Hier, presque tous les sites du monde entier ont repris l’interview exclusive accordée par le Chef de l’Etat Me Abdoulaye Wade au quotidien privé sénégalais «Le Pays». Dans ce qui suit, nous vous proposons la suite de cet entretien publié ce mardi par ce même journal. Le président Wade dit tout sur ses anciens collaborateurs Idrissa Seck, Macky Sall, Aminata Tall, Cheikh Tidiane Gadio… Sur le plan international, il a parlé de ses relations avec le président français Nicolas Sarkozy et Barack Obama, non sans dresser le portrait de son futur successeur. Entretien.
M le Président, Alioune Tine de la Raddho est dépeint par vos partisans comme «un arbitre qui tape de temps en temps sur le ballon». Vous êtes convaincu de sa disqualification dans la supervision des élections ?
(Il coupe). Alioune Tine c’est une opposition qui n’a même pas le courage de se manifester. Mais à sa place quelqu’un de normal créerait un parti politique. Lui c’est le Chef de l’opposition. L’opposition se réunit chez lui, c’est lui qui parle pour l’opposition. Toutes les positions les plus extrémistes. (Il se répète). Incendies, attaques etc. viennent de Alioune Tine. Je n’ai jamais entendu Ousmane Tanor Dieng parler comme cela, bien entendu, en termes de violence. De même, je n’ai jamais entendu Moustapha Niasse parler ainsi. Donc Alioune Tine a fait une OPA sur l’opposition (rire). L’autre
OPA est faite par des jeunes rappeurs. Les meetings du PS sont organisés par les rappeurs qui donnent même la parole à Tanor pour dire voilà tu as trois minutes ou à Moustapha Niasse pour lui dire tu as deux minutes etc. (rires). Voilà à quoi nous assistons. Mais Alioune Tine a été récusé par la Raddho. Nous ne le reconnaissons pas comme étant un organisme de la société civile. Nous le considérons, comme la Raddho, comme un parti politique. Nous refusons de l’admettre même en observateur dans les élections. Et pour cela, je suis formel. Nous l’avons notifié à l’Union Européenne et aux Etats-Unis. Nous n’accepterons pas qu’Alioune Tine soit même observateur dans les élections. Il fait tout cela pour qu’on lui donne de l’argent.
Ces pays là lui ont donné de l’argent parce que c’est lui qui parle le plus fort. Mais il ne leur apportera rien parce qu’il n’est pas objectif. C’est le gouvernement qui arrête la liste des observateurs. Nous sommes prêts à prendre des observateurs du monde, de toutes les organisations, sans aucune restriction pendant la campagne électorale et même la précampagne pour venir observer. Mais pas Alioune Tine ou des gens comme lui. Il ira observer où il veut, dans le monde mais pas au Sénégal. Ici c’est encore moi qui exerce l’autorité. Les élections sont une affaire de gouvernement et personne d’autre, et nous avons pris position la dessus. C’est pourquoi ne me parlez plus de Alioune Tine sauf que, s’il continue à faire des déclarations incendiaires, invitant les gens à des manifestations violentes, il répondra devant la justice.
Parlons un peu de la politique étrangère du Sénégal. A propos de la Lybie, vous aviez eu raison sur l’Union Africaine. Il y’a un axe nouveau Dakar-Abidjan. Quelle est votre prochaine préoccupation diplomatique ?
Ma grande préoccupation pour l’Afrique, c’est d’abord son unité politique. Mais cela a été très difficile. J’ai milité pour le gouvernement continental avec le Président Obasanjo. Il n’est plus là, mais je poursuis toujours dans cette direction. De même que Khadafi qui était partisan du gouvernement continental et il se voyait plutôt le prochain Président des Etats-Unis d’Afrique mais j’avoue que c’étais très difficile. Maintenant j’ai conçu, en tenant compte de l’expérience des objections qui ont été faites contre le gouvernement continental, un nouveau système de gouvernement continental que je vais exposer au niveau de la CEDEAO. D’ailleurs, j’avoue que je l’ai déjà exposé et cela a été apprécié par certains Etats, mais qui m’avaient demandé de lui donner un aspect formel. Le document est prêt.
