De prime abord, il faudrait retenir que ce n’est pas une controverse entre le Directeur Général de la SENELEC et son Ministre de tutelle.
Mais qu’il s’agit bien d’une controverse entre la Direction de la SENELEC et de celle d’AKILEE autour de la « clause d’exclusivité » qui a été conférée à cette dernière dans un contrat de prestation.
Le fait que l’actuel Ministre de tutelle de la SENELEC et le nouveau Directeur Général de cette entreprise aient conféré, à travers le Conseil d’Administration de la société, cette exclusivité, ne devrait pas pour autant, faire de sa remise en cause par l’actuel Directeur Général, un contentieux entre la Direction Générale de la SENELEC et son Ministère de tutelle occupé par son prédécesseur.
lEn effet, en remettant en cause cette clause d’exclusivité, le DG de la SENELEC n’a enfreint aucune décision de son Ministre de tutelle, qui s’est abstenu de lui donner aucune directive dans ce contentieux, en respectant sa nature juridique de « Société anonyme à participation publique majoritaire »(État du Sénégal : 90,58% CDC : 9,42%), qui est régie par les dispositions de l’OHADA, qui ne reconnaissent aucune autorité dans la gestion de cette entreprise en dehors de son Conseil d’Administration.
En outre, le DG de la SENELEC n’a nulle part accusé son prédécesseur de malversation ou de violation de la Loi dans le contrat qui lie son entreprise avec AKILEE.
Donc, pourquoi veut –on voir dans ce contentieux, un conflit entre un Ministre de tutelle et une société sous sa tutelle, au point d’accuser le Président de la République de laisser pourrir cette situation dans le but inavoué de mettre fin aux prétentions attribuées à ce dernier à sa succession ?
Le Ministre de tutelle et le Président de la République, dans le respect des règles de l’OHADA, ne peuvent pas directement intervenir dans ce contentieux, au risque de se faire accuser d’ingérence !
En outre, la SENELEC, dans ce contentieux, est opposée à une société privée, AKILEE, dans laquelle elle détient 34% du Capital, et y dispose 44% de pouvoir de vote.
La question qui se pose donc est de savoir, pourquoi la Direction Générale de la SENELEC a voulu casser cette clause d’exclusivité dont bénéficie une entreprise dans laquelle elle a des intérêts notables, au profit d’une entreprise, dans laquelle, elle n’a aucun intérêt !
Surtout qu’avant AKILEE, la SEMELEC où la SENELEC détient 34% du Capital, avait bénéficié d’une clause d’exclusivité pour la fourniture de compteurs pour 10 ans, sans qu’il y ait eu un tel contentieux !
Toujours est –il, qu’ en tant que DG, les dispositions de l’OHADA l’autorisent à remettre en cause n’importe quelle clause incluse dans un contrat qui lie sa société à une autre, quelque soient leurs liens juridiques.
Cependant, les mêmes dispositions de l’OHADA l’obligent à recourir à un arbitrage, et non à une décision unilatérale de résiliation de la clause.
Le DG de la SENELEC devrait donc porter ce contentieux en arbitrage, au lieu d’essayer de la résoudre par voie médiatique.
C’est ce choix qui a mis son prédécesseur dans le contentieux, alors que le DG ne l’a pas accusé d’avoir violé la Loi en conférant cette exclusivité à AKILEE avec son accord, dans le cadre du Conseil d’Administration de l’entreprise, qui est seul habilité à légaliser une telle décision.
C’est cela qui a ouvert la porte aux adversaires politiques de son prédécesseur qui est promu Ministre disposant de sa tutelle, pour l’introduire dans ce contentieux, à son corps défendant.
Cependant, ce contentieux n’aurait pas pu exister, si le Directeur de la « Direction Centrale des Marchés publics » (DCMP) n’avait pas autorisé le DG de la SENELEC, à passer un autre marché de gré à gré, en violation de la clause d’exclusivité dont bénéficie AKILEE.
Cette autorisation de la DCMP qui viole la Loi sur les règles de passation des marchés publics, est savamment occultée dans cette controverse, alors qu’elle en est « l’alpha et l’oméga » !
