Milieu de la mode et du mannequinat : Sadiya Guèye enfonce l’aiguille dans les plaies

C’est sans détour que la directrice du Complexe Sadiya, la styliste de renommée internationale Sadiya Guèye s’est prononcée vendredi dernier sur les maux qui minent la corporation du mannequinat au Sénégal. C’était lors d’un point de presse qu’elle a donné dans son établissement, pour fustiger les dérives du métier et appeler à une réorganisation sous la houlette des autorités de tutelle. Par Gilles Arsène TCHEDJI

Ca chauffe toujours dans les couloirs du stylisme et de la mode au Sénégal. Après l’affaire Mame Faguéye Bâ qui n’a pas fini de défrayer la chronique, la sortie «inattendue et virulente», vendredi dernier dans les colonnes du journal Le Populaire, de la styliste Kadija Sy, qui dénonce «le manque d’égard des autorités vis-à-vis des stylistes», c’est au tour de l’ex-égérie de Yves St-Laurent, Sadiya Guèye, de monter au créneau, pour cette fois-ci mettre le doigt sur les tares du secteur de la mode et du mannequinat au pays de la téranga.
«Ici chez nous, les choses ne se font pas dans le secteur de la mode comme cela se devrait. Et je suis convaincue que la faute n’est pas totalement aux stylistes. Il faudrait surtout le soutien des autorités. Le Sénégal prétend être le carrefour de la mode en Afrique. Mais nous n’avons pas une saison de couture chez nous. Alors que cela se fait dans les pays développés qui doivent être notre référence», a affirmé Sadiya. Plaidant pour que «chaque année les autorités sénégalaises organisent une saison de la mode à l’instar de la rentrée littéraire et autres évènements culturels», la directrice du Complexe Sadiya indique que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, «il ne revient pas seulement aux acteurs du secteur de le penser et le faire. Il faut surtout la volonté politique et le concours de nos autorités qui doivent mettre sur pieds un comité et des cellules extérieures pour organiser ce genre de choses».
«Il nous est difficile pour nous stylistes de quitter nos ateliers pour faire ce que devraient faire dans leur bureau les autorités de tutelle», explique Sadiya. Et la styliste de poursuivre : «Lorsque vous organisez ici au Sénégal des défilés de mode, certains viennent pour regarder simplement les belles filles, d’autres pour regarder les modèles et rentrer chez eux. Mais personne pratiquement ne vient à la fin d’un défilé pour se procurer tel modèle parce que c’est joli. Pourtant tout le monde acclame à la fin. Et il faut savoir que personnellement je mets au moins 50 millions dans l’organisation d’un défilé.»
«Il faut que nous changeons ces habitudes», plaide l’ex-égérie de Yves St-Laurent, qui indique qu’ailleurs, «pendant qu’un défilé se fait, les invités ont les modèles qu’ils cochent et rachètent après. Ce qui fait que la mode occupe une place de choix». Elle souhaite également que soient organisés «des états généraux de la mode, du stylisme et du mannequinat au Sénégal».
Sadiya Guéye s’offusque également du «mauvais comportement de certaines filles mannequins, dont le comportement honore très peu la corporation». «Je suis la voix la mieux indiquée pour attirer l’attention sur certaines choses qui se passent dans ce pays et dans le mannequinat notamment ; j’ai été mannequin pendant de longues années… Il y a des mannequins qui ne pourront jamais défiler pour moi, car je ne supporte pas leurs agissements. Il y a des agences un peu partout maintenant, qui placent les filles n’importe comment pour des défilés et après les défilés ces filles servent à autre chose», dénonce la directrice de l’Institut de mode et de beauté, Sadiya. Pour y remédier, elle formule quelques conseils : «Il faut que les filles se prennent plus au sérieux. Jusque-là, je ne suis pas parvenue ici au Sénégal, à me faire comprendre sur ce problème des filles qui après le défilé se jettent dans les bras du premier venu. Les créateurs ne doivent pas aussi prendre les jeunes filles et après les soirées en faire autre chose. Une fille qui défile dans les habits de Sadiya et à qui un homme ose dire, j’étais avec elle l’autre soir après le défilé, cela me fera très mal. Il faut vite corriger les choses…»
Auparavant, la styliste sénégalaise de renommée internationale, dans l’optique de faire découvrir la diversité de ses nouveaux produits et ses dernières créations, a présenté à la presse un film de son dernier défilé tenu le 29 mai dernier dans le cadre du Salon international du tourisme (Tica). Il s’agit de vêtements inspirés du «primitif», ainsi que des boubous modernes et traditionnels, réalisés notamment avec le pagne tissé, la teinture et des objets de récupération pour ce qui est des colliers. Une présentation à l’issue de laquelle Sadiya Guèye porte un regard critique sur les créations sénégalaises en général : «Les stylistes du Sénégal ont beaucoup de talent. Mais il reste toujours un problème de finition qui se pose, y compris avec moi-même.»
En réalité, d’après Sadiya Guéye, au Sénégal, les stylistes ont besoin de la concurrence pour tendre vers la perfection. «Nous ne devons pas avoir peur de la concurrence. Elle doit nous permettre de nous remettre en question pour nous améliorer. Et les critiques doivent toujours nous édifier et nous amener à accepter que tout le monde ne voit pas les choses comme nous», conclut-elle.
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