Le Sénégal n’arrive pas toujours à trouver l’issue du labyrinthe dans lequel il s’est engouffré depuis son indépendance. La politique a toujours été considérée par la conscience publique comme un tremplin à même de mener le peuple vers le salut. Et pourtant, depuis plus d’un demi-siècle, la situation est la même : Les hommes politiques se sont emparés de l’engin de la république mais se perdent dans les dédales d’une gestion de l’état qui laisse à désirer.
D’abord, il y’a lieu de regarder de près la réalité. On évoque des concepts tels le « wakh wakheet », la volonté de moderniser la constitution, l’application de l’article 50 de la constitution donnant au Président de la République le droit de soumettre tout projet de constitution au référendum…En résumé, on applique à la réalité une appellation qui ne lui convient guère. A travers le fait devenu banal pour les hommes