Ndèye Mbaye « Djinma Djinma » est une cantatrice sénégalaise formée au Ballet national et à l’Ensemble lyrique traditionnel du Théâtre national Daniel Sorano. Elle exalte l’amour du travail, la culture de l’amitié sincère. La cantatrice modernise sa musique tout en conservant son identité et ses traditions.
Nous avions demandé à trois personnes près du terrain de Sacré Cœur III. Deux d’entre elles nous ont dit qu’elle habite près du jardin. Sa maison aux carreaux rose et blanc ne se distingue pas des villas environnantes. A l’intérieur, les dames s’affairent autour de la cuisine. Les jeunes filles mettent la main à la pâte. L’ambiance est chaleureuse. La chanteuse sort d’un des salons. Elle nous salue et, comme de coutume, les salutations ont tiré en longueur. Conséquence, elle découvre qu’elle connaissait bien les parents du reporter photographe Ndèye Seyni Samb. La chanteuse se renseigne sur ces personnes qu’elle avait perdues de vue depuis des années. L’acte n’est pas à inscrire sur le registre des faits de circonstance. Le mode de vie en communauté résiste à l’épreuve du temps chez la chanteuse. Ndèye Mbaye « Djinma Djinma » ne regarde jamais ses parents, ses connaissances se débattre dans des difficultés sans apporter une assistance lorsqu’elle en a les moyens. « Elle soutient notre famille. Elle aide ses frères et ses petites sœurs. Elle a ouvert une cantine à chacun d’entre eux. Elle partage tout ce qu’elle a avec ses parents », confesse la sœur Fatou Dieng qui, mariée à Sokone, était venue rendre visite à l’artiste.
Pour rien au monde elle ne désincarnera les valeurs de solidarité, de respect des liens de parenté. Depuis 2008, sa maison abrite le siège de l’Association des artistes pour la protection des droits de l’enfant. Les factures d’eau et d’électricité sont à sa charge. Elle l’assume. Parce que la protection de cette couche vulnérable lui tient à cœur, parce que, aussi, à travers la Case des tout-petits, les autorités du Sénégal ont posé un acte de promotion des droits des enfants. « Je suis la présidente de l’Association des femmes artistes pour la protection des droits de l’enfant. Depuis sa mise en place vers les années 2008, les initiateurs se sont retirés. Je suis seule, je me bats avec les maigres moyens pour faire la promotion des droits de l’enfant. Il n’est pas question que j’abandonne. Je cherche les ressources auprès des bonnes volontés. Je me considère comme investie d’une mission », raconte cette ancienne danseuse.
Ndèye Mbaye est une illustre inconnue aux abords du jardin de Sacré-Cœur III. Ce n’est pas seulement qu’elle apparait à travers les écrans de télévisions. Lorsque la chanteuse posait ses valises dans cet endroit de Sacré Cœur III, il n’y avait que quelques maisons. Elle faisait partie des premiers habitants voire la première. Ndèye Mbaye est aussi le porte-parole, des habitants du Jardin. « J’ai de bonnes relations avec tous mes voisins. Ils n’organisent pas de baptême, ni un mariage, sans m’informer. Je chante lors de ces cérémonies. Je suis présente en cas de décès. C’est cela le voisinage », confie la chanteuse. Mais ce n’est pas dans ces cérémonies de quartier qu’elle a appris à harmoniser les chansons. En réalité, elle est entrée dans la musique par la danse. A l’âge de 15 ans, Ndèye Mbaye « Djinma Djinma » se faisait remarquer dans le quartier de Niarry Tally. « Je savais danser lorsque nous étions à Niarry Tally. J’étais déjà connue dans ce quartier. C’est un de mes oncles, Cheikh Mbaye, qui m’a repérée et qui m’a amenée à une audition organisée par le Théâtre national Daniel Sorano. Après l’audition, je suis entrée au Ballet national en 1968. Ma mère s’y était opposée avant de finir par accepter », se souvient Ndèye Mbaye « Djinma Djinma ». Elle aurait pu être secrétaire de direction comme le souhaitait sa mère. « J’ai une formation en dactylographie. J’ai obtenu mon diplôme en 1967 et j’ai exercé ce métier de secrétaire durant un an, raison pour laquelle, ma mère ne voulait pas que je devienne chanteuse », ajoute-t-elle.
