Contribution III : Menace sur la filière arachidière
I INTRODUCTION
La filière arachidière occupe une place centrale dans l’économie sénégalaise, elle est un produit d’exportation et fournit des revenus monétaires substantiels aux producteurs.
Au Sénégal, l’arachide est à la fois une culture vivrière et de rente essentielle. C’est pourquoi, malgré les nombreux problèmes qu’elle connaît depuis plusieurs années, la culture de l’arachide demeure importante dans les 14 régions du pays. Elle occupe directement ou indirectement au moins 4 millions de sénégalais.
Dans le passé, jusqu’à la fin des années 1980, l’arachide était incontestablement la principale production industrielle et vivrière du Sénégal. A cette époque, elle générait 60 % du PIB agricole, 80 % des recettes d’exportation du pays, faisait travailler près de 80% de la population active. Les quatre huileries implantées dans différentes régions constituaient l’épine dorsale de notre tissu industriel et agro-industriel.
Les campagnes de commercialisation de l’arachide étaient des occasions de fortes créations monétaires, principalement dans le bassin arachidier. On assistait à une intense activité économique dans tout le Sénégal.
Aujourd’hui, cette prospérité d’antan est devenue une légende que les aînés racontent aux jeunes. En effet, les difficultés intervenues à la fin des années 70, dues à la sécheresse et aux différents plans d’ajustement structurels et financiers imposés par les organismes de Bretton Woods, ont obligé l’Etat à se désengager du monde rural. Ce fut le début de la déstructuration de la filière arachidière.
Avec l’alternance en 2000, la déstructuration a continué en s’aggravant avec la disparition non pécipitrée de la SONAGRAINES et la privatisation non réussie de la SONACOS.
Toutefois, l’Etat avait injecté par la suite beaucoup d’argent dans la filière arachidière : apurement du passif de la SONAGRAINES-SONACOS, subvention du prix de l’arachide, subvention des intrants, subvention des semences, lancement de la GOANA (Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance) et divers autres programmes agricoles. Des résultats positifs avaient été enregistrés mais la filière est restée en crise : dysfonctionnement des campagne agricoles, semences de mauvaise qualité, intrants insuffisants avec un système de distribution défaillant, matériel agricole obsolescent, disparition à petit feu de l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agricole).
Avec l’alternance intervenue en 2012, les acteurs de la filière arachidière espéraient enfin voir le bout du tunnel mais, même s’il y a eu de réels changements et de nouvelles ambitions pour la culture de l’arachide, il n’en demeure pas moins que la filière est toujours confrontée à de sérieuses difficultés. La tournée du Ministre de l’Agriculture dans le bassin arachidier et la conférence de presse CNCR, cette semaine, illustrent à suffisance ces difficulté. Le président de la République a pris la mesure du problème en instruisant le gouvernement à créer une commission de réflexion sur la campagne de commercialisation de l’arachide.
Sans exagérer, la campagne de commercialisation de l’arachide de cette année est à ce stade un échec. Les paysans ne peuvent pas vendre leurs graines à 200FCFA. Ils sont à la merci des spéculateurs qui ont pignon sur roue dans tous les marchés hebdomadaires et opèrent librement. Depuis la privation de la SONACOS et la suppression de la SONAGRAINE, la filière arachidière est en crise dans toutes ses composantes : encadrement, semences, engrais, matériel agricole, recherche, commercialisation,……
La commission du Développement Rural de l’ex Conseil Economique et Social avait mené une réflexion approfondie (avril 2011) sur la filière arachidière et le rapport final est entre les mains des autorités. Tous les acteurs avaient été impliqués : Direction de l’agriculture, CNCR, CMS, CNCAS, OPS, FNOPST, CNIA, ISRA, DPV, Conservation des sols, ASPRODEB, ITA, SUNEOR, NOVASEN.
Le rapport de la Commission du Développement Rural de l’ex CES, après identification des contraintes, contient des recommandations que la Commission de Réflexion du gouvernement gagnerait à s’approprier pour enfin sortir la filière arachidière de ses difficultés qui n’ont que trop duré. Sans cette filière redynamisée, point d’émergence.
« II CONTRAINTES DE LA FILIERE ARACHIDIERE
a. Liées à la culture et à la protection des cultures et des récoltes
Les rendements des producteurs d’arachide sont très faibles comparés à ceux des agricultures des autres pays. En conséquence, le seul moyen d’améliorer le revenu du paysan, c’est d’augmenter le prix du kilogramme d’arachide chaque année. Ce n’est pas économique et c’est coûteux pour le contribuable en cas de subvention.
