Ngor, l’île des vacanciers, des artistes et des surfeurs
Restée longtemps inhabitée, l’île de Ngor s’est découvert un nouveau visage, ces dernières années : le tourisme et le camping. On estime à plusieurs milliers le nombre de visiteurs (des touristes occidentaux pour la plupart) qui, chaque année, y côtoient, par moments, de jeunes dakarois. Ngor est l’un des rares endroits à Dakar où deux mondes différents, en quête de détente, peuvent se rencontrer.
Des villas cossues protégées par de hauts murs et bordées de fleurs. Un calme absolu. Les sombres ruelles qui s’entremêlent donnent l’impression d’un labyrinthe géant. Pas un seul signe de vie – ou presque – dans ces ruelles, si ce n’est les papillons multicolores voltigeant autour des fleurs. Tantôt, on aperçoit un chat guettant une proie sur les murs. Pour quelqu’un qui y débarque pour la première fois, l’île de Ngor donne l’image imparfaite de ces stations balnéaires des Caraïbes que l’on voit dans les guides de voyage.
Dans ce paisible coin, l’existence semble être rythmée par le bruit des vagues. « La plupart des maisons appartiennent à des ministres, à des Européens, à des hommes d’affaires locaux, à des sportifs et artistes de renom… Ce qui rassemble tous ces propriétaires, c’est qu’ils sont riches. Mais très peu d’entre eux s’y sont véritablement fixés.
Un endroit idéal pour les surfeurs
L’un des signes qui, sans doute, illustrent le mieux que l’île n’a pas une vocation résidentielle, c’est l’absence de lieux de culte. Les rares résidents permanents sont des gardiens ou des commerçants.
L’île a surtout une vocation touristique. La plupart des propriétaires préfèrent louer leurs maisons à des touristes. Plusieurs maisons portent, en effet, l’étiquette : « A louer » ou « A vendre ». Il est ainsi fréquent qu’au bout de quelques années, certains propriétaires européens revendent leurs maisons pour rentrer chez eux, confie un résident. « La location rapporte beaucoup aux propriétaires de maisons, surtout pendant l’hiver, période de forte affluence de touristes européens ; il s’agit surtout de Scandinaves pratiquant les sports nautiques – le coin est particulièrement apprécié par les surfeurs – ou la pêche sportive », explique Alphonse, visiblement heureux de trouver avec qui bavarder.
« Tenez, ajoute-t-il, tout en continuant à arroser ses fleurs, vous voyez cette maison (il désigne du doigt une grande villa peinte en blanc se trouvant en face de son cabanon), c’est un Danois qui l’a loué. Pendant l’hiver, il fait venir plusieurs compatriotes pour organiser un surf-camp. Je crois que c’est surtout les côtes qui se prêtent idéalement à la pratique de ce sport, le doux climat et le coût de la vie relativement acceptable, comparé à d’autres parties du monde, qui les attirent à Ngor ». Mais ce ne sont pas que des touristes occidentaux qui viennent à Ngor. Pendant l’été, de nombreux Sénégalais organisent des excursions dans l’île, fuyant la poussière et le bruit de la ville et attirés par les jolies plages. « Généralement, il s’agit de jeunes banlieusards et d’étudiants qui viennent louer des cabanons. Il arrive aussi que des couples aisés viennent passer un week-end, voire une semaine », poursuit Alphonse.
Ainsi, peut-il louer jusqu’à 40.000 FCfa par jour son cabanon et 15.000 FCfa la chambre, s’il s’agit d’un couple. « D’habitude, je ne passe pas un seul jour sans avoir de clients. Mais, actuellement, avec le ramadan, il y a très peu de gens qui viennent », regrette Alphonse. En effet, en ce vendredi 13 août, les plages sont presque vides, seuls quelques enfants s’y baignent, tandis que les rares touristes blancs, en maillot de bain, se prélassent sous des parapluies multicolores au pied des cocotiers. D’ordinaire, les petites plages de l’île, idéalement situées – orientées plein Sud, elles donnent sur un plan de mer protégé par des barrières rocheuses –, attirent des milliers de visiteurs l’été.
Certains week-ends, confie un résident, la moindre parcelle de plage est revendiquée. Ngor est peut-être l’un des rares endroits à Dakar où se côtoient deux mondes très différents (touristes fortunés et jeunes dakarois, pour la plupart issus de milieux pauvres) le temps d’un week-end. Et pour s’y rendre, on effectue une traversée de 400 m environ. Elle se fait par pirogue et dure à peu près cinq minutes. Compte tenu de la forte affluence, par moment, cette activité est des plus lucratives pour les convoyeurs. « Les pirogues assurant la liaison appartiennent à deux familles du village des pêcheurs (de Ngor)», souffle un résident de l’île. «Maintenant, imagine que chaque pirogue peut transporter jusqu’à 60 personnes, à raison de 500 FCfa par passager ; un vrai pactole », fit-il en clignant des yeux. Mais ni le convoyeur de la pirogue qui nous a transportés, ni le vendeur de tickets, un gaillard taciturne, plutôt désagréable, établi sur la grande plage, n’ont accepté de se prononcer sur leur activité, arguant qu’ils ne peuvent pas parler sans l’autorisation du « patron », absent.
Le charme d’une vie sans électricité
Profitant du tourisme, l’hôtellerie et la restauration se sont développées dans l’île. Babou habite le village de Ngor, situé de l’autre côté. Il travaille dans un restaurant qui jouxte la plage sur la partie Est de l’île.
Chaque matin, il prend la pirogue pour rejoindre son lieu de travail. « La restauration marche beaucoup grâce au camping et aux nombreux touristes qui affluent sur l’île », souffle-t-il. A côté du tourisme, l’artisanat constitue l’autre activité principale dans l’île de Ngor. Les ateliers d’artistes et les lieux d’exposition sont visibles partout. A l’image d’Amadou Cissé, 18 ans, peintre, plusieurs artistes s’y sont installés dans l’espoir de se rapprocher de la clientèle touristique. Mbassou Ndiaye, lui, est un collectionneur d’objets d’art qu’il revend aux touristes. « J’adore Ngor pour le calme qui y règne et les facilités avec lesquelles on peut écouler ses marchandises. Je me sens tellement bien ici que je ne supporte plus de faire sept jours d’affilée à Dakar », explique-t-il, un chapelet à la main. Offrant aujourd’hui un visage calme, indolent et ombragé, qui en fait un espace de bronzette et de balade idéale pour touristes, l’île de Ngor est pourtant restée longtemps inhabitée, avant que les militaires français y établissent un camp stratégique à la fin du 19e siècle. Actuellement, l’armée sénégalaise y maintient un camp d’entraînement. Jusqu’à une période assez récente, seules quelques chèvres élevées par des pêcheurs lébous y musardaient. « Il n’y avait presque rien ici. C’est seulement entre les années 1980 et 1990 que l’île à commencé à être peuplée ; la plupart de ces belles villas que vous voyez ont été construites à partir des années 2000 », explique Alphonse. Quelques bâtiments sont encore en construction sur la partie nord-ouest de l’île.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a encore des espaces vides sur cette minuscule bande de terre située à un jet-de-pierre du luxueux quartier des Almadies. L’une des particularités de l’île de Ngor : il n’y a pas d’électricité. Seuls quelques panneaux solaires et groupes électrogènes fournissent du courant. Mais certains habitants, romantiques sans doute, ne semblent pas s’en plaindre, trouvant justement un supplément de charme dans l’absence de télé et de réverbères. En revanche, la fourniture de l’eau est assurée à partir de Dakar par des canalisations sous-marines.