J’espère que nous allons rapidement franchir cette grande étape d’un gouvernement continental au niveau continental. Donc cela est vraiment notre très grand objectif. Mais il y’a toujours quelques foyers de tension, notamment à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Libéria. Récemment j’avais dû interrompre quelques jours de vacances au Maroc pour aller à Abuja ; j’avais proposé la surveillance de cette frontière parce que les mercenaires libériens de Charles Taylor étaient allés à la frontière avec leurs armes. Et comme le Liberia devait aller à des élections, nous avions des inquiétudes, notamment
Mme Hélène Johnson qui craignait que les rebelles ne troublent les élections au Libéria. C’est pour cela que j’avais proposé cette réunion qui avait eu lieu à Abuja. J’avais invité le Secrétaire général des Nations Unies qui a envoyé un message très important. Finalement, il a été décidé que les Forces des Nations Unies d’un côté comme de l’autre de la frontière Ivoiro-libérienne puisse avoir la mobilité de franchir les frontières et d’intervenir si cela est nécessaire, ce qui est déjà bien. Deuxièmement, en cas de besoin, nous avons décidé d’envoyer des troupes pour renforcer les forces des Nations Unies de façon que la paix puisse régner et les élections se dérouler normalement.
Pour la Mauritanie, j’espère que les autorités de ce pays auront la sagesse de mener ce recensement de façon démocratique. Si elles le désirent, elles seront assistées par les organismes internationaux. Je ne souhaite vraiment pas qu’il y’ait des tensions internes en Mauritanie. Cela ne profite à personne. Ni au pouvoir mauritanien, ni à ses voisins. L’intérêt du Sénégal, c’est que la paix règne en Mauritanie. J’ai entendu parler des récriminations des populations noires, mais comprenez que ce n’est pas un problème de race ou de couleur de peau pour moi. Parce que j’ai dépassé ce cadre. C’est plutôt un problème d’une minorité dans un pays qui réclame un inventaire tout à fait objectif. Je souhaite que les choses se passent normalement. Si le gouvernement Mauritanien sollicite mon appui, je verrai ce que je pourrais faire mais pour l’instant c’est un problème interne à la Mauritanie et nous n’interviendrons pas.
La Casamance n’est pas en paix. Elle n’est pas en guerre non plus. Cela continue d’être votre priorité ?
La Casamance est toujours ma priorité. Vous savez, moins on parle, mieux cela vaudra. C’est parce que nous sommes en train de poser les jalons d’une paix définitive. C’est vrai que j’étais très optimiste au départ, quand je suis arrivé au pouvoir, pour la raison bien simple que, un ou deux ans auparavant, l’armée nationale, en la personne du Chef d’Etat Major général et avec l’aval de Diouf, était venu me proposer de prendre l’affaire de la Casamance en main. Pourquoi ? Parce que selon leur enquête à l’époque, j’avais une popularité en Casamance telle que j’étais le seul à pouvoir régler la question. J’étais parti aussi sur cette impression. Et quand je suis arrivé au pouvoir malheureusement, des forces centrifuges se sont manifestées. J’ai dû éliminer tous les intermédiaires qui ne travaillaient que pour de l’argent, racontant des histoires au gouvernement et soutenant qu’ils avaient la capacité d’intervenir auprès d’un tel ou tel. Je suis entré en contact direct avec les Chefs de guerre, sauf Salif Sadio.
Mais je suis en rapport direct avec ses lieutenants. Je suis en rapport avec tous les autres et ils veulent la paix. Ils ont même cessé les attaques sur les routes, les braquages. Maintenant avec l’hivernage, ils m’ont persuadé qu’ils ne feront plus de braquage. Mais en plus, j’ai été en Gambie rendre visite au Président Yaya Diamé et je lui ai demandé de m’aider à résoudre le problème de la Casamance. C’est vrai que c’est moi qui lui ai demandé, devant le président Obasanjo, de ne plus intervenir dans le dossier Casamançais. J’aurais perdu le contrôle de la Casamance. Mais, maintenant que je contrôle la Casamance, je sais que je peux le mettre à contribution pour nous aider, mais pas lui remettre la question de la Casamance. Cette question ne se pose plus. Le fait est que, désormais, personne ne puisse faire un coup en territoire sénégalais et aller se refugier en terre gambienne. Si nous l’obtenons, comme c’est le cas en Guinée Bissau, ce sera déjà un grand progrès. Il existe pour cela des patrouilles communes le long de la frontière, pour veiller à la quiétude des populations et à leur sécurité. Il y’a une avancée indiscutable et le Président Diamé va mener cette action que j’ai autorisée.