Les causes fondamentales de la contreperformance de la filière arachidière sous l’angle de la productivité, peuvent être résumées comme suit :
• Pauvreté des sols et utilisation insuffisante de l’engrais minéral ;
• Cultures essentiellement pluviales ;
• Non maitrise de l’eau surtout pour la production de semences certifiées ;
• Insuffisance de l’implication de la recherche ;
• Faible accessibilité des paysans au financement bancaire ;
• Manque d’encadrement et de formation des paysans ;
• Protection phytosanitaire des cultures et des récoltes insuffisante. Une bonne partie des récoltes est perdue à cause des parasites ;
• Appauvrissement des paysans qui sont les vraies victimes des mauvaises campagnes agricoles successives ;
• Application insuffisante de la bonne pratique agricole : production, conservation et transformation.
b. Liées aux semences et aux intrants
Les semences constituent le premier intrant dans la culture de l’arachide. Cependant, malgré tous les efforts consentis par l’Etat, la reconstitution du capital semencier n’est toujours pas effective. En relation avec l’ISRA, beaucoup d’organisations travaillent cependant pour mettre à la disposition des arachiculteurs des semences certifiées. La subvention des semences distribuées aux paysans et autres est un obstacle à cette politique.
Les producteurs d’arachides rencontrent des difficultés pour avoir à temps, en quantité et en qualité les semences et les intrants agricoles. Ces difficultés sont liées à :
• L’insuffisance des quantités reçues ;
• La mauvaise qualité des semences ;
• Le retard dans la distribution des semences et intrants ;
• Les coûts élevés des semences certifiées ;
• La mauvaise organisation des commissions de distribution des semences et intrants.
c. Liées à la commercialisation
La commercialisation de l’arachide est le principal problème de la filière. C’est le maillon qui bloque le système. Les causes de ce blocage sont multiples :
• La SUNEOR ne respecte pas ses engagements. Elle bloque le système carreau-usine car elle est incapable de payer les producteurs et les OPS (Opérateurs Privés Stockeurs) à temps ;
• Implication insuffisante des banques locales dans le financement de la campagne de commercialisation ;
• Vieillissement du parc des camions transporteurs arachidiers ;
• Retard dans la fixation du prix du kilogramme d’arachide aux producteurs ;
• Manque de statistiques fiables pour l’évaluation correcte de la production ;
• Elargissement du marché d’huile d’arachide raffinée au Sénégal ;
• Agrément d’opérateurs non professionnels, sans garanties, sans moyens financiers ;
• Subvention du prix de l’arachide bloquant la capacité d’achat des huiliers avec le système des quotas.
d. Liées aux aflatoxines
Les aflatoxines constituent un handicap majeur de la filière. Beaucoup de produits dérivés de l’arachide sont anormalement riches en cette toxine cancérigène.
Il s’agit des tourteaux, de l’huile Seggal, du beurre d’arachide, des graines crues ou salées grillées, des tourteaux, des graines enrobées de sucre caramélisé. La présence de l’aflatoxine est due à :
• Une mauvaise pratique agricole : récolte trop précoce, mauvais séchage et mauvaise conservation des gousses, absence de tri des graines parasitées ;
• Non raffinage des huiles brutes (Seggal) ;
• Non tri des graines utilisées pour la fabrication du beurre d’arachide et des autres produits dérivés ;
• Non détoxification des tourteaux artisanaux ;
• Mauvaise conservation des tourteaux artisanaux.
e. Liées aux allergies de l’arachide
L’arachide est un puissant allergène. Elle produit des allergies violentes pouvant conduire à la mort. Cette propriété de l’arachide est un handicap du produit surtout en Europe.
