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Obama: le droit de ne plus rêver

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Longtemps après le siècle des lumières, au cœur de celui que les détracteurs de l’afro pessimisme considèrent comme celui de l’Afrique, certains congénères en sont encore à se laisser exciter la fibre raciale et émotionnelle par la visite du Président des Etats-Unis en Afrique, avec en prime cette fausse fierté selon laquelle c’est un Africain. Chika Onyeani, rédacteur en chef du magazine africain Sun-Times basé aux Etats-Unis vient d’établir que Barack Obama a échoué en Afrique, simplement parce qu’il fera face à une question récurrente à son retour sur le continent où il a suscité tant d’espoir de par ses origines kenyanes : Qu’avez-vous fait pour nous Monsieur le Président ? Le conseiller adjoint à la sécurité nationale à la Maison blanche, Ben Rhodes, reconnaît que l’absence du président Obama est une grosse déception sur le continent.

Mais beaucoup se refusent de constater pour le comprendre qu’il fait plutôt valoir par rivalité géostratégique que la Chine, la Turquie et le Brésil notamment, ont développé leur pénétration en Afrique ces dernières années. En effet, les Chinois sont devenus en 2009 les premiers partenaires de l’Afrique, d’après l’Organisation de coopération et de développement économique. Mieux encore, une étude publiée par le groupe de réflexion Center for Global Development indique que la Chine a investi 75,4 milliards de dollars en Afrique au cours de la période 2000-2011, ce qui représente environ un cinquième du total des investissements sur le continent, pas très loin des montants dépensés par les Etats-Unis à concurrence de 90 milliards de dollars. Il se dit que les Chinois sont moins regardants sur les conditions ou prennent plus de risques dans certains pays et secteurs comme les mines, le commerce, les infrastructures et la construction ; là où les Etats-Unis se poseraient en gendarme de la démocratie et des droits de l’Homme. Un modèle d’apparence et de mésestime.

Il transpire clairement des aspirations américaines des intérêts d’Etat, que l’ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal, Lewis Lukens, ne dissimule d’ailleurs pas dans son adresse à la presse sur les objectifs de la visite de son Président : « la croissance économique, l’investissement et le commerce, renforcer les institutions démocratiques et investir dans une nouvelle génération de dirigeants africains« . Du haut de sa fonction de Président de la plus grosse puissance mondiale, Obama s’affiche même sans le vouloir en distributeur de prime de bonne démocratie en faveur des pays qui auront l’insigne honneur d’accueillir les trains du Air force One.

Mais au-delà des coups émotionnels plus de 150 ans après l’esclavage, les dirigeants du pays de Léopold Sédar Senghor gagneraient à mettre le pays au travail, pour rendre la production agro-industrielle plus compétitive et à même d’élever Dakar au panthéon des grandes économies de la planète. Le folklore nègre et les simagrées superflues qui inondent les médias devraient manquer de place dans ce type de business politique, pour que la raison prime sur l’émotion. C’est une opportunité. A ce sujet, l’infatigable avocat Me El Hadj Diouf, moins chauvin, affronte la réalité que tout le monde redoute et la regarde bien en face : Les Chinois travaillent pour le succès de la Chine, les Japonais ont travaillé pour la prospérité du Japon…

Les Sénégalais n’ont donc qu’à faire de même. Obama ne portait-il pas lui-même au Ghana en 2009 le même postulat ? « il revient aux Africains de décider de l’avenir de l’Afrique« . L’onde de choc de l’accès à la Maison blanche d’un fils du Kenya continue d’irradier certaines sociétés en voie de développement sur le continent noir, mais force est bien d’admettre que cet homme est Américain, il n’est pas Africain et ne le redeviendra pas de sitôt. Oui ! Le monde est injuste et il en est ainsi. Sinon, cet élégant Obama se ferait fier-à-bras d’ignorer le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre Uhuru Kenyatta et toutes les autres considérations d’agenda politique, pour passer faire plaisir aux populations de Naïrobi. La sagesse recommande dorénavant un minimum de distance sympathique, eu égard à la principale caractéristique de la première visite d’Etat du locataire de la Maison blanche en Afrique. Etait-ce pirouette de communication riche de la rupture révolutionnaire et renouvelant l’hégémonie de cette vieille démocratie par l’éclosion du rêve négro-africain ?

Puisque certains n’y avaient en effet jamais cru ? Pourquoi pas, puisque le même visiteur de marque n’est pas le bienvenu chez les syndicalistes alliés de l’ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, sa deuxième escale de fin de semaine ? Tout comme le Muslims Lawyers association, les avocats musulmans qui appellent d’ailleurs à son arrestation. Tous reprochent au tout puissant dirigeant sa caution aux régimes oppressifs selon l’intérêt géopolitique, sa diplomatie parfois à la canonnière qui ne laisse que peu de place aux droits des peuples et, surtout, une forte militarisation des relations internationales. Ce dernier volet ressort des partenariats militaires et du curieux commandement pour l’Afrique, Africom, instauré en 2008 sans initiative multilatérale à même d’aider l’Afrique. Ce coup de gueule s’avérerait peut-être gratuit pour Dakar qui opère en division inférieure, mais dans le débat de la réduction des barrières tarifaires inspirée par l’AGOA (African Growth Opportunity Act), seules les économies compétitives pourraient imposer à cette puissance la modestie de mettre en œuvre une commission bilatérale. C’est aujourd’hui le cas de l’Afrique du Sud, dont les fruits et les produits avicoles inondent le marché américain au risque de créer des crises de déséquilibre que le Black economic empowerment sud-africain régule avec autorité. 90% des importations américaines en fruits et 3,2% des véhicules importés aux Etats Unis viennent du pays de Nelson Mandela, au moment où le Sénégal manque le courage de limiter ses importations en riz ; en oignon ou même en sel – son sel – faute de production efficiente. La vieille question d’Axelle Kabou du début des années 90 n’a-t-elle donc rien perdu de son sens : « Et si l’Afrique refusait le développement ? ».

Parce que, disait-elle, le sous-développement n’est pas dû au manque de capitaux… que « Les Africains restent largement persuadés que leur destin doit être pris en charge par des étrangers… par le refus de n’être que soi, de dépasser son sanglot de l’Homme noir« . Des raisonnements dont la désuétude a été proclamée par des exemples forts sur le continent et au moment où le Sénégal a toutes les raisons de croire qu’en plus de décongestionner sa démocratie passable, il peut marquer des pas plus grands et sauver cette jeunesse de plus en plus objectivement privée d’espoir.

Godlove Kamwa
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