Pour revenir à votre parti-le Pds- pourquoi ne pas enfin organiser des primaires pour déterminer celui qui viendra après vous et régler la question du numéro deux ?
Vous savez, depuis longtemps, le PDS n’a pas connu de numéro deux. Depuis feu Boubacar Sall, le Pds n’a pas connu de numéro deux. Les gens se positionnent comme cela et ils racontent des histoires. Politiquement, si je veux liquider quelqu’un, je le nomme numéro deux (rires). Comme cela tout le monde tire sur lui. Vous savez un jour, à Paris, j’ai rencontré un ministre de la télécommunication à l’époque d’Eyadema, il pleurait, il disait : « M. le Président, les gens veulent me nommer premier ministre, c’est la meilleure façon de me liquider. » Il n’y a pas de numéro deux pour l’instant. Nous allons en Congrès au mois de novembre, là je vais nommer des responsables de domaines. Chacun va s’occuper d’un domaine précis.
Est-ce que cela ne constitue pas un potentiel danger pour un parti qui aspire quand même à rester longtemps encore au pouvoir ?
Je suis d’accord. Mais c’est dangereux aussi de nommer un numéro deux, même s’il est excellent, qui va être descendu par les gens avant même d’arriver à la case de départ.
A ce rythme, comment vous comptez gérer votre succession, en douceur, à la tête du Pds ? Vous ne craignez pas de vous retrouver avec un potentiel successeur à la tête du Parti ?
Je souhaite le consensus partout pour les présidentielles. L’unanimité. Sur le plan du parti, on a vendu les cartes au niveau des secteurs (la cellule de base du Pds) ; on a vendu 4,5 millions de cartes. On ne veut pas installer de sections au niveau des communautés rurales et communes ni de fédérations départementales ou de sous sections ou conventions régionales. Car cela va amener beaucoup de problèmes, d’ambitions et de bruits ; et en ce moment je n’en veux pas. Car ce serait casser le parti. Alors que moi, j’ai besoin de tout le monde. Cependant après les élections, les fédérations, sous sections et sections seront installées avec succès. Mais rappelez-vous comment on a installé les structures des femmes et des jeunes ; une vieille idée qu’on a empruntée à Senghor qui, même s’il n’a pas réussi un développement économique et social, a réussi à résoudre des problèmes politiques. Pour lui, si une élection est faite dans les instances, le tiers des sièges allaient à l’opposition. Il tenait tout le monde. Il y avait une opposition et pas deux. Et c’était les deux tendances du parti. La tendance A reconnue par le parti et celle dite B qui n’est pas reconnue par le parti. Et même si elle est déclarée perdante, on lui donne deux tiers des sièges. C’était un bon stratège, Senghor. Il prenait les minoritaires pour en faire les responsables du parti. Là où le majoritaire, devenu gérant de la minorité, passera tout son temps à réclamer ce qu’il n’aura jamais. Donc, quand je suis venu et que j’ai créé le PDS, les mécontents donc majoritaires m’ont rejoint, dont Yéro Kandé dans le Fouladou. Ce qui fait que le Pds a grossi rapidement avec les grandes tendances.
Avec le recul ne regrettez vous pas les départs de Idrissa Seck, Macky Sall et Aminata Tall ?
Non, je ne regrette pas leurs départs car c’est moi qui les ai sortis du gouvernement. Ils auraient pu rester dans le parti mais ils sont partis ; cela ne me dérange. Cela ne change rien. Ils ont tous été remplacés. Souleymane Ndéné Ndiaye est un bon Premier Ministre qui travaille très bien. Je n’ai aucun problème avec lui car il est honnête. A l’assemblée nationale Mamadou Seck gère bien et c’est un cadre de haut niveau, très honnête aussi. Ces gens là oublient que c’est le Pds qui leur a donné leur statut. Le Pds les a faits. Ils étaient des citoyens comme beaucoup. Inconnus au bataillon, mais intelligents. Avec la place que je leur ai donnée, ils ont pu acquérir une certaine notoriété. Et le jour où ils ont cru qu’ils avaient assez de force et qu’ils pouvaient partir, ils l’ont fait, pensant qu’ils avaient emporté un pan du Pds. Ce qui reste à prouver. Car Lamine Guèye disait que «voler un tamtam c’est facile, mais il faudra trouver le lieu pour le battre».
