Ils étaient sagement installés autour d’un verre sur des terrasses de café, de restaurant, pour discuter, déguster un plat. Ils étaient dans une salle de spectacle pour assister à un concert de rock. Ils étaient au Stade de France pour assister à un match de football. Ils étaient pour la plupart des jeunes de leur époque, poussés par l’envie de se détendre, de profiter de la vie et de la croquer à pleines dents. Et des gens qui ont contracté un bail avec la mort leur ont volé leur respiration et leurs rêves en vidant leurs chargeurs, en actionnant leurs ceintures explosives dans le seul but de tuer le maximum de personnes. Portés par leur aveuglement, il leur suffisait de faire couler le sang. L’horreur ! Quel mot autre pour rendre compte de ce qui s’est passé dans la nuit de vendredi à samedi , à Paris : 132 morts et 352 blessés dont 99 en « urgence absolue ».
Cette horreur qui continue de s’exprimer dans nos pays, au Nigéria, au Cameroun, au Tchad ou en Irak, en Afghanistan, au Liban et qui s’était déjà exprimée aux Etats-Unis, en Norvège, etc., nous exhorte à prendre la mesure de l’ ampleur de la folie absolue, aveugle, ivre d’elle-même dans laquelle le terrorisme ambitionne de plonger le monde.
Aussi comme a prévenu le Pape François, sauf à vouloir blasphémer, l’on ne saurait utiliser le nom de Dieu, convoquer une quelconque religion, même si nombre d’entre les terroristes se font sauter ou déchargent leurs kalachnikov au cri de “Allahou Akbar”. Pour autant, cela n’en fait ni des Musulmans ni des fous de Dieu ni des fous de religion. Ce sont tout simplement des fous, dans le sens d’une raison qui a perdu ses repères pour basculer dans la bestialité la plus immonde.
Alors, que Daesh ou autre BokkoHaram soient des monstres enfantés “par les politiques de certains gouvernements eux-mêmes”, comme tentent d’expliquer certains, laisse perplexe car rien absolument ne peut justifier le terrorisme. D’ailleurs, faut-il le rappeler, si ce qui s’est passé à Paris, à New York, dans les villes et villages du Nigéria et sous d’autres cieux de la planète nous émeut et nous touche si profondément, c’est parce qu’on y a tué à l’aveugle et que les victimes y ont le visage de l’innocence. Il revient par conséquent à tous les hommes et femmes épris de paix de défendre les valeurs et les modes de vie qu’ils ont librement choisis .
Paris qui fait la Une du monde entier depuis cette tragique nuit de vendredi a d’ailleurs bien mesuré les enjeux en prenant le parti de sortir dans la rue, en dépit de l’instauration de l’état d’urgence, pour se rassembler, entrer en résistance et faire face à l’adversité. C’est cet élan de combat et de formidable solidarité qui mériterait de se répandre en Afrique. Comment en effet comprendre qu’il n’y ait pas eu une déferlante d’indignation autochtone et africaine après ce qui s’est passé récemment au Mali ou des gens venues d’on ne sait où y ont imposé une vision caricaturale de l’islam, piétinant les croyances locales, détruisant la mémoire collective, rasant les mausolées, etc., ?
Comment comprendre qu’il n’y ait pas eu une indignation autochtone et africaine lorsque BokkoHaram pour marquer sa détestation de l’école occidentale a kidnappé à Chibok (Nigéria) plus de 200 jeunes écolières âgées de 12 à17 ans pour en faire des esclaves sexuelles ? Comment comprendre qu’il n’y ait pas eu une indignation autochtone et africaine lorsque des Chebab se sont livrés à un véritable massacre à l’Université Garissa (Kenya) en exécutant sommairement au petit matin quelques 147 étudiants assoupis dans leurs dortoirs?
Il y a d’autant plus à se poser des questions si l’on sait que l’Afrique paye un lourd tribut à la folie terroriste qui n’épargne aucun coin du monde. Quelque 13.000 personnes ont ainsi été tuées au Nigéria, depuis 2009. Des Musulmans pour la plupart , victimes de kamikazes bardés de ceintures d’explosifs qui n’hésitent pas à se faire sauter dans des mosquées bondées de fidèles. On peine à comprendre pourquoi ni les peuples ni les gouvernants n’ont sonné la mobilisation générale. Comme si beaucoup d‘entre eux ne se sentaient pas interpellés, oubliant que nul n’est à l’abri et qu’il s’agit avant tout de défendre notre “commune volonté de vie commune” dans le respect des convictions et des croyances de tout un chacun. Ce qui vient de se passer au Sénégal, pays connu pour la qualité de son dialogue religieux fondé sur la paix et l’acceptation de la différence, avec l’interpellation de trois imams soupçonnés de s’être livrés à une apologie du terrorisme établit clairement que la vigilance doit être de tous les instants en ces temps d’incertitude. Comme le disait Albert Einstein : “Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire”. Ce qui oblige à un minimum de consensus et de concertation pour préserver un rêve d’avenir partagé. Celui qui rend possible le vivre ensemble. Nous sommes tous concernés !
Vieux Savane
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