Originaire de la Casamance, Mme Cira Gnamé Touré fait partie des premières femmes libérales du pays. Secrétaire générale du 6ème secteur de Créteil, à Paris, Mme Cira Gnamé Touré est une militante de la première heure qui réclame une place légitime au sein des instances dirigeantes du Parti démocratique Sénégalais (Pds). Une revendication qui devrait pouvoir aboutir quand on sait que cette dame fut la toute première femme – ou, en tout cas, une des toutes premières femmes — chauffeur au volant d’un cortège du Pds de Me Wade durant les chaudes années du Sopi. Il a fallu dix ans après l’avènement de l’alternance pour que Mme Cira Gnamé Touré sorte de son silence. Outre les vieux souvenirs, elle nous parle, à travers cette interview exclusive, de la démobilisation et de la démoralisation au sein de la Fédération Pds de France presque inexistante, et, surtout, de la redynamisation des secteurs de Paris en vue de la présidentielle de 2012. Entretien…
– Le Témoin : Mme Touré, en votre qualité de militante de la première heure, pouvez-vous nous faire la comparaison entre le Pds des années du Sopi et celui de l’alternance ?
– Cira Gnamé Touré : C’est avec plaisir et passion que j’aime parler du Pds des années Sopi, c’est-à-dire des temps de braises. En effet, à l’époque, ce n’était pas facile d’être un militant du Pds et surtout d’être un proche de Me Abdoulaye Wade, le farouche apposant d’alors. Donc, il n’était pas facile de sacrifier une vie dorée pour un combat politique contre le puissant parti au pouvoir. Des bourses d’études, des aides sociales et des dons de livres, mes enfants n’en bénéficiaient pas ! Dans toutes les administrations, les demandes de mes enfants étaient classées sans suite parce que j’étais une militante active du Pds. Je n’étais pas la seule puisque la plupart des responsables des années Sopi étaient dans cette même situation. Même une petite aide sociale au niveau du Conseil régional de Dakar ou de Ziguinchor, mes enfants élèves n’en bénéficiaient pas à cause de ma proximité avec Me Wade. Aujourd’hui, je n’en veux pas au régime socialiste du fait que nous étions dans l’arène politique où tous les coups étaient permis. Je voulais seulement vous montrer que nous avions consenti beaucoup de sacrifices pour combattre aux cotés de Me Abdoulaye Wade afin que le Sopi soit une réalité. Et fort heureusement, aujourd’hui, le Sopi est devenu une réalité. D’où l’alternance. Pour en revenir à votre question, faire la comparaison entre le Pds des années Sopi et celui de l’alternance n’est pas une chose aisée. Seulement, il est regrettable qu’aujourd’hui des gens rallient le Pds pour des intérêts personnels pour ne pas dire des intérêts financiers alors que nous, les militants d’alors, nous menions un combat politique voire un combat collectif pour l’intérêt général du Sénégal qui passait par la victoire du Pds. Mes camarades de parti ne me démentiront pas puisqu’il n’y avait pas à l’époque de l’argent (fonds politiques) pouvant nous retenir dans le Pds. Nous étions seulement mus par une conviction et une passion pour le Pds. Nous croyions au Sopi ! Certes, le Pds, comme tous les partis au pouvoir, doit s’élargir et faire sa mutation avec l’arrivée de nouveaux militants. Et ces militants, nous devons les accueillir à bras ouverts. Mais cela ne veut pas dire qu’ils doivent venir pour bousculer la hiérarchie du parti et chasser les militants authentiques. Aujourd’hui, c’est ce qui se passe au niveau de la fédération Pds de France dont les militants libéraux démissionnent en cascade à cause d’une bande de copains voire d’un groupe d’imposteurs en quête de représentativité. Il y avait 22 membres au niveau du bureau de la Fédération, aujourd’hui il n’en reste plus que cinq. Les autres ont tous démissionné. En réalité, ceux qui dirigent la fédération Pds de France n’ont pas de poids électoral. Et c’est dommage pour le parti…
– Justement, il paraît que le président Wade aurait dissous la Fédération Pds de France à la suite de tiraillements et autres détournements de fonds… N’est-ce pas ?