Si on compare avec le Ps, il a perdu en 2000, après les départs de Niasse et Djibo Kâ…
Non, moi, j’étais déjà majoritaire en 1978 et non en 2000, j’avais gagné et je devais affronter Senghor au deuxième tour face à Senghor. Mais j’ai négocié avec lui par le biais de Kéba Mbaye. J’ai accepté car je ne voulais pas trainer Senghor comme n’importe qui car c’est grâce à lui que j’ai eu un parti fort. Mais les intellectuels que j’avais à l’assemblée ne voulaient pas me bouder et mieux, je préférais collaborer avec lui que de me battre. En 1983, et même avant, 50% de mes députés m’avaient quitté. Le parti s’était affaibli. J’avais perdu 9 sur les 18 députés que j’avais. Et pourtant, je continuais à tenir car les masses rurales m’appuyaient. Par la suite, j’ai préféré rejoindre le gouvernement de Diouf car les élections coutaient beaucoup d’argent et l’expérience nous manquant, nous avons décidé de rester dans le gouvernement. Mais à la veille de 2000, j’ai quitté et Diouf, avec la collaboration qu’on avait, m’a demandé si je pourrai battre campagne avec lui. On s’est séparés dans de bonnes conditions, en gentleman. Et lors de la campagne, Diouf a gagné au premier tour et au deuxième, Niasse m’avait rejoint et j’ai gagné. Niasse et moi avions bien collaboré. Il était mon Premier Ministre. Mais ce qui nous a fâchés, c’est qu’il voulait être à la fois Premier Ministre et Président, surtout à l’extérieur. Une grave erreur d’appréciation. Jouant un double –jeu. Ce que je savais. Mais quand j’ai dit que le Burkinabé à Abidjan est plus heureux à Paris qu’en Cote d’Ivoire, ce que personne n’osait dire en ce temps là avec tout ce qui se passait, il a dérapé. Alors que lui ne savait pas que moi je ne suis pas un diplômé avec ces machins de salon et des baisemains. Ce que j’avais dit aux autorités abidjanaises. Mais deux jours après, lui mon Premier Ministre, va à Abidjan pour leur dire que «Lui c’est un incendiaire, moi un Pompier». Ce qui ne pouvait pas passer car il n’y avait plus de solidarité. Quand je fais des bêtises, il assume ou il s’en va. C’est comme çà. Il n’avait pas compris que je voulais provoquer le choc auprès des autorités de la Côte d’Ivoire en ce temps là. Et, je lui ai dit : « si tu es un Pompier, va éteindre tes incendies ailleurs ; moi j’éteindrai les miens ».
Votre ancien ministre des Affaires étrangères, pour ne pas citer Cheikh Tidiane Gadio, est un de vos pires pourfendeurs à l’Etranger. Cela vous embarrasse-t-il ?
Non. En ce temps, Gadio sortait de l’Université avec son Doctorat. Et, puisque j’étais très porté à recruter les jeunes diplômés et que je n’avais pas assez de monde pour la Communication, je l’ai nommé ministre des affaires étrangères, acceptant même qu’il me nomme un de ses amis, qui n’était pas diplomate, comme ambassadeur à Washington. Un gars qui n’a rien fait de bon. Ayant étudié aux Etats-Unis, il a noué des relations sur mon dos. Alors que moi, je disais partout qu’il était un des meilleurs Ministres des affaires étrangères d’Afrique. Je lui ai fait confiance comme avec tous mes ministres. Mais quand je fais des louanges comme çà, l’individu doit savoir que c’est pour performer son image. Finalement, je me suis débarrassé de lui car il commençait à tisser sa toile et à marcher sur les plates bandes du Président. Il a demandé de l’argent à des Chefs d’Etats qui me l’ont dit pour financer sa campagne électorale.