III RECOMMANDATIONS
Première filière agricole du Sénégal, son redressement est une impérieuse nécessité surtout si on ambitionne l’émergence à court terme. Les recommandations suivantes visent cet objectif. Elles portent sur :
a. La culture et la protection des cultures et des récoltes
Pour augmenter les rendements de la production arachidière et améliorer sa qualité et conséquemment accroitre les revenus des producteurs, les pouvoirs publics et les organisations d’appui aux paysans doivent prendre un certain nombre de dispositions urgentes :
-Organiser les états généraux de l’arachide en impliquant tous les acteurs de la filière. Il est urgent qu’une politique agricole claire et dans la durée soit appliquée à l’arachide ;
-Mener des travaux de cherche pour développer des variétés plus adaptées aux conditions climatiques du Sénégal, résistantes à Aspergilus flavus et aux autres parasites ;
-Redéfinir les zones où la culture de l’arachide peut être pratiquée sans risque climatique excessif en relation avec l’ISRA et les universités.
A cet égard, procéder à la réactualisation de la carte variétale en tenant compte des nouvelles variétés. Il doit être interdit l’introduction au Sénégal de semences étrangères non agrées par l’ISRA ;
-Entamer une politique de revitalisation des terres agricoles par des amendements organiques et minéraux à l’échelle nationale. Le Sénégal doit pouvoir mettre à la disposition des paysans des engrais de qualité, en quantité et à temps. Riche en phosphate, le Sénégal ne doit pas importer son engrais ;
-Impliquer mieux l’ISRA dans toute politique portant sur la culture de l’arachide. L’avis de l’Institut de Recherche Agricole devrait être un préalable avant toute décision dans ce domaine ;
-Mettre en place une politique d’accès au crédit bancaire adapté avec des taux réduits pour les producteurs agricoles. A cet égard, la CNCAS (Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal), qui fait un bon travail dans le monde rural, mérite d’être encourager et renforcée ;
-Augmenter les moyens humains, financiers et logistiques de l’ISRA et de l’ANCAR (Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural) pour qu’ils assurent la formation et l’encadrement des paysans qui en ont tant besoin car la nouvelle génération de producteurs d’arachide a de faibles capacités techniques ;
-Augmenter les moyens de la DPV (Direction de la Protection des Végétaux) pour un meilleur maillage du pays. La présence de cette direction dans les zones de production va permettre une meilleure protection des cultures et ce n’est pas le cas pour le moment :
-Appuyer et encourager les mouvements paysans tels que l’ASPRODEB (Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base) qui est en train de faire un travail remarquable à la base. Cette organisation s’investit dans la multiplication des semences certifiées en relation avec l’ISRA, dans la production de graines d’huilerie, dans la production d’huile avec le Complexe AgroIndustriel de Touba (CAIT) ;
-Réorganiser le CNIA (Comité National Interprofessionnel de l’Arachide) en lui dotant d’une feuille de route mieux adaptée à la filière arachidière.
Ce comité interprofessionnel de l’arachide doit être restructuré avec des collèges professionnels représentatifs assez puissants en contact avec leurs bases périodiquement renouvelées faisant des évaluations acceptables de la production arachidière avec des méthodes modernes pour fixer très tôt le prix d’arachide aux producteurs. Il doit renouveler son instance de direction nationale tous les 3 ans impérativement et descendre à la base pour apprécier les cultures d’arachide in situ.
-Prendre toutes dispositions utiles pour convaincre les Sénégalais à consommer nos produits locaux en particulier l’huile et les divers produits dérivés de l’arachide. Cela est une nécessité pour pérenniser la filière et protéger le consommateur car notre huile d’arachide est la mieux adaptée à nos pratiques culinaires ;
-Continuer à interdire l’importation de l’huile de palme. Cette huile est une graisse animale. Elle ne peut pas se substituer à l’huile d’arachide. Elle est très pauvre en acides gras insaturés et ne supporte pas la haute température. Elle est donc inadaptée aux pratiques culinaires sénégalaises. Pour des raisons de santé publique, l’Etat doit interdire son importation. Les Sénégalais doivent être informés que l’huile de palme, de même que les autres huiles végétales, se décomposent à haute température et peuvent donner des composés hautement cancérigènes.
-Encourager la consommation et la promotion d’autres formes de valorisation des produits et sous produits arachidiers. L’huile ne doit plus être le principal produit arachidier consommé au Sénégal ou exporté ;
-Prendre des initiatives hardies et rapidement pour revitaliser les coopératives agricoles regroupées dans l’UNCAS (Union Nationale des Coopératives Agricoles du Sénégal). Ces coopératives sont des formes d’organisation adaptées au paysannat sénégalais. Elles permettaient par le passé une distribution réussie des intrants agricoles et des semences ;
-Moderniser les exploitations agricoles en faisant appel aux jeunes diplômés et à la diaspora. C’est avec de telles exploitations que la modernisation de l’agriculture est plus facile. La CCPA (Cadre de Concertation des Producteurs d’Arachide) fait un travail intéressant dans le bassin arachidier ;
-Appuyer la NOVASEN pour la reconstitution du capital semencier de l’arachide de bouche afin que sa production redémarre. La culture de cette variété d’arachide est plus rentable que les autres. La NOVASEN a un savoir faire indéniable dans la culture et la commercialisation de l’arachide de bouche qu’il convient de préserver.