– Dissoudre ? Peut-être que le mot est exagéré pour qualifier les mesures disciplinaires que le président Wade a prises contre la Fédération Pds de France. Et comme je compte répondre sans détours à vos questions, je vais vous révéler l’information. Tenez ! Lors de son dernier séjour à Paris, le 16 juillet dernier, le président avait reçu les membres du bureau de la Fédération Pds de France. Je faisais partie de cette délégation. Le président Wade a clairement déclaré qu’il ne reconnaît plus M. Amadou Ciré Sall comme étant le secrétaire général de la Fédération Pds de France. Mieux, il a souligné qu’il ne reconnaît également plus le bureau de la Fédération Pds de France. Me Wade nous a déclaré les yeux dans les yeux qu’il ne reconnaît que les secteurs voire la base. Cela veut dire que le bureau et les sections de la fédération Pds de France n’existent plus dès lors que le président Wade ne les reconnaît plus. Au cours de cette réunion, le président Wade nous a conseillés d’aller travailler dans les secteurs pour remobiliser la base. Déjà, nous y sommes ! Allez à Nice, Aminata Tandian, la sœur de l’imprimeur Baba Tandian, est en train de faire un excellent travail de mobilisation au niveau de son secteur. Notre frère Massane Dibane avec sa célèbre cellule de massification dénommée «Camps-Pds» implantée partout dans Paris, en fait de même. Inutile de vous dire que les gens ont vivement applaudi le président de la République pour avoir pris cette décision courageuse visant à reprendre en main la fédération Pds de France. Et lors de cette réunion, Me Abdoulaye Wade a revisité l’histoire de cette fédération dont les militants d’alors que nous sommes, travaillaient dans les secteurs pour redynamiser les structures et mobiliser les militants. À l’époque, on sillonnait la France des profondeurs pour remobiliser les secteurs regroupant la base. En souvenir de cette époque, le Président nous a dit qu’il va restructurer la fédération Pds de France à l’image de celle de 1974.
– Mais qu’est-ce qui explique cette crise profonde qui secoue la Fédération au point que toutes les activités politiques ont été suspendues par Me Wade?
– Des problèmes d’argent, rien que des problèmes d’argent ! Certains responsables ont profité des fonds politiques destinés à la base pour s’enrichir. Nous l’avions dénoncé lors du séjour du président de la République. Parce que les fonds destinés à la mobilisation et à la vie du parti en France sont gérés par une bande d’imposteurs. Les militants, les vrais militants de base, sont écartés de la gestion financière de la fédération Pds de France. La preuve, lors de la réunion du 16 juillet avec le Secrétaire général national, nous avions posé le problème du manque de moyens au niveau des 200 secteurs de France. Ce qui est normal puisque le peu de moyens est accaparé par certains membres du bureau. Pour résoudre ce problème, le Président nous a suggéré de faire des projets de budget. Et dès le lendemain, une soi-disante responsable de la coordination des femmes a expressément convoqué un petit «mbotaye » pour ficeler un budget dans l’espoir d’avoir des financements de la part de Me Wade. Vous voyez comment les gens sont malhonnêtes ! Pis, nous sommes dans une période où presque tous les grands responsables sont partis en vacances. De même que les militants. Donc comment peut-on mobiliser une section voire une commission des finances dans une telle période en moins de 72 h après le départ de Me Wade ? C’est de la malhonnêteté politique qui ne peut que porter préjudice au Pds ! À ce rythme, nous souhaiterons même une dissolution de la fédération Pds de France pour l’intérêt du parti. Parce que, encore une fois, cette fédération n’est plus ce qu’elle était. Il faudra demander aux premiers émigrés libéraux des années 70, ils vous diront que la fédération Pds de France a été toujours une aile influente et stratégique du Pds à l’extérieur.
– On connaissait Cira Gnamé comme étant la toute première femme chauffeur au Pds, pouvez-nous nous expliquer cette aventure ?
