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Multiplication des centres culturels : La nouvelle offensive étrangère

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Ces derniers mois, le Sénégal a enregistré l’implantation de nouveaux centres culturels étrangers. Après les Français, les Américains, les Britanniques, c’était au tour des Russes, des Italiens et des Turcs de s’installer à Dakar, alors que les Espagnols montent en puissance et que les Allemands ne lésinent pas sur les moyens pour construire le siège du Goethe institut au Sénégal.

Dans le quartier de Fann Résidence, proche de l’Uni­versité Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), les ambassades côtoient désormais des centres culturels. Espagnols, Alle­mands, Italiens et Turcs ont fini de poser leurs valises à Dakar rejoignant français, britanniques et chinois. Cet engouement peut sans doute s’expliquer par la position géographique privilégiée du Sé­négal. «Pour nous, le Sénégal c’est est un pays très stratégique et notre entrée en Afri­que passe par le Sénégal», explique Néstor Nongo Nsala, directeur du Centre Cervantes de Dakar, qui révèle qu’au-delà même de la position stratégique qu’occupe le Sénégal, la plus grande ambassade d’Es­pagne de l’Afrique subsaharienne se trouve à Dakar. Et d’après lui, l’Espagne a toujours montré un intérêt très particulier pour le Sénégal et cela ne date pas d’aujourd’hui.

Les Îles Canaries sont des îles voisines pour le Sénégal, ajoute-t-il avant de préciser que l’Institut Cervantès est arrivé même en quelques sortes, en retard par rapport aux relations entre l’Espagne et le Sénégal. «Nous ne sommes pas des nouveaux arrivants. Et en plus, en Espagne, après les Marocains, ce sont les Sénégalais qui sont la deuxième colonie la plus importante. Il y’a plus de 70 000 Sénégalais qui vivent en Espagne. Donc nous avons des relations très solides, ce qui explique notre présence ici au Sénégal», témoigne Néstor Nongo Nsala. Pays de culture par excellence et qui a des références partout dans le monde, le Sénégal attire ces démembrements des chancelleries occidentales. Le leader de l’orchestre Dande Lenol, Baba Maal, quant à lui, voit dans ces nombreuses installations la preuve de la force et la vitalité de la culture sénégalaise et de sa jeunesse, qui est très créative et très ouverte. «Au-delà de la culture, c’est l’Afrique parce que tout le monde sait que le monde entier a une oreille attentive en direction de l’Afrique. Le monde entier attend quelque chose de formidable qui doit sortir de ce continent dans les millénaires à venir», fait observer l’artiste chanteur Baba Maal, qui travaille beaucoup d’ailleurs avec l’Institut Goethe. «On a les atouts pour être l’avenir du monde. Maintenant, on attend la combinaison qu’il faut pour que ça puisse se concrétiser», argue-t-il.

Exposant son point de vue sur l’implantation des centres culturels au Sénégal, le Pr Maguèye Kassé, enseignant chercheur à l’Ucad, estime que personne ne peut aller tout seul de toute façon. Il soutient que si le Sénégal veut avoir accès à la culture espagnole, allemande, italienne, française ou Turque, il doit avoir un aspect de ses cultures. «Enracinement et ouverture», dit-il en paraphrasant le Président Senghor. Mais au-delà de ça, un centre culturel par définition, travaille avec des autochtones. «Ils ont compris que c’est par la musique, par l’art, par la culture que les peuples se rapprochent», analyse-t-il.

Retour aux sources
Mais si on doit parler de création contemporaine, le Sénégal a des personnalités qui font rayonner sa culture et ses arts. Une chose à ne pas négli­ger selon Alioune Diop, journaliste culturel, officiant à Radio Sénégal internationale (Rsi). A son avis, c’est normal que tout le monde se rue vers le Sénégal. «On a connu le Centre culturel soviétique (Russe), les centres culturels allemand, américain, italien, avant de fréquenter le Centre culturel français», a-t-il rappelé. D’après lui, ces centres culturels avaient un programme culturel assez riche en permanence, mais à un moment donné, ils ont changé de politique. Mais si éventuellement ces centres reviennent, «je crois qu’ils veulent encore une fois occuper la place qu’ils avaient gérée dans le passé. C’est un retour aux sources et je crois que c’est une très bonne idée de leur part, de revenir pour renforcer leurs activités culturelles au Sénégal», a-t-il expliqué, en espérant que ce retour va perdurer dans le temps. Concernant la Turquie, qui vient de s’ajouter à la liste, avec l’inauguration du nouveau centre culturel, l’Institut Yunus Emre, il estime qu’ils essaient d’avoir des tentacules un peu partout et que l’aspect culturel est un élément important.

Promotion de la langue et de la culture
Installé au cœur de l’Université de Dakar, l’Institut Confucius est devenu l’ambassadeur par excellence de la culture chinoise. Entre l’enseignement de la langue et de la culture chinoise et la découverte de la médecine traditionnelle de ce pays, les sénégalais absorbent petit à petit les mystères de ce pays-continent dont la langue reste la plus parlée au monde. En procédant à la pose de la première pierre du futur Goethe institut, le Président allemand, Frank-Walter Stein­meier, a salué un renouveau de la coopération entre Dakar et Berlin. Preuve de ce dynamisme, le Goethe Institut qui est actif au Sénégal depuis 1978, a décidé d’élargir considérablement ses activités afin de répondre à l’importante croissance de la vie culturelle sénégalaise. Et lesAllemands, en faisant appel à l’architecte international, Francis Kere, pour la réalisation de ce bâtiment, restent conformes à cette volonté. En novembre dernier, c’était la Reine Letizia d’Espa-gne qui coupait le ruban pour l’inauguration de l’Institut Cervantès. A son tour, l’Institut culturel italien a lancé ses activités le 30 janvier 2020. Présent au Sénégal depuis belle lurette, le Centre culturel français participe au partage de la création intellectuelle française, à la promotion des échanges artistiques internationaux, mais aussi soutient le développement culturel sénégalais et le dialogue des cultures. Toutes ces institutions culturelles qui dépendent directement des ministères des Affaires étrangères de leurs pays, ontles mêmes motivations, dérouler leur soft power. Pour comprendre ce nouvel engouement, il ne faut pas croire que ces puissances marchent au gré du vent, car en relations internationales, et on ne le répètera jamais assez, il n’y a que les intérêts qui priment. Et chaque pays joue pour son propre compte, afin de mieux renforcer sa présence et promouvoir sa culture et sa langue. En attendant, c’est au Sénégal de profiter de ces nouvelles amitiés.

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