Mieux, il se servait beaucoup de ses relations pour demander de l’argent à des Etats. Pour les Etats-Unis, juste avant son départ, on avait bouclé le MCA, étant donné les bonnes relations que j’avais avec le Président Bush, il était normal que le Ministre des affaires étrangères du Sénégal ait de bonnes relations avec son homologue américain. J’ai reçu le MCA des mains de Madame Clinton. C’est ce jour là que j’ai compris que je me séparerais de Gadio. Je vous le dis très franchement. Il n’a pas relu son discours. Son discours était concentré beaucoup plus sur lui que sur le Président. Et au seul moment où il a parlé de moi, j’ai senti qu’il a du faire un grand effort pour parler de son Président. Vous savez, on n’est pas des enfants de coeur. Alors, j’ai tout de suite compris, et j’ai constaté que c’est fini. Et quand j’ai mis fin à ses fonctions, il est allé se plaindre chez Madame Clinton qui, à l’occasion d’une rencontre, m’a dit : «Monsieur le Président de la République, Cheikh Gadio, il faut lui donner quelque chose. Je dis d’accord, je vais l’appeler, je vais lui donner quelque chose. Mais je ne peux pas le reprendre comme Ministre des affaires étrangères.» J’ai dit que je suis prêt à le reprendre pour un poste, mais il a pensé qu’il avait ses bases suffisamment consolidées pour aller de lui-même à la conquête du pouvoir.
Mais vous savez, la vie, c’est tout cela! Et quand je regarde ce qui se passe en France, il y a des parallélismes extraordinaires. J’apprends aussi à connaître les hommes à travers ce qui se passe au Sénégal. Je connais tous les acteurs. La règle est la même : vous donnez une fonction à quelqu’un, mais c’est rare de trouver quelqu’un d’assez honnête pour réaliser sa mission. Qu’il en tire de la notoriété, c’est tout à fait normal. Moi-même je fais la propagande de mes collaborateurs en disant : «J’ai le meilleur ministre de la Santé, le meilleur ministre des Affaires étrangères …». Mais chacun doit savoir la ligne rouge à ne pas franchir. Mais, Gadio est allé trop loin. Ce que la plupart des gens ne savent pas. Mais il se dit, ce qu’a fait Wade là, pourquoi moi je ne le ferai pas ?
La transition est trouvée, c’est également l’élection présidentielle en France et aux Etats-Unis. Barack Obama et Nicolas Sarkozy ont-ils des chances de rempiler? Et quels sont vos rapports avec ces deux Présidents ?
Je dois dire que j’ai d’excellentes relations avec Sarkozy que j’aime bien. Nous pouvons dire que nous sommes des amis sur plan de la pensée politique. Malgré certaines tendances dans son entourage, il n’a jamais changé en ce qui me concerne. C’est cela qui est important. Certains, dans son entourage, étaient mes adversaires déclarés. Ce dont je me moque éperdument ! Je voudrais que vous écriviez çà tel que je l’ai dis. Parce que les élections ne se passent pas en France, ni aux Etats- Unis, mais ici au Sénégal. Donc si quelqu’un s’avise à s’élever quelque part contre moi, tant pis pour lui. Ça n’aura aucune incidence ici au Sénégal. Donc Sarkozy a toujours remis les choses en place quand on a essayé de lui dire : voilà, il faut demander à Wade de ne pas se présenter, des histoires comme-ça. Il sait quand même jusqu’où ne pas aller. Donc, nous avons d’excellentes relations. Et j’espère qu’il va gagner. Il n’a pas encore tout à fait perdu, mais vous savez en politique…j’espère qu’il va gagner. J’ai d’excellentes relations avec lui.
Et Obama ?
Pour me résumer, je ne suis pas de relations avec Obama. Je n’ai que des relations officielles avec Obama. Bush était mon ami. Ce n’est pas parce qu’il est vaincu que je le dis. Je ne le cache pas. Nous étions très proches. Il me consultait sur certains évènements. Sur l’Irak, avant de bombarder, il m’a téléphoné, pour me demander mon point de vue. J’ai pu avoir une petite influence, je l’ai déjà expliqué.
Sur les problèmes d’Afrique et tout autre, il me demandait mon avis. Obama, évidemment, c’est autre chose, mais le paradoxe, Obama est un démocrate et moi, le premier parti avec qui j’ai eu des relations quand j’étais dans l’opposition, c’est le parti démocrate. C’est moi qui ai suggéré à Abdou Diouf d’appeler le NBA à venir au Sénégal pour nous aider à élaborer un code électoral. Et les gens du NBA étaient des amis. Ils ont de bonnes relations avec Ousmane Ngom qui était le représentant du parti.
