Au Sénégal, la prévalence du Vih/Sida dans la population carcérale qui compte environ 7 500 détenus est de 2,7 %. Un taux largement supérieur à la moyenne nationale qui est de 0,7 %. C’est ainsi que ce milieu carcéral constitue, à côté des usagers de drogue, une préoccupation particulière pour les autorités sénégalaises dans le cadre de la lutte contre le Vih/Sida.
La problématique du Vih/Sida en milieu carcéral est devenue une priorité, comme l’indique l’approche multisectorielle du plan stratégique national 2007-2011 dans le cadre de la lutte contre le Vih/Sida. De plus, les détenus, surtout 16,3 % des 7 247 personnes écrouées dans la région de Dakar, le sont pour fait de chanvre indien avec 12,5 % pour détention et 3,7 % pour trafic. Pour les drogues de synthèse, elles représentent 0,75 % des motifs d’écrou avec 0,27 % pour trafic et 0,48 % pour usage.
Président hier l’atelier d’information et de plaidoyer pour la prévention du Vih/Sida chez les détenus et les usagers de drogues, le ministre de la Justice, Me El Hadji Amadou Sall, appelle à la contribution de tous les segments compte tenu des comportements à risque qui caractérisent ces populations que constituent les détenus et les usagers de drogue. De son avis, cette cible mérite une vigilance particulière. Et d’inviter les acteurs de la lutte à travailler pour que ce taux de prévalence revienne à hauteur de la moyenne nationale.
Le drame est que cette nouvelle population de détenus et d’usagers de drogue est peu visible dans le système de soins. ‘Tant dans les services des maladies infectieuses que dans les services de psychiatrie, il est exceptionnel qu’un usager de drogue par voie intraveineuse soit hospitalisé’, fait remarquer le Docteur Mady Bâ, conseiller technique numéro au ministère de la Santé et de la Prévention. Face à la redoutable capacité de transmission du Vih par l’injection, le Dr Bâ préconise une intervention précoce dans notre pays pour éviter une escalade de l’épidémie.
En effet, une enquête menée par le Conseil international de lutte contre la drogue (Cild) en 2004-2005, et non encore publiée, confirme la diffusion de l’usage de la cocaïne/crack et de l’héroïne ainsi que le recours à la voie intraveineuse dans plusieurs régions du pays. ‘La consommation des drogues semi-synthétiques (héroïne, crack et cocaïne) connaît une nette augmentation par rapport aux années passées. Le schéma traditionnel de consommation de la drogue concernait principalement les régions de Dakar, Kaolack et Ziguinchor. Mais les enquêtes ont révélé, non seulement une dissémination de la consommation dans les autres régions (Thiès, Tambacounda et Kolda), mais aussi, un usage grandissant de l’héroïne et de la cocaïne dans les autres régions.’
Les auteurs du rapport constatent que ‘… le mode de consommation par injection est devenu très familier au Sénégal, surtout avec l’héroïne et la cocaïne. Quant au crack, il est fumé généralement. En utilisant l’injection comme mode de consommation, beaucoup partagent leurs seringues, surtout dans les milieux à risques. Cette situation est liée à la pauvreté de certains consommateurs, mais cette attitude est aussi liée pour la plupart à une habitude de consommation collective. Certains ne partagent pas les seringues, mais une grande partie font un usage collectif de la seringue en consommant de la drogue…’. Le rapport conclut que ‘la propagation de l’injection de drogues par voie intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée dans les régions de Dakar, Thiès et Ziguinchor est extrêmement préoccupante, d’autant qu’il n’existe pas un programme spécifique de prévention de l’abus des drogues en lien avec le Vih/Sida au Sénégal’.
Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (Onudc), l’Afrique de l’Ouest est devenue une plaque tournante du trafic de stupéfiants et de la cocaïne. Selon Margarète Molnar, conseillère Vih/Sida au Bureau régional de l’Onudc pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre basé à Dakar, les études de base faites au niveau de la moitié des pays de la sous-région ont révélé que la consommation de drogue est très élevée chez les usagers que l’on trouve dans les ghettos. ‘Les enquêtes sur le terrain sont assez impressionnantes lorsque l’on interroge les usagers de drogue’, révèle Mme Molnar qui répondait aux interpellations des journalistes.
walf.sn