Il aurait suffi qu’elle retire son autorisation pour se conformer à la Loi, et conditionner son rétablissement à la résolution du contentieux sur la clause d’exclusivité dont AKILEE bénéficie légalement, que la controverse, devenue sans objet, cesse, de même que cesse sa politisation pour atteindre le Ministre de tutelle de la SENELEC !
Le DG de la SENELEC serait ainsi mis en demeure, ou de respecter la clause d’exclusivité, ou de la contester devant l’organe d’arbitrage retenu de commun accord avec AKILEE dans le contrat qui les lie.
C’est faute de se conformer à la Loi, que le Directeur de la DCMP est ainsi parvenue à jeter le discrédit sur les organes délibérants de la SENELEC, et à créer les conditions de lutte à mort au sein du patronat Sénégalais regroupé au sein du CIS, obnubilé par l’appât du marché de 187 milliards de Frs CFA sur 10 ans qui est en jeu, et sur les perspectives de la restructuration de la SENELEC en « Holding », où les filiales de « Production » et de « Distribution » devront pouvoir s’ouvrir à une participation majoritaire du secteur privé, alors que la filiale « Transport » exercera les fonctions « d’Acheteur Unique » et « d’Opérateur Système », tout en exerçant, de ce fait, un contrôle public majoritaire sur le « Holding ».
Cette restructuration est appuyée par le « Millenium Challenge Corporation » des USA, à travers la mise en place « d’un compact » de 550 millions $, soit environ 275 milliards de Frs CFA !
C’est le contrôle de cet énorme marché public de 462 milliards de Frs CFA, qui met AKILEE en concurrence féroce avec des entreprises étrangères dans lesquelles la SENELEC n’a aucun intérêt financier, ni de pouvoir dans les prises de décision, comme POWERCOM, ENEL, HUAWEI, CLOU, SAGEMCOM, ENEDIS, ITRON, EL SEWEDY, CONLOG ,etc…
C’est cette féroce compétition autour de ce pactole de marché public de la SENELEC, qui a eu raison de l’espoir suscité chez les patriotes du Sénégal avec la création du CIS, pour pouvoir enfin positionner notre patronat dans la prise en charge des politiques publiques à côté de l’Etat.
Mais les anciens démons qui ont opposé la COFEGES et l’UNIGES dans les années 60 autour de l’enjeu du contrôle de notre Economie par les nationaux, y compris l’Etat, ou par le Capital étranger, ont réapparu dans ce contentieux SENELEC – AKILEE.
Ainsi, ceux qui, dans l’Administration et dans le secteur privé, dans l’opposition, dans la société civile et dans la presse, vivent des subsides du Capital étranger, ont créé un climat de discrédit sur le CIS, et ont occasionné la démission de certains de ses membres, sous prétexte que la Direction de celui-ci, a pris position pour AKILEE contre ses compétiteurs étrangers.
Ils ont exploité la faute des dirigeants du CIS de s’être ainsi comportés comme un « Syndicat patronal » qui défend les intérêts de ses membres, et non comme un « Club d’investisseurs » qui doit décider ensemble où investir et dans quelles conditions !
Il est donc temps, pour les autorités politiques de notre pays, de mette le Directeur de la DCMP devant ses responsabilités pour corriger sa faute administrative grave, ou de le démettre, pour que force reste à la Loi.
Par son attitude, il a encouragé le DG de la SENELEC à passer outre l’arbitrage requis par les règles de l’OHADA, pour remettre en cause les dispositions dûment établies d’un contrat entre son entreprise publique et une entreprise privée.
Le Ministre de l’Economie et des Finances dont dépend la DCMP, est fortement interpellé pour rappeler son Directeur à l’ordre !
La crédibilité de notre pays comme respectueux du Droit des Affaires, est ici en jeu !
Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Dakar le 23 Mai 2020
Mon opinion sur la controverse entre la SENELEC et AKILEE Autour d’un contrat! (Par Ibrahima Sène).
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