Donc moi, j’étais plus en rapport avec le parti démocratique. Le parti Républicain, sa fondation n’est pas très, très active. Et à l’époque de Bush, j’avais nos seulement des relations à la Maison blanche, mais aussi au Département d’Etat américain. C’est moi qui ai amené Idrissa Seck pour le présenter à Bush, en présence de Condoleezza Rice. Et Condoleezza Rice a rectifié Idrissa Seck qui avait dit qu’il était à Princeton avec Condoleezza Rice. Et Condoleezza Rice a dit : « je ne te crois pas, parce quand j’étais à Princeton tu devais porter la culotte…» (rires). Il a besoin de se construire un monde imaginaire. C’est moi qui l’ai amené et je l’ai présenté avec beaucoup d’éloges, comme j’ai l’habitude de le faire. Et j’ai dit à Bush que je tenais à lui présenter Idrissa Seck qui a fait Princeton, qui était brillant etc.
Moi, je n’ai pas de retenu pour ça. J’ai dis ce que je pensais de lui. Parce que, je pense que c’est tout à mon honneur quand il y a un Sénégalais qui a fait des choses, qui a des diplômes. Donc Obama, nous avons des relations de travail. Il est Président des Etats- Unis, je suis le Président du Sénégal. Donc nous nous rencontrons parfois, à l’occasion des sommets de New-York pour dire deux ou trois mots, comme tout le monde. A l’occasion des sommets du G8 où je suis toujours invité, on bavarde. Mais avec lui je n’ai pas les mêmes relations que j’avais avec le Président Bush.
Certains confrères sénégalais disent que vous courrez toujours derrière une audience avec Obama. Qu’en est-il exactement ?
C’est faux ! Ecrivez-le, je n’ai jamais demandé une audience auprès de Obama. Qu’est-ce que je vais lui raconter. Mois je n’ai rien à lui dire. Non, moi je ne cours pas derrière les audiences. Si lui, il estime que je présente suffisamment d’intérêts pour qu’on discute, il m’invite, c’est bon ! Je n’ai pas non plus demandé une audience à Bush. Je ne demande pas d’audience. Je ne demande même pas d’audience à Sarkozy. Vous comprenez, mais je le vois. Je lui parle au téléphone, c’est tout. Comment voulez-vous qu’un Président qui se respecte aille demander une audience.
Une dernière question. Vous qui êtes en permanence dans la prospective, comment voyez-vous le Sénégal à l’horizon 2020 ?
En tout cas, ce que je peux vous dire, ça dépend de l’homme qui va diriger le pays. A 100%, ça dépend de lui. Parce que les grandes décisions, c’est un Chef d’Etat qui les prend. Si après moi, on a un Chef d’Etat qui a un horizon large, qui soit un homme réaliste, travailleur, il faut qu’il soit travailleur, lucide, parce que si on n’est pas lucide, on prend n’importe quelle décision. Moi, je ne crois pas avoir commis des erreurs dans ma carrière politique. Je ne crois pas ! Parce que je prends toujours le soin de demander les avis. Le Sénégal pourra tirer son épingle du jeu. S’il y a quelqu’un qui gère les choses au jour le jour, qui n’a pas d’imagination, qui n’est pas capable d’imagination, qui est incapable d’aller à l’extérieur amener des ressources, un Président qui n’a pas la confiance des bailleurs de fonds, qui n’a pas construit un Sénégal fiable, eh bien, le Sénégal va reculer. Et s’il recule un tant soit peu, c’est irréversible. C’est pourquoi, il faut souhaiter que les Sénégalais après moi, choisissent quelqu’un de lucide. Dieu seul sait quand est-ce qu’il va arrêter ma mission. C’est Dieu qui m’a mis là.
Quand ma mission sera terminée, je connaîtrais d’ailleurs mes indices, Dieu me fera comprendre que ma mission est terminée, en ce moment là, il faut prier pour que le Sénégal ait quelqu’un de lucide, quelqu’un de généreux, quelqu’un qui ne soit pas méchant, qui pardonne mais qui n’est pas faible. Parce que la faiblesse n’est pas acceptable en politique. Il faudra beaucoup de qualité à ce Sénégalais. Heureusement, il y a un éveil même de la jeunesse. On ne peut pas raconter n’importe quoi, comme un conte de fée. La deuxième dimension du Sénégal, c’est l’Afrique. Il faut que l’Afrique évolue en même temps, connaisse une croissance et élimine la pauvreté. Et je crois que l’Afrique est sur une bonne voie. Si on réalise l’unité, l’unité politique au niveau de la CDEAO, ou l’unité politique au niveau du Continent, je vous assure qu’on fera un grand pas.
Source : «Le Pays au Quotidien» (édition n°XX du mardi 11 octobre 2011)
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