NAFISSATOU DIA DIOUF, ECRIVAINE : Une plume toujours trempée
Malgré ses charges de chef du Service Entreprise à l’Agence des Grands Comptes à la Sonatel, Nafissatou Dia Diouf reste encore attachée à son amour de toujours : la littérature. Profitant de la nuit pour s’isoler dans son coin et loin de sa famille, elle se consacre à la rédaction de deux romans.
À première vue, on la prendrait pour une basketteuse. Elle répond à tous les critères pour pratiquer ce sport, mais ce n’est pas sa vocation. Cependant, cette mère de trois enfants trouve toujours un peu de temps libre pour s’adonner au sport et maintenir sa forme. On pourrait aussi la prendre pour une de ces dames absorbées en permanence par le monde des affaires. Mais, elle ne se définit pas comme telle. Bien qu’elle se donne à fond chaque jour pour être au top à son travail. Ce qu’elle voudrait surtout qu’on retienne d’elle, c’est cette dame qui a un goût immodéré pour la littérature, depuis sa plus tendre enfance. Elle veut passer pour une écrivaine, même si ce n’est pas sa véritable vocation. Elle a vécu en famille entourée de parents intellectuels, très attachés à la culture du savoir.
Des regrets pour sa bibliographie
A 37 ans, elle compte huit ouvrages à son actif dans des genres aussi divers que le roman, les nouvelles et la poésie ainsi que la littérature de jeunesse. Un amour du livre qu’elle conjugue avec son travail de tous les jours à la Société nationale des télécommunications (Sonatel). Où elle assume la fonction de chef du Service Entreprise à l’Agence des Grands Comptes à Dakar, depuis 2000. Cette charge ne l’a pas empêchée de continuer de publier des ouvrages. Elle passe presque 10 heures dans son bureau, ce qui lui donne peu de temps à consacrer à l’écriture. Une situation qui pousse à dire qu’elle «profite surtout des week-ends et des congés pour beaucoup écrire». «J’ai des inédits que j’ai déjà écrits, mais qui ne sont pas encore publiés», révèle-t-elle. C’est dire qu’elle peut engager une longue discussion sur le monde littéraire sans se lasser. Depuis sa plus tendre enfance, Nafissatou a toujours cette passion des livres. Mais sa bibliographie personnelle n’est pas encore comme elle l’aurait souhaitée. «Je suis encore un peu écartelée entre mes heures de travail au bureau et mes heures d’écriture. Ma bibliographie pourrait être mieux fournie en rapport avec les idées que j’ai et que j’aimerais exprimer. C’est un grand regret», confie-t-elle.
La distinction qui frustre
Du succès et de la reconnaissance, ses œuvres en ont connu, sur les plans national et international. Mais la distinction qui l’a le plus marquée reste le prix de la fondation Léopold Sédar Senghor reçu des mains de la première dame Viviane Wade, en 2000, pour sa nouvelle : «Sables mouvants». Ce jour-là, elle est rentrée avec deux prix. «C’est pour moi des prix de reconnaissance au Sénégal», dit-elle. Après avoir obtenu des distinctions au Canada et en France, entre autres pays. Mais, à une date récente, elle a reçu un prix qui, à la limite, l’a «frustrée». Et, elle avait ses raisons : «Parce qu’un prix Jeune Espoir à 36 ans pour quelqu’un qui a commencé à publier 10 ans plus tôt… Je pense que je devrais être à un autre stade.» On lui reconnaît aussi cette plume pour les enfants à travers son ouvrage «Le fabuleux tour du monde de Raby», ou l’histoire d’une petite fille de Thiès qui s’ennuie et qui décide de partir en rêve après avoir entendu Jacques Brel chanter à la radio.