De façon générale, la production d’arachide moins riche en huile est plus rentable. La recherche de variété riche en protéines et pauvre en huile est à encourager. C’est un travail que peut porter l’ISRA.
b. Les semences et les intrants
Pour booster la filière arachidière, il faut des semences et des intrants de qualité avec un système de distribution fiable. Pour y arriver, il est nécessaire de :
-Produire des semences certifiées en quantité suffisante et mettre un terme à l’utilisation de graines d’huilerie à des fins de semences. Ces semences inappropriées utilisées par les producteurs depuis plusieurs années sont à l’origine de la double baisse des rendements et des revenus des producteurs d’arachide ;
-Confier la multiplication de semences certifiées à des privés et organisations paysannes travaillant de concert avec l’ISRA, seul organisme compétent à produire les pré-bases et les bases.
A cet égard, il est nécessaire de renforcer les capacités dans la formation des agents de l’ISRA, des agents de développement et des producteurs/multiplicateurs de semences. L’ISRA doit être doté en infrastructures pour assurer la durabilité du système de production de semences certifiées. Il urge que les centres régionaux de l’ISRA tel que celui de Kaolack rouvrent. Il n’est pas acceptable que de tels centres restent fermés ;
-Sauvegarder l’unité nationale de production d’engrais. Dès le mois de mai l’engrais doit être acheminé dans les communautés et communes rurales en quantité suffisante et à temps. La culture d’arachide sans engrais est inenvisageable actuellement. L’Etat doit accorder la plus grande attention aux Industries Chimiques du Sénégal (ICS) pour anticiper tout problème pouvant compromettre l’avenir de cette industrie stratégique pour notre agriculture :
-Renouveler le matériel agricole vieillissant et obsolescent. Des semoirs, houes et charrettes doivent être mis en vente permanente dans les capitales départementales au moins, subventionnés ou non ;
-La mécanisation de l’agriculture entamée avec la GOANA doit se poursuivre. Les agriculteurs sont demandeurs de tracteurs, de motoculteurs, de moissonneuses batteuses, de presses indiennes. L’Etat pourrait supprimer ou diminuer les subventions et exonérer le matériel agricole importé ;
-Réorganiser les commissions de distribution d’intrants qui doivent fonctionner sur la base de procédures claires et non de façon informelle comme c’est le cas actuellement. L’Etat perd beaucoup d’argent à cause de la non transparence des opérations de distribution de matériel, d’intrants et de semences. L’autosatisfaction des commissaires distributeurs ne doit plus suffire pour apprécier positivement la distribution des intrants, semences et matériel. Un système de contrôle pendant et après les distributions doit être mis en place impérativement ;
-L’Etat et les différents acteurs doivent ambitionner à court terme la professionnalisation de la filière arachidière dans toutes ses composantes et pour tous ses produits. Un des nombreux handicaps de la filière arachidière est sa mauvaise organisation à tous les niveaux et au fonctionnement informel des différents maillons qui la composent La faisabilité de cette professionnalisation peut être abordée lors des états généraux de l’arachide ;
c. La commercialisation
La commercialisation est le maillon faible de la filière arachidière. Des changements sont nécessaires pour sa relance de façon durable :
– La campagne de commercialisation de l’arachide montre clairement qu’il est temps d’évaluer le fonctionnement de la SUNEOR par rapport au cahier des charges de la privatisation de la SONACOS.