mission d’éducation
Dans le Ballet national, sous l’œil des ténors de la musique traditionnelle, tels que Khar Mbaye Madiaga, Ndiaga Mbaye, Samba Diabaré Samb, et Abdoulaye Mboup, la nouvelle venue suit tous les conseils et respecte les règles du métier édictés par ses devanciers. « Nous ne pouvions pas chanter n’importe comment comme cela se fait aujourd’hui. Les anciens vous proposaient des thèmes. Une fois que la chanson est composée, ces anciens vous disaient soit d’ajouter quelques choses ou d’enlever un passage. En plus de cela, il y avait une grande réflexion pour concevoir les messages qui vont rester. Nous prenions en compte beaucoup de choses. Je chante pour conscientiser, pour éduquer », fait-t-elle savoir. Du Ballet traditionnel, elle passe à l’Ensemble Lyrique. Elle enchaîne compositions sur compositions, accrochant les férus de la musique traditionnelle. Les chansons comme « Fonk Ligguey », « Djnma Djinma », « Nangoulène Seey » remportent des succès éclatants. Très vite, elle se fait un nom. Et, peut-être, c’est pour cette raison qu’elle a été portée à la direction de l’Ensemble lyrique traditionnel. « Je fus directrice de l’Ensemble lyrique traditionnel durant quatre ans. J’ai démissionné parce que mon calendrier et mes voyages ne me permettaient pas de rester au Sénégal pendant plusieurs mois. Pour ne pas porter préjudice à l’Ensemble lyrique traditionnel, je suis partie. C’est Ouza qui m’a remplacée », dit-elle. « Djinma Djinma », c’est un titre d’une chanson qui lui colle à la peau. Le titre de ce morceau fait, aujourd’hui, partie de son nom. Selon l’artiste, c’est avec cette chanson que l’on réveillait les rois. A travers, la chanson « Damel », elle revisite les hauts faits épiques des figures historiques du Sénégal.
posture de fédératrice
Une telle remarque n’est pas une pierre jetée dans le jardin des artistes. De nos jours, des compositions ont une durée de vie très courte à cause de la pauvreté des messages, et même l’arrangement. « Les nouvelles générations d’artistes se battent. Les chanteurs et les chanteuses font un bon travail. Il y a beaucoup de musiciens et de chansons. Nous ne sommes pas de la même période. On peut les comprendre », déclare-t-elle. Ndèye Mbaye « Djinma Djinma » est prudente. Elle ne veut pas trancher sur cette question qui engage toute la corporation. Elle donne toujours une réponse mitigée ou laconique. Elle esquive la question ayant trait aux conditions de vie des artistes. La chanteuse ne veut pas s’attirer les critiques de la corporation. Au juste, elle entretient de bons rapports avec la plupart d’entre eux.
Le commerce, une autre occupation
L’artiste n’est pas une dame qui met tous ses œufs dans le même panier. Elle se bat sur d’autres fonts pour fructifier ses revenus. Ndèye Mbaye voyage à travers le monde pour importer une gamme de produits qu’elle vend. « Je refuse de rester les bras croisés. Je fais du commerce, j’ai une cantine. Je remercie la directrice du Fonds de promotion de l’emploi (Fpe), Ndèye Khady Guèye, qui aide les femmes à obtenir des prêts ». Au cours d’un de ses voyages à l’étranger, elle a subi un accident qui l’a éloignée de la scène. Mais cette page est tournée. La cantatrice est reconnaissante. « Nous sommes des griottes. Notre tradition veut que l’on remercie publiquement une personne qui nous rend service. Je remercie le Président de la République, Abdoulaye Wade qui a supporté les frais de traitement, sans lui, je ne serai pas dans cet état.
Que le Tout-puissant, lui accorde une longue vie et une bonne santé », souhaite la dame, la voix étranglée par l’émotion. Dans ce paisible quartier, elle attend les promoteurs. Elle a déjà les maquettes de l’hymne de la Renaissance africaine et une autre chanson sur le monument de la Renaissance africaine. L’aventure continue alors pour cette cantatrice.
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