Menacé d`un recours à la force par l`Afrique de l`Ouest, le gouvernement ivoirien de Laurent Gbagbo a dénoncé samedi un complot « inacceptable » du « bloc occidental dirigé par la France » et mis en garde contre un risque de guerre civile dans ce pays peuplé de millions d`immigrés.
La crise en Côte d`Ivoire née de la présidentielle du 28 novembre a marqué un tournant depuis que la Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest (Cédéao) a menacé vendredi, en sommet à Abuja (Nigeria), d`user de la « force légitime » si M. Gbagbo ne cédait pas le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, ONU en tête.
C`est la première fois que M. Gbagbo, qui a ignoré jusque-là ultimatum et sanctions, est directement sous la menace d`une opération militaire.
Une mission de la Cédéao, composée des présidents béninois Boni Yayi, cap-verdien Pedro Pires et sierra-léonais Ernest Koroma, est d`ailleurs attendue mardi à Abidjan.
« Inacceptable », a tonné le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello, fustigeant « un complot du bloc occidental dirigé par la France ».
Assurant à l`AFP ne pas croire « du tout » à une opération militaire, M. Don Mello a évoqué un risque de « guerre civile » si ce projet était mis à exécution.
« Tous les pays (d`Afrique de l`Ouest) ont des ressortissants en Côte d`Ivoire, ils savent que s`ils attaquent la Côte d`Ivoire de l`extérieur, ça va se transformer en guerre civile à l`intérieur », a-t-il insisté.
« Est-ce que le Burkina Faso est prêt à accepter trois millions de Burkinabè de retour » de Côte d`Ivoire dans leur pays d`origine, a-t-il interrogé, prédisant que les pays de la Cédéao « ne s`attaqueront pas eux-mêmes ».
« Le peuple de Côte d`Ivoire va se mobiliser » face aux pressions qui « excitent son patriotisme », a-t-il encore juré.
L`un des avocats les plus enflammés de M. Gbagbo, Charles Blé Goudé, ministre de la Jeunesse et chef des « Jeunes patriotes », a mobilisé ces derniers jours ses partisans à Abidjan en vue du « combat » pour la « souveraineté » ivoirienne. Il prévoit une grande manifestation mercredi dans la capitale économique.
En plus d`un recours à la force, l`organisation régionale a également menacé de poursuites internationales les responsables des violences récentes, qui ont fait 173 morts selon l`ONU entre le 16 et le 21 décembre.
Environ 14.000 Ivoiriens ont déjà fui vers le Liberia voisin en près d`un mois pour échapper aux violences et certains ont été empêchés par des éléments des Forces nouvelles (ex-rébellion alliée à Ouattara) de traverser la frontière, ont indiqué samedi les Nations unies.
Le pape Benoît XVI a appelé samedi, lors de son message traditionnel de Noël, à « une paix durable » en Côte d`Ivoire, où la fête avait un goût amer.
Le pays avait pourtant espéré, à la faveur de la présidentielle, clore une décennie de crises précisément ouverte le jour de Noël 1999, avec le premier coup d`Etat de l`histoire du pays.
Coincé dans un hôtel de luxe d`Abidjan soumis à un blocus des forces fidèles à M. Gbagbo, M. Ouattara était sorti vendredi d`un silence de plusieurs semaines pour appeler solennellement les militaires pro-Gbagbo à lui obéir et à protéger la population contre les « atrocités » commises notamment par « des mercenaires et des miliciens étrangers ».
Si l`armée lui fait toujours défaut, Ouattara a marqué un point jeudi quand l`Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) a décidé de lui accorder le contrôle des comptes ivoiriens à la Banque centrale des Etats de l`Afrique de l`Ouest (BCEAO).
Le gouvernement Gbagbo a rejeté une décision « illégale » qui pourrait s`avérer lourde de conséquences pour lui, même si les salaires des fonctionnaires de décembre ont commencé à être payés cette semaine.
AFP