Le président d’Égypte Hosni Moubarak, confronté à un mouvement de contestation sans précédent et violent depuis dix jours, a dit jeudi qu’il souhaitait démissionner mais redoutait le chaos, à la veille de nouvelles manifestations de masse pour réclamer son départ immédiat.
Dans le même temps, les autorités optaient pour la manière forte en arrêtant sept jeunes leaders du mouvement de contestation après leur rencontre avec une figure de proue de l’opposition, Mohamed ElBaradei, selon leurs proches, au 10e jour d’une révolte qui risque de plonger l’Égypte dans le chaos.
Sur la place Tahrir, épicentre des protestations au Caire, des heurts ont eu lieu par intermittence entre partisans et opposants au régime, au moment où plus un média ne diffusait en soirée des images en direct depuis là-bas, probablement en raison des mesures d’intimidation du pouvoir.
Mais tard le soir, un calme tendu y prévalait. Des milliers de manifestants écoutaient des discours hostiles au président et campaient dans des tentes ou se réchauffaient autour de feux, se préparant à une nouvelle nuit à la belle étoile, selon un journaliste de l’AFP.
Les Frères musulmans, principale force d’opposition, ont pour leur part rejeté l’appel du vice-président Omar Souleimane au dialogue, qualifiant le régime «d’illégitime». «Ces appels n’influeront pas sur les rassemblements de masse prévus vendredi pour faire tomber le régime», a dit leur porte-parole.
Ces manifestations pour le «Jour du Départ» vendredi doivent se tenir à travers le pays après la prière musulmane hebdomadaire en début d’après-midi, pour appeler une nouvelle fois à la chute du régime de Moubarak, une majeur partie de l’opposition refusant l’arrêt de leur mouvement tant qu’il reste au pouvoir.
M. Moubarak a assuré qu’il en avait «assez d’être président et aimerait abandonner le pouvoir maintenant, mais qu’il ne pouvait le faire de peur que le pays ne sombre dans le chaos», a déclaré la journaliste de la chaîne américaine ABC Christiane Amanpour après l’avoir rencontré pendant 20 minutes au Caire.
Le président égyptien, dont l’annonce mardi qu’il ne briguerait pas un 6e mandat à la présidentielle de septembre n’a pas satisfait les protestataires, a aussi dit qu’il ne voulait pas voir «les Égyptiens se battre entre eux», selon Mme Amanpour, dont les propos étaient rapportés par ABC sur son site internet.
Il s’exprimait en présence de son fils Gamal, en affirmant que ce dernier n’avait jamais eu l’intention de se porter candidat à la présidentielle.
De violents heurts entre partisans et opposants au régime place Tahrir ont eu lieu mercredi et jeudi avant l’aube faisant au moins huit morts et plus de 830 blessés, selon un dernier bilan officiel. L’ONU a fait état de 300 morts lors de la première semaine de la contestation lancée le 25 janvier.
Le pouvoir a rejeté les accusations selon lesquelles il a orchestré la manifestation de ses partisans qui se sont affrontés avec les opposants, en montrant du doigt les Frères musulmans.
Dans l’après-midi, près de la place Tahrir, un étranger a été battu à mort selon des témoins et des services de secours.
Tout au long de la journée et malgré le couvre-feu nocturne, des centaines de partisans du régime armés de matraques, de couteaux et certains de pistolets, empêchaient l’entrée sur la place de renforts ou ravitaillement aux opposants qui y sont retranchés.
Quiconque tente de franchir leur barrage est accueilli par des insultes. «C’est interdit! On coupe la tête de celui qui va par là», hurle l’un d’eux. Il brandit un couteau de cuisine.
L’armée, épine dorsale du régime, surveille sans intervenir. Elle n’est intervenue que rarement pour disperser les protagonistes ou tenter de sauver les personnes agressées.
D’autres partisans du régime, postés sur le pont 6 octobre, ont lancé des pierres et des bouteilles incendiaires sur les protestataires anti-Moubarak au milieu de coups de feu sporadiques.
Des pavés et des bordures en pierre ont été utilisés comme projectiles et des barricades ont été érigées.
Entretemps, la liste des reporters arabes, européens et américains notamment, victimes ces derniers jours au Caire d’exactions, surtout de la part de personnes qui les accusent de déstabiliser le régime, ne cesse de s’allonger. L’Occident a dénoncé les attaques contre les médias.
Face à la situation alarmante, les dirigeants occidentaux maintiennent la pression sur M. Moubarak en appelant à une transition immédiate du pouvoir, alors que le président américain Barack Obama a dit prier pour «des jours meilleurs» en Égypte.
Le pouvoir égyptien a rejeté ces «ingérences».
La communauté internationale continue en outre d’aider ses ressortissants à quitter le pays.
Au pouvoir depuis 29 ans, M. Moubarak, 82 ans, est accusé de tous les maux dans ce pays de 80 millions d’habitants -pauvreté, chômage, privation de libertés et régime policier. Seul son départ satisferait les protestataires.
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