Tout semble indiquer que la SUNEOR ne respecte pas ses engagements et si c’est le cas, l’Etat doit reconsidérer la vente de la SONACOS ou la renégocier ;
-L’Etat doit envisager de retirer à la SUNEOR sa licence d’importation d’huile ou tout au moins l’assortir de conditions précises d’achat de la production nationale d’arachides. Cette licence pourrait en effet être la cause du désintérêt apparent de l’huilier de la filière arachidière ;
-L’Etat doit imposer à la SUNEOR l’obligation de préserver, de maintenir et de moderniser les installations industrielles qu’elle a héritées de la SONACOS. Un danger réel de dégradation plane sur ces installations qui sont un patrimoine national. Une évaluation de l’état de ce patrimoine en danger est une nécessité urgente ;
-L’Etat doit arrêter la subvention de l’achat de l’arachide ou revoir sa méthode d’intervention. La commercialisation de l’arachide est perturbée par cette subvention qui limite en plus le tonnage trituré par les huiliers. Elle semble faire plus l’affaire des huiliers que celle des producteurs et OPS. Les subventions devraient être orientées vers les facteurs de production : matériel agricole, semences certifiées ;
-Le choix des opérateurs doit être revu et mieux défini. Un OPS doit être crédible et avoir des moyens financiers suffisants lui permettant de faire le travail pour lequel il a été agréé. Les conditions d’agrément des opérateurs privés stockeurs doivent être revues et corrigées. Il doit être précisé dans le contrat d’agrément de l’OPS le nombre et le lieu d’implantation des points de collectes ;
-Les points de collecte doivent être connus et choisis dès le mois d’octobre. Ils doivent au minimum correspondre aux seccos traditionnels des communautés rurales dans le bassin arachidier. Un bon choix des points de collecte et en nombre suffisant peut permettre d’avoir une bonne campagne de commercialisation ;
-Les camions transporteurs d’arachide doivent faire l’objet de contrôle par les gendarmes. Ils doivent être munis d’un document officiel portant le cachet et la signature du chef de village hébergeant le point de collecte considéré ;
-Les opérateurs doivent payer les producteurs dès qu’ils prennent possession de leurs graines. Les « bons » doivent être bannis et interdits ; le non- respect de cette disposition pouvant entrainer la perte de l’agrément ; en contrepartie ils doivent pouvoir bénéficier d’un crédit de campagne adéquat auprès des banques locales;
-Les huiliers doivent eux aussi payer les opérateurs au plus tard une semaine après la réception de leurs graines. Tout manquement à cette disposition doit entrainer un paiement de pénalité proportionnelle aux préjudices subis par l’opérateur. En contrepartie, les huiliers doivent pouvoir bénéficier de crédits de campagne adéquats auprès des banques locales ;
-Les huiliers doivent prendre toutes les dispositions pour que le déchargement des graines se fasse dans un délai compatible avec la rentabilité du métier de transporteur. En cas de non respect de cette disposition, des compensations seront versées journellement aux camionneurs ;
-L’Etat doit jouer son rôle d’arbitre et de garant des accords entre Producteurs et OPS, entre OPS et huiliers et entre OPS, transporteurs et huiliers. Les contrats liant les acteurs de la filière doivent être signés dès le mois de novembre ;
-L’Etat doit éviter les réformes insuffisamment étudiées, faites dans l’urgence et la précipitation, pour mettre en place des structures fiables et durables, avec des financements appropriés, en accord avec les banques de la place. La suppression de la SONAGRAINES est un exemple de réforme précipitée ;
-Les campagnes de commercialisation de l’arachide trop longues sont à éviter pour des raisons techniques (dégradation de la qualité de l’huile, attaque parasitaire des graines) et parce que le coût du financement du monde rural est trop élevé. L’Etat doit encourager les banques locales et les systèmes de micro crédit tel que le CMS (Crédit Mutuel du Sénégal), à intervenir massivement dans les questions de développement rural particulièrement dans le secteur stratégique de l’arachide ;
-La contractualisation de la commercialisation de l’arachide comme c’est le cas à la SODEFITEX ou à la SOCAS sont des pistes de réflexion à explorer. Les états généraux de l’arachide pourront être l’occasion de réfléchir sur cette perspective
d. L’impact environnemental de la culture de l’arachide
La protection de l’environnement est essentielle pour l’avenir de l’humanité. Les agriculteurs doivent savoir que :
-Il est interdit d’abattre des arbres sous prétexte que l’on cultive de l’arachide ou autres choses. Le service des Eaux et Forêts veille déjà au respect de cette disposition ;
-Le défrichement ne doit plus être total, mais partiel. Cette nouvelle pratique doit être vulgarisée pour toutes les cultures. Certaines ONG y travaillent dans le bassin arachidier ;
-A chaque fois que c’est possible la jachère doit être pratiquée. Elle permet la reconstitution du sol et évite l’érosion due aux vents et aux pluies ;
-Les feux de brousse et le défrichement par brulis doivent être prohibés. Des comités de sensibilisation contre ces pratiques doivent être installés dans tous les villages avec l’encadrement du service des Eaux et Forêts. Cette recommandation est déjà en application dans beaucoup de villages dans le pays ;
-L’amélioration de la productivité de la filière nécessite la maîtrise de l’eau, la définition et la mise en œuvre d’une stratégie adéquate de reconstitution du capital semencier certifié, la restauration et la préservation de la capacité productive des sols. C’est pourquoi l’Etat, en rapport avec les collectivités locales, doit continuer à promouvoir le développement de la petite irrigation.
