MONT-ROLLAND — « Voilà les dunes de la mort », lance Raymond Seck, un habitant du village sénégalais de Mont-Rolland, à 80 kilomètres au nord de Dakar, désignant des monticules de sable contaminé au plomb transférés dans le village et dont les populations exigent l’enlèvement.
« Tout le village est mobilisé pour que ce sable soit enlevé », affirme Raymond Seck, en face d’une cinquantaine de tas de sable déposé sur un ravin latéritique, au milieu d’un paysage vallonné, parsemé d’herbes et de baobabs.
« C’est en pleine nuit que des camions sont venus déposer ce sable qui a tué des gens à Dakar », insiste M. Seck, fixant le sable contenant des débris de batteries de véhicules.
Selon le conseil rural de Mont-Rolland, ce sable a été acheminé « en catimini » entre fin juin et début juillet dans ce village d’agriculteurs et de bergers.
Il a été retiré de Ngagne Diaw, quartier de la commune de Thiaroye (banlieue de Dakar), après avoir été à l’origine de la mort d’une vingtaine d’enfants intoxiqués au plomb en 2008, affecté la santé de nombreux adultes et contaminé les sols.
La contamination résultait d’activités de recyclage de batteries de véhicules pour en récupérer le plomb qui était ensuite revendu à des Indiens.
Les victimes de Ngagne Diaw souffraient notamment « d’affections gastro-intestinales et neuro-psychiatriques avec anxiété, irritabilité et agressivité », a dit à l’AFP Falilou Ndiaye, membre de l’Association des familles victimes du saturnisme (AFVS), une organisation basée à Paris.
A Mont-Rolland, le sable a été déposé sur un centre d’enfouissement technique (CET) inachevé et partiellement clôturé. Tout autour, des bergers font paître des troupeaux de boeufs au milieu des flaques d’eau de pluie.
« On ne peut pas sauver les gens de Ngagne Diaw pour empoisonner ceux de Mont-Rolland. Si l’Etat ne réagit pas, nous enlèverons ce sable, même si c’est avec des charrettes, pour le déposer sur une voie publique de Thiès », capitale régionale située à 15 km de Mont-Rolland, affirme le président du conseil rural du village, Yves-Lamine Ciss.
« Nous l’enlèverons même si c’est avec des brouettes », insiste Arona Touré, un étudiant d’un vingtaine d’années. Une marche de protestation a été organisée dans le village le 27 juillet.
Le ministre sénégalais de l’Environnement, Djibo Kâ, a récemment annoncé la décision de « transférer ce sable ailleurs » pour qu’il soit traité par une usine indienne située près de Dakar et spécialisée dans le recyclage de batteries de véhicules.
« Au plus tard lundi, le sable va commencer à être enlevé. Il sera ensuite traité même si c’est à l’extérieur du Sénégal », affirme à l’AFP un responsable du ministère de l’Environnement, sans préciser le lieu ni la forme de traitement.
Selon le ministère, ce sont 2.000 mètres cubes de sable qui ont été déposés à Mont-Rolland et dont la teneur en plomb, 1%, n’est pas dangereuse.
« Même si c’est 0,5% (de teneur en plomb), nous n’en voulons pas », rétorque Raymond Seck.
« Ce sable vient d’une zone de Ngagne Diaw où la teneur en plomb était de plus de 10%. Mais que ce soit 1% ou 5%, ce qui est dangereux avec le plomb, ce sont les effets cumulatifs » de l’exposition, dit Falilou Ndiaye.
Pour M. Ciss, le sable contaminé « est accessible aux troupeaux qui boivent l’eau et broutent l’herbe des alentours. Mont-Rolland est en outre une réserve d’eau pour le Sénégal et abrite des forages pour la société nationale des eaux (SDE) et une usine d’eau minérale. S’il y a contamination de la nappe phréatique, une bonne partie du pays sera atteinte ».
« L’Etat fait du dilatoire. Il n’a qu’à assumer son engagement d’enlever le sable » contaminé, dit-il.
afp