités et laissent ceux qui croient en lui de continuer le travail.

Vous pensez à qui quand vous dites ‘nos responsables’ ?

Ils vont se reconnaître dans mes propos. Je ne cite pas de nom. Tout ce que j’ai envie de dire, je le dirai en réunion (qui s’est tenu hier, Ndlr). On reste à Dakar pendant neuf mois pour revenir en France à deux mois des élections et après la fin des inscriptions sur les listes électorales pour dire qu’on est responsable. Est-ce que Samba Koïta et Bathily (responsables de l’Apr en France, Ndlr) ont fait ça ?

‘Ceux qui ont atteint la ménopause politique, qu’ils se retirent. C’est fini, cela ne peut plus continuer. Même si on leur donne un milliard d’euros, ils ne pourront pas gagner la France parce que le travail, c’est sur le terrain et pas ailleurs.’

Le score de votre candidat est à un peu plus de 18 % alors que Macky Sall est à 36 % Qu’est-ce qu’il faut faire pour remonter la pente ?

C’est facile. Nous avons des militants partout qui sont toujours fidèles au président Wade. Par exemple, à Mantes-la-Jolie, on a au minimum 50 électeurs qui n’ont pas pu venir parce que j’ai reçu leur argent le samedi à 22 heures et ils n’ont pas pu trouver un car. A Rouen, c’est la même chose, car les militants n’ont pas eu des moyens pour venir voter. Il y a plusieurs lieux qui sont dans cette situation. Il faudra les mobiliser pour leur faire comprendre que c’est l’intérêt de Wade et du Sénégal qui est en jeu.

Comment faut-il les remobiliser ?

C’est facile. Ce sont des fans du président Wade, au-delà de leur militantisme. Il faut aller les voir, car ils ne sont pas contents de la façon dont les choses ont été distribuées et leur expliquer. Il faut aussi aller vers les secteurs que nous avons montés. Dans les secteurs où il y avait 50 personnes, même si l’on ne peut pas les mobiliser tous, on pourra (mobiliser) pour au moins 20 personnes. Avec 20 personnes partout on gagnera.

Cela va nécessiter des moyens encore. Vos responsables vont-ils encore accepter de vous donner des moyens après cette défaite ?

Cela va s’en dire. Ici sans moyens, on ne peut rien faire. On ne pourra pas gagner. Mais il faudra mettre les moyens là où il faut. Ce qui nous a fait perdre en France, c’est qu’on n’a pas mis les moyens là où il fallait les mettre. Les gens se sont déplacés par leurs propres moyens. Mais, si on avait mis les cars là où on a de vrais militants inscrits, on aurait gagné. Je suis convaincu que rien n’est perdu. Nous sommes majoritaires en France et au Sénégal. Mais seul le travail paie. L’Apr a travaillé sur le terrain. On l’a senti et ils ont gagné. Nous n’avons pas travaillé et on a perdu. On a eu que ce que l’on a mérité. Qu’on ne se trompe pas.

Avez-vous eu le président de la République pour discuter de tout ça ?

Je ne l’ai pas eu. Mais je l’aurai pour discuter de la situation. Mais je lui ai envoyé un rapport quand notre budget de campagne est arrivé. Je pense qu’il l’a reçu.

On sent que la réunion que vous allez tenir sera houleuse…

On va se dire des vérités. Que ceux qui ne veulent plus mouiller le maillot se signalent. Ceux qui ont atteint la ménopause politique, qu’ils se retirent. C’est fini, cela ne peut plus continuer. Même si on leur donne un milliard d’euros, ils ne pourront pas gagner la France parce que le travail, c’est sur le terrain et pas ailleurs.

Quel message lancez-vous à vos militants pour le deuxième tour ?

C’est de se mobiliser pour réélire le président Wade. C’est nous qui lui avons demandé d’être candidat, c’est à nous de le réélire. On doit taire nos frustrations, passer l’éponge sur nos insuffisances. L’objectif, c’est de s’unir en se disant des vérités pour avancer et gagner. Et c’est possible. C’est ma conviction !

Propos recueillis à Paris par Moustapha BARRY (Correspondant permanent)

walf.sn

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