e. Les aflatoxines et les allergies
Réduire le taux d’aflatoxines dans les produits arachidiers consommés est une nécessité pour des raisons de santé publique. Pour y arriver :
-Les producteurs doivent appliquer une bonne pratique agricole. Une sensibilisation des agriculteurs à cette pratique est une impérieuse nécessité. A cet égard, l’Etat peut s’appuyer sur l’ISRA, l’ANCAR et les universités ;
-Les conditions de production de l’huile artisanale doivent être codifiées et réglementées pour limiter son taux d’aflatoxines. L’élimination des graines contaminées par un tri préalable doit être systématique comme cela se faisait avant. L’encadrement de l’ITA (Institut de Technologie Alimentaire) et de tout autre organisme comme les Universités pour les presses artisanales, indiennes ou autres, est à encourager et à appuyer ;
-Sensibiliser les consommateurs sur les manifestations de l’allergie à l’arachide. Ces manifestations apparaissent souvent sous forme d’urticaire et il est alors recommandé d’arrêter de consommer les cacahouètes ou ses dérivés autres que l’huile.
IV CONCLUSION
Les Sénégalais et à leur tête l’Etat, doivent se féliciter de l’introduction par le colonisateur de l’arachide dans notre pays. Ce produit intégrateur économique et stabilisateur social est aussi un excellent aliment.
Certes la commercialisation arachidière de 2011 est médiocre mais il y une certaine prospérité en milieu rural du simple fait que les récoltes d’arachide sont bonnes cette année. Même si les paysans vendent leurs graines à des prix inférieurs à celui des OPS, ils arrivent à régler leurs problèmes.
Globalement l’économie est tirée actuellement par l’arachide malgré une campagne de commercialisation décevante.
La paix sociale actuelle, bien perceptible en milieu rural, est imputable à l’arachide qui a permis aux paysans de supporter relativement mieux la hausse des denrées de première nécessité que certains citadins. C’est un facteur de stabilisation sociale.
L’arachide est un aliment très nourrissant. Il participe efficacement à la lutte contre la malnutrition surtout au niveau des enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées. L’arachide est un excellent produit de lutte contre la malnutrition.
L’arachide, grâce à ses fanes et à ses tourteaux, contribue au développement de l’élevage dans tout le pays. L’importante production de cette année a permis de mettre sur le marché d’énormes quantités de fanes et de tourteaux à bons prix. L’élevage est ainsi boosté et l’éleveur plus prospère.
Il est juste aussi de souligner que beaucoup de graines et de dérivés d’arachide contiennent des aflatoxines qui sont toxiques et cancérigènes.
Cependant une bonne pratique agricole, en matière de culture, de conservation et de transformation de l’arachide, peut permettre de ramener les taux d’aflatoxines à des niveaux conformes aux normes du Codex Alimentarius.
Il est également utile de rappeler que l’arachide n’est pas le seul produit agricole contenant des aflatoxines. Les légumineuses telles que le niébé et les céréales mal conservées, surtout le maïs, peuvent contenir autant d’aflatoxine que l’arachide.
Première filière agricole du Sénégal, l’arachide a été et doit rester notre or. Son redressement est une nécessité pour toute politique ayant l’ambition de faire du Sénégal un pays émergent puis développé.
Si l’arachide n’existait pas, le Sénégal l’aurait sûrement créée. »
Professeur Demba Sow
Ancien député
Ancien Président de la Commission
du Développement Rural du l’ex CES
[email protected]
merci des recommandations et de l’analyse pertinente des problèmes que rencontrent la filière arachidière