– Effectivement, je suis la première femme chauffeur au Pds. Un travail de militant que je faisais avec beaucoup de passion pour le compte de Me Wade. De 1980 jusqu’à 1995, j’étais la seule femme au volant dans tous les cortèges de l’opposant Me Abdoulaye Wade. Je prenais mon propre véhicule de marque «Mitsubishi Galant» pour sillonner le Sénégal avec le Pds de Me Wade. À bord, je transportais gracieusement les responsables politiques. Je parle sous le contrôle de Me Ousmane Ngom, Jean-Paul Dias, Mme Aminata Tall etc… D’ailleurs c’est une occasion de remercier Mme Aminata Tall qui m’avait beaucoup aidé durant certains voyages. Je me souviens qu’à l’époque, mon véhicule était tombé en panne sur la route de Diourbel alors qu’on partait à un meeting. Ce jour-là, c’est Mme Aminata Tall qui m’avait donné de l’argent pour remorquer ma «Mitsubishi Galant» jusqu’à Dakar. Un geste que je n’oublierai jamais. Il me plait aussi de rappeler ce voyage des responsables du journal Sopi que Me Wade avait invités à Paris. Il s’agissait de Jean-Paul Dias et Mamadou Oumar Ndiaye (Ndlr : notre dirpub). Ce jour-là, j’ai payé mon propre billet d’avion pour aller à Paris et assister à cette conférence de presse de Me Wade. Jean-Paul Dias et Mamadou Oumar Ndiaye vous le confirmeront puisque nous nous étions retrouvés dans l’avion. Je faisais aussi partie des militantes libérales emprisonnées pour la cause du Sopi. En 1984, lors d’une manifestation de Me Wade, j’avais été arrêtée et gardée à vue au camp Abdou Diassé. D’ailleurs, ma photo avait fait la «Une» de Jeune Afrique. Et si, aujourd’hui, je raconte tous ces souvenirs qui défilent dans ma mémoire, c’est pour vous prouver que j’ai consenti beaucoup de sacrifices pour le Pds. Même si je n’ai rien obtenu du Pds, il faut qu’on me rende ma place d’honneur.
– Est-ce que le président Wade parvient à vous reconnaître personnellement dans la masse?
– Ah, oui ! L’autre jour, à Paris, dès qu’il a reçu la délégation, il m’a immédiatement interpellé en ces termes «Ah ! Cira… Qu’est-ce tu es devenue? Et ta santé? Tu es toujours active dans le parti ?» Hélas, si Wade n’oublie jamais ses amis, ses collaborateurs-transhumants, eux, nous chassent.
– Comment préparez-vous la présidentielle 2010 en France?
– En mobilisant les 200 secteurs, en essayant de convaincre les compatriotes à élire le président Wade dès le premier tour…
– Attention, ce ne sera si facile que ça ! Parce que vous, citoyens sénégalais de France, vous ne vivez pas les délestages, les inondations et la cherté de la vie contrairement aux 10 millions de Sénégalais restés ici au pays…
– Mais la vie, elle est chère partout! Regardez les chaînes de télévisions françaises, tous les soirs vous voyez des inondations et des intempéries faisant plusieurs morts dans certaines régions de France. De même qu’aux Usa et autres pays du monde. Heureusement que le Sénégal ne connaît pas encore ces images macabres dues à des catastrophes naturelles.
– Les frères Touré Kounda vous ont dédié une célèbre chanson, qu’est-ce qui justifie ce morceau élogieux ?
– Je suis leur cousine, c’est pour cela qu’Ismaila et Sikhou m’ont chantée dans l’album intitulé «El Hadji Malick» en 1995. Je suis la sœur cadette de leur mère (même père et même mère). Donc c’est tout à fait normal qu’ils me dédient cette belle chanson « Malika Cira… Cira Bonita… Cira Gnamé » (Ndlr : Elle reprend les refrains de la chanson). Youssou Ndour aussi m’a chantée. Je suis également la première personne à organiser son concert à Ziguinchor ? C’était en 1982
(Le Témoin)
Propos recueillis par
Pape Ndiaye
Cette dame a raison,on ne voit les dirigeants du PDS qu’à la veille des élections.Et puis les immigrés ne sont pas représentés suffisamment dans les instances du parti,ni dans les instances dirigeantes du pays,c’est des laissez pour comptes.Alors qu’on peut apporter beaucoup de choses au Sénégal,notamment dans le domaine des relations internationales.
Merci madame pour cette leçon que tous les jeunes doivent lire. Tous ceux qui se sont battus pour Wade, ses comapgnons d’hier, il les a tous sacrifiés. Bon courage, celà doit te servir et servir à tous ceux qui seront encore tentés de supporter cet homme.
Cette histoire montre combien Wade est pris en otage, entouré qu’il est par des gens venus plus tard le rejoindre et prêts à tout pour l’éloigner de la réalité, de ce pourquoi il a été élu. Merci madame et bonne continuation.