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Mimran, Abass Jaber : entrepreneurs de première nécessité

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Il y a le panier de la ménagère et celui des politiques, mais tous se retrouvent au marché. Les premières devant les étals ; les autres devant les urnes. Il y a quelques semaines, le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse a déclaré que la promesse d’une baisse des prix des denrées de première nécessité était quasiment impossible. Cette polémique est à la confluence des défis qui se posent à deux fleurons de l’industrie sénégalaise. Sénégalaise ? Pas si sûr….

Le ministre du Commerce, El Hadj Malick Gackou, numéro deux de l’Alliance des forces de progrès (AFP), avait démissionné avec fracas du gouvernement pour des divergences (avec le Premier ministre) à propos de stratégies pertinentes mieux à même de réaliser une des plus fortes promesses électorales, dans un contexte de libéralisation des prix. Comment faire pour baisser les prix ? Vaste programme… C’est l’un des plus lourds contentieux politico-économiques de la « gouvernance Macky Sall ».

Ces temps-ci, la presse n’a de cesse d’évoquer les (longues) audiences accordées par Macky Sall à Diagna Ndiaye (administrateur de la CSS). Mystère et boule de gomme à propos de la teneur de leurs entretiens, mais il est évident que la situation du fleuron industriel de la Vallée du fleuve, à Richard-Toll, n’était pas loin des débats. Autre dossier, la Suneor, nouveau nom de la Sonacos, principale productrice d’huile d’arachide au Sénégal, attribuée Abass Jaber (un proche de Karim Wade), vocifère car les paysans ont préféré vendre à d’autres leurs graines. Depuis, les deux entreprises ont, pour l’un, des difficultés d’écoulement ; pour l’autre, des manquants d’intrants. Cherchez l’erreur !

LES BARONS DE RICHARD-TOLL

La Compagnie sucrière sénégalaise vocifère depuis deux mois car faisant face à des stocks invendus : 42.000 tonnes, selon leurs chiffres en attente dans ses gites des bords de la Taouey, sur les rives du fleuve Sénégal. Motif ? Des importateurs ont inondé le marché de milliers de tonnes de sucre après une décision gouvernementale d’autoriser ce type d’importation. Naturellement, les cours ont été revus à la baisse, ce qui n’agrée pas les barons de Richard-Toll.

Question économique de base, malgré les impôts, taxes, coûts de transport, des importateurs parviennent-ils à se faire du…sucre devant une industrie « locale » ? C’est la sempiternelle question des monopoles : elles tuent l’économie. Au début des années 1990, le groupe de presse « Sud Communication » avait soulevé le lièvre de la qualité du sucre proposé (sa polarisation) par ce puissant groupe. Un très médiatisé procès s’en était suivi et les journalistes avaient été condamnés avant une médiation au plus haut sommet de l’Etat.

La Compagnie Sucrière Sénégalaise fait certes partie des plus gros investisseurs au Sénégal dont plus de 100 milliards de Francs Cfa à ses débuts, selon ses chiffres officiels. Elle est également le premier employeur privé du Sénégal, selon elle, avec environ 5000 salariés pour une masse salariale annuelle de 12 milliards de Francs Cfa, certes, mais, en face, 13 millions de consommateurs se demandent pourquoi devraient-ils continuer à subir ce qui est pire qu’un monopole.

Mieux, cette entreprise, qui « la fierté du pays » ne dit pas toujours le ratio permanents/saisonniers de ceux qui passent à la caisse en quinzaine. Or, ce sont ses arguments-massues. « Protégez-moi ou je mets à la porte 5000 pères famille » ! Et les autres 13 millions de sénégalais ? C’est une demande politique qui fait face à une préoccupation de profit.

L’investissement a été lourd, les infrastructures conséquentes et l’impact économique certain. Mais la question que l’on se pose, est de savoir pourquoi le bénéfice de quelques uns devrait aliéner le pouvoir d’achat du plus grand nombre. Il y a un lien évident entre les récriminations du groupe industriel et les volontés manifestes de faire baisser les prix du sucre.

LES FRONTIERES DE LA MORALE

Autre dossier, l’arachide. Il y a quelques années, les paysans trimaient et attendaient les subsides de leurs labeurs. C’est ce que la presse a retenu sous le vocable de « bons impayés ». En réalité, le système était organisé de telle sorte qu’une importe industrie, -la principale huilerie du Sénégal -, collectait des graines à travers des intermédiaires via les seccos, triturait et remboursait par la suite après avoir fait ses bénéfices. Mais comme dans tous les systèmes dérégulés, l’introduction de troisièmes intermédiaires à mis de…l’huile sur le feu. C’était le temps de la spéculation. Et les paysans-producteurs perdaient à tous les coups. Ce n’était plus seulement le regard anxieux vers le ciel, attendant d’hypothétiques ondées, mais l’attente d’Opérateurs privés Spéciaux (Ops), qui devaient venir leur délivrer quelques billets alors qu’ils n’avaient reçu auparavant que des « bons ». Bons ? Bon pour qui ?

Mais patatras, avec une nouvelle stratégie – ne sachant que faire face à la forte demande sociale-, le gouvernement décide de les prendre au mot. Libéralisme pour libéralisme, allons y ! Bien sûr, comme de coutume, un prix au producteur est fixé : 195 F/Kg. Mais un nouveau marché émerge : la Chine. Eux ne lésinent pas sur les moyens et ont besoin des graines d’arachides pour leurs industries émergentes, surtout celles alimentaires et cosmétiques. Ainsi, en 2012/2013, « les chinois » proposaient dans les régions de Kaolack, Kaffrine, Diourbel et Tambacounda jusqu’à 300 F/Kg ; ce qui a naturellement détourné les producteurs du monopole de la Suneor –ancienne Sonacos.

Les trois grandes industries d’huile du Sénégal (Suneor, Novasen et Cait) ont ainsi dénoncé le fait qu’elles aient reçu « très peu » de graines. Leurs cris d’orfraie évoquent des menaces sur des emplois et d’évidentes impossibilités à réconforter les services des impôts. C’est comme si le libéralisme ne devrait profiter qu’à ceux qui en profitent.

Pris à leur propre jeu, certains capitaines d’industrie, au lieu de s’adapter, voire de développer des attitudes citoyennes, agitent des chiffons rouges, qui, in fine, ne font peur à personne. Ils dénoncent une concurrence déloyale d’étrangers présents sur le marché et qui appliqueraient des prix spéculatifs supérieurs à ceux proposés par l’Etat. Mieux, ils demandent la fermeture des frontières. Où sont les frontières de la morale dans cette affaire ?

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