Adolescence agitée
Même si elle se qualifie de «distraite, rêveuse, amusante» en classe, à l’école primaire, ses maîtresses la jugeaient plutôt «intelligente». Il lui fallut l’assistance d’une mère professeur de formation qui la soumettait à des exercices à la maison en dehors des cours, à l’école. Une mère qui, d’ailleurs, a eu une grande influence sur elle. Etant une fille que l’on devait suivre dans les petites classes, «ma mère m’a beaucoup suivie depuis ma tendre enfance. Elle me faisait faire des devoirs une fois à la maison parce que j’en avais besoin», explique-t-elle. Ayant fait son cycle primaire et secondaire dans des établissements catholiques, Nafissatou a toujours eu une liberté limitée. Elle s’est vue refuser beaucoup de choses auxquelles elle tenait par ses maîtresses : l’usage de vernis à ongle, du «lipolèvre» et autres effets de toilette leur était formellement interdit à l’école. «Les filles se prennent toujours pour de grandes dames alors qu’elles n’ont que 12-13 ans», dit-elle, hilare. «Je l’interdirai à mes filles.» D’origine malienne par ses parents, Nafissatou a grandi dans une grande famille. Fille d’un diplomate, elle a vécu dans plusieurs pays suivant les affectations. C’est au Sénégal que son père décide alors de s’installer et de se consacrer à l’immobilier. «Durant mon enfance, on a dû déménager au moins quatre fois : Amitié, Cité Police vers la Vdn, Point E, parce que mon père est quelqu’un qui aime acheter et vendre.» La tradition hal pulaar qui implique peu de communication entre père et fille a poussé Nafissatou à être plus proche de sa mère, à qui elle n’hésite jamais à se confier. Et qui était en permanence à la maison, contrairement au père, trop pris par les exigences de ses fonctions.
Le choix du retour
«Elève plus consciente à partir de la seconde, brillante dans les filières littéraires, mais limitée dans les matières scientifiques, surtout en Maths», Nafissatou obtient son Baccalauréat avec la mention «Bien» pour aller poursuivre ses études dans l’Hexagone. Et c’est l’Université Michel de Montaigne de Bordeaux qui l’accueille. Elle y sort avec une Maîtrise en Langues étrangères appliquées (Lea). En 1996, elle réussit au concours d’entrée au groupe Esc/Sup de Co de Bordeaux où elle obtient un diplôme d’études supérieures spécialisées (Dess) en logistique industrielle. Malgré l’avantage de maîtriser trois langues et la possibilité de devenir professeur ou interprète, elle choisit la filière de l’entreprise qui fait appelle à plusieurs compétences. Au moment où ses condisciples déposaient des demandes d’emploi après leurs études, Nafissatou pensait plutôt à rentrer au Sénégal. «Je suis trop attachée à mon pays et à ma famille, en plus je ne supporte pas l’hiver en Europe, bien que je connaisse la culture française.» Sans garantie d’emploi, elle rentre. Quatre jours plus tard, elle décroche un emploi dans une fondation, puis elle travaillera dans une société de service informatique.
«Je n’aime pas la télé»
Le moment de prédilection pour se consacrer à l’écriture reste la nuit. Ne voulant surtout pas être déranger par sa progéniture. Pour Nafissatou, «les idées sont très capricieuses et peuvent s’envoler très vite, si on ne les couche pas rapidement». C’est pourquoi elle s’est aménagé un coin chez elle en y mettant ses talents de décoratrice. Une pièce qui donne sur la terrasse de la maison qui a toutes les commodités propices à la réflexion et à la naissance d’idées, meublée de livres d’auteurs classiques et africains, isolée de l’espace où vit sa famille. «C’est vraiment ma bulle dans laquelle je m’adonne à l’écriture. Et, je prends toujours le soin de fermer la porte à clé.» Même s’il arrive parfois qu’elle se serve de son ordinateur portable dans son lit. «Je sais que c’est moins sympathique pour mon mari, mais je préfère toujours mon bureau», confie-t-elle. Nafissatou Dia Diouf est une passionnée d’athlétisme qui déteste le football. La lutte durant moins longtemps que les autres sports, elle trouve du temps pour suivre les grands combats. Même si elle est rarement devant le téléviseur pour se divertir. «Je peux dire que je n’aime pas la télé.» Pas le temps de regarder un film ou une émission. «Chez moi, il faut se battre pour regarder son programme à la télé parce que les enfants tiennent à leurs dessins animés.» Beaucoup de connaissances, mais peu d’amis. Elle éprouve d’énormes difficultés à consacrer un peu de son temps. Son travail au quotidien, sa famille et ses deux romans en cours de rédaction suffisent pour l’instant à occuper ses journées.
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