L’Apr n’a jamais, au niveau de ses instances, donné son aval pour que Bennoo puisse dicter ou dessiner les contours d’une candidature unique. Comme s’il était besoin de le rappeler, Moustapha Cissé Lô qui tient ce discours a tenu à préciser que Bennoo est juste un cadre de concertation et de mise en place de stratégies et de méthodes pour la conquête démocratique du pouvoir. Et non un parti politique.
Wal Fadjri : Le Pds, par la voix de Souleymane Ndéné Ndiaye, vous invite à revenir…
Moustapha Cissé Lô : J’ai dit et redit que je ne serai jamais du Pds et ceux qui sont dans ce parti, je ne les considère même pas. Je ne peux pas être dans un parti où l’on se permet d’exclure des députés de l’Assemblée nationale. J’ai aidé Wade parce que je croyais qu’il était un démocrate. Et aujourd’hui, je soutiens Macky Sall. Mais, si demain, il pose des actes antidémocratiques, je le quitte. Je suis libre et démocrate, c’est pourquoi je pense que Wade doit arrêter ses dérives qui peuvent conduire le Sénégal vers le chaos demain.
Wal Fadjri : La question de la candidature unique semble problématique au niveau de Bennoo. Quelle est la position de l’Apr par rapport à ce débat ?
Moustapha Cissé Lô : La position de l’Apr n’a pas varié d’un iota sur la question. Nous avons examiné les propositions liées à la candidature unique au sein de Bennoo et avons dit qu’il y a une problématique concernant cette question. Simplement parce que les partis politiques qui composent Bennoo n’ont pas la même histoire, la même idéologie et le même programme. Et comme vous le savez, notre Constitution garantit aux partis politiques de concourir à l’expression du suffrage universel. Autrement dit, quelqu’un qui crée un parti politique, c’est pour conquérir le pouvoir. C’est exactement ce que nous voulons faire en créant l’Apr. (…) Je veux préciser aux Sénégalais, une fois pour toutes, que la problématique de la candidature unique est réelle. Mais, je pense que nous ne sommes pas dans un parti mais dans un cadre de concertation qui s’appelle Bennoo Siggil Senegaal où nous allons mettre en place des stratégies et des méthodes de combat légales et démocratiques pour conquérir le pouvoir. Et nous, Apr, sommes preneurs parce que nous sommes dans l’opposition. Quant à donner mandat à Bennoo Siggil Senegaal pour qu’elle dicte ou dessine les contours d’une candidature unique au premier tour, l’Apr n’a jamais, au niveau de ses instances donné son aval sur cette question. Il s’agit, aujourd’hui, d’un partenariat pour un combat à mener pour la démocratie, la transparence de nos institutions. Et nous faisons partie, à côté des leaders qui composent Bennoo Siggil Senegaal, de ceux qui œuvrent pour arriver à un consensus sur l’essentiel. J’aurais compris qu’on discute sur un programme de gouvernance au cas où un des partis de Bennoo arrive à se positionner pour le second tour. Mais, je ne pense pas que l’on puisse arriver à une candidature unique dans Bennoo.
Wal Fadjri : Qu’est-ce qui explique votre pessimisme ?
Moustapha Cissé Lô : Nous sommes un regroupement de partis qui n’ont pas le même parcours, la même histoire. Par exemple, nous, nous sommes des libéraux et étions contre le Parti socialiste. Aujourd’hui qu’on est tous dans l’opposition, il faut qu’on essaie d’aménager une plage de convergence pour rétablir la démocratie, la justice et l’équité. Au niveau de l’Apr, nous ne voyons pas quelle méthode ou stratégie on peut mettre sur la table au sein de Bennoo pour éliminer notre candidat (Macky Sall, Ndlr). Macky Sall est un jeune cadre qui s’est battu, qui est arrivé au pouvoir avec Wade, a gravi les échelons : directeur de société, ministre, ministre d’Etat, Premier ministre et président de l’Assemblée nationale. Qui, dans l’opposition, a fait autant que lui ? Que l’on nous dise aussi ce qu’on lui reproche ? Il a été félicité plusieurs fois par Wade lui-même qui a estimé que c’est avec Macky Sall que les chantiers de Dakar ont germé (…). C’est ce qui lui a valu la sympathie de l’ensemble des Sénégalais aujourd’hui. Donc, s’il devait y avoir un candidat unique dans Bennoo, cela devait être Macky Sall. Parce que plus jeune pour l’alternance générationnelle et pour son passé fulgurant.
Wal Fadjri : Il n’y a pas que votre parti qui a un passé…
Moustapha Cissé Lô : Oui ! Mais, le Parti socialiste, par exemple a un passé, il a été débouté par le peuple qui avait estimé qu’il n’y avait pas de démocratie dans le parti. Effectivement, il y avait des dérives, des erreurs dans le parti socialiste. J’ai entendu Abdoulaye Wilane parler de ceux qui ont côtoyé Abdoulaye Wade. Mais autant ceux qui ont côtoyé Wade ont commis des erreurs autant ceux qui ont côtoyé Ousmane Tanor Dieng, Abdou Diouf ont commis des erreurs et des dérives quand ils étaient au pouvoir. Et le peuple les a sanctionnés. Est-ce que la période de grâce est terminée ? Je ne le pense pas. Parce qu’il faut qu’on nous démontre que la période de grâce est terminée. Aujourd’hui, nous sommes dans une logique de nous opposer au régime de Wade parce qu’il y a trop de dérives. Il est vrai qu’Abdoulaye Wade a beaucoup fait pendant ces dix derniers années mais il y a autant de dérives que de bienfaits : la mal gouvernance, les surfacturations, les détournements de derniers publics, l’impunité, etc. Il y a du tout dans le régime de Wade. C’est aussi le cas, quand nous avons été victimes d’agression de la loi la plus fondamentale qui est la Constitution, du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Et face à cette agression, même les partis de l’opposition n’ont rien dit et pourtant rien n’est plus grave que ça. Aujourd’hui ils parlent de fichier électoral mais quand on renvoie des députés qui n’ont pas démissionné de leur parti politique et que personne ne lève un doigt pour les défendre, c’est grave. C’est la preuve que les partis politiques, l’opposition y compris, ne se soucient pas de la République. Parce que la République, ce sont les institutions et personne parmi les leaders de l’opposition n’a dit mot sur cette question. Ni Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse…alors qu’ils devraient occuper la rue pour exiger le maintien du mandat de ces députés à l’Assemblée nationale. Nous avons été élus par le peuple et n’avons jamais démissionné du Pds. On nous en a fait voir de toutes les couleurs pour nous renvoyer du Pds et prendre nos mandats. Je ne suis pas d’accord sur cette forme de lutte de l’opposition. Il faudrait une ligne de conduite, que l’on essaye de se battre pour sauver la démocratie, les institutions et non se battre seulement pour qu’on soit élu. Moi, je me bats pour la République et non pour une personne. Je me bats aujourd’hui pour mon parti parce que nous sommes des hommes crédibles et plus crédibles que tous ces dirigeants de partis cabine téléphonique de la Cap21. Ils n’ont pas de militant et si seulement on pouvait organiser un test, Moustapha Cissé Lô contre les responsables de la mouvance présidentielle, je les battrais à plate couture. D’ailleurs, je l’ai démontré dans ma localité où, candidat pour Dekkal Ngor, j’ai battu Bennoo et And ligguey Senegaal de Idrissa Seck.
‘S’il devait y avoir un candidat unique dans Benno Siggil Senegaal, cela devait être Macky Sall parce que plus jeune pour l’alternance générationnelle et pour son passé fulgurant’
Wal Fadjri : Mais, l’Apr est encore dans Bennoo…
Moustapha Cissé Lô : Notre parti est dans Bennoo. Mais, nous ne sommes pas preneurs pour la candidature unique et nous avons un projet de société pour le Sénégal, un programme que nous allons dérouler. Et personnellement, je vais me battre au niveau des instances de Apr où je vais proposer, dès ce soir (hier, Ndlr) en réunion de directoire, au parti et ses alliés qui se reconnaissent dans notre groupe, de déposer la candidature de Macky Sall en 2012 contre Abdoulaye Wade. (…)
Wal Fadjri : Quelle est votre position sur le débat relatif au code électoral ?
Moustapha Cissé Lô : Nous sommes pour un code électoral consensuel, transparent et clair, pour une Constitution claire. A ce sujet, j’engage mon parti, l’Apr qui ne peut pas faire du combine bëre (complot, Ndlr). Nous avons un programme bien ficelé que nous présenterons aux Sénégalais qui le jugeront, le moment venu. Nous appelons alors nos alliés de Bennoo à plus de sérénité, de responsabilité et que chacun ne pense pas que c’est lui car seul le peuple est habilité à nous juger au premier tour de l’élection. Et le parti le mieux placé de Bennoo peut inviter à la discussion si on parvient à créer un programme de gouvernance. Et ce ne sera pas un programme où chaque parti ‘cabine téléphonique’ proposera quelqu’un mais un programme qui permettra à celui qui gagne de diriger avec des compétences. Il faut qu’on soit dans un cadrage qui permet de sortir le Sénégal de la crise, de la xénophobie qui nous guette.
Wal Fadjri : Qu’est-ce qui vous fait dire que le Sénégal est en crise ?
Moustapha Cissé Lô : Le Sénégal est en train de tomber dans le lot des pays monarchiques. Nous avons vu ce qui s’est passé en Guinée avec Moussa Dadis Camara qui croyait que le pays lui appartenait. J’ai dit à une députée de la Cedeao du Niger quand elle avait affirmé que tout le peuple est avec le président Tanja, qu’elle se trompe. Et qu’elle saura un jour que le peuple n’est pas avec lui. Tanja avait l’argent, l’armée et il faisait ce qu’il voulait. Je ne souhaite pas que le président Abdoulaye Wade tombe dans ce piège. Il est entouré par des gens qui disent qu’ils ont des partis or, les partis de la mouvance présidentielle sont largement minoritaires dans ce pays et ne sont pas crédibles. Il faut qu’ils arrêtent d’applaudir Wade et le parti Pds. Il faut que le président de la République appelle les partis politiques avec responsabilité. Les opposants ont le droit de demander à discuter de toutes les questions liées au code électoral, à la Constitution, à la bonne gouvernance, à la bonne gestion des affaires de l’Etat, etc. Le président de la République n’a pas le droit de dire qu’il ne discute pas de telle ou telle question. C’est le président de tous les Sénégalais y compris les partis de l’opposition. C’est pourquoi, il doit écouter tout le monde. (…)
‘Les partis politiques, l’opposition y compris, ne se soucient pas de la République’.
Wal Fadjri : Le Sénégal prépare le cinquantenaire de son indépendance. C’est, peut-être, une occasion pour renouer le fil du dialogue pouvoir/opposition comme vous le souhaitez.
Moustapha Cissé Lô : C’est possible mais il faudrait que le président de la République sache d’abord que le cinquantenaire, ce n’est pas lui seul mais que cela concerne tous les Sénégalais. Il y a les socialistes qui ont, avant lui, dirigé ce pays. Et à ce sujet, le pouvoir doit arrêter de faire une comparaison entre Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Wade a tout intérêt à tirer le chapeau pour les présidents Senghor et Abdou Diouf, à les féliciter. Parce que là où d’autres chefs d’Etats africains, au tout début de l’indépendance, se sont agrippés au pouvoir et créé un pouvoir monarchique, le président Senghor a pris la responsabilité de créer le multipartisme en donnant un parti reconnu à Wade et d’autres. A moins de 75 ans, Senghor a pris la responsabilité historique de quitter le pouvoir et de s’occuper d’autre chose pendant qu’il était en plein mandat. Abdou Diouf a approfondi le pluralisme politique en permettant la création de beaucoup plus de partis politiques et avait fait appel à Wade pour un gouvernement d’union pour le renforcement de la démocratie. Il a accepté un code consensuel où les propositions qui sont à l’origine de l’alternance avaient été introduites : le mandat présidentiel renouvelable une seule fois, acceptation du second tour qui a permis à Wade d’accéder au pouvoir. Abdou Diouf a eu la clairvoyance de féliciter Abdoulaye Wade avant la proclamation des résultats. Le président de la République doit lire et méditer ces actes pour le bonheur du Sénégal. Aujourd’hui, il est entouré de gens qui lui disent que le pouvoir lui appartient, qu’il peut le donner à qui il veux et le reprendre quand il veut. Ce n’est pas responsable, la démocratie est à approfondir. Wade n’a pas le droit de s’arrêter là où Abdou Diouf s’est arrêté mais doit faire plus que ce dernier pour mériter les félicitations des Sénégalais. Mais, Abdoulaye Wade et son parti son en train de tripatouiller les règles du jeu. La preuve, c’est son parti qui avait proposé que le mandat présidentiel soit renouvelé une seule fois et s’il tient à sa parole et respecte son parti, il ne doit pas se présenter à nouveau parce qu’ayant fait ses deux mandats. Son parti a exclu des députés élus qui n’ont pas démissionné de leur parti etc. J’ai été toujours victime comme si je n’étais pas un Sénégalais comme les autres. Pour le président de la République et son parti, quand on n’est pas du Pds, on ne doit pas avoir de responsabilité. Je suis élu et réélu à la Chambre de commerce de Diourbel mais son ministre des Affaires étrangères a bloqué mon passeport diplomatique pendant que tous les présidents des Chambres de commerce, leurs vice-présidents et les secrétaires généraux ont droit à ces passeports. Mes adjoints ont des passeports mais moi, je n’en ai pas. Je représente le Sénégal à la Chambre consulaire régionale de l’Uemoa et le Sénégal a signé ce protocole. L’Uemoa a écrit au ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio. A l’époque, ils ont refusé de me donner mon passeport. C’est cela une République ? (…)
Propos recueillis par Yakhya MASSALY
walf.sn
je ne connaissait pas vraiment les idees que vehuculait ce monsieur mais apres ma lectures de cet article je me dis que c est un homme qui est conscient de sa responsabilte en tant que citoyen que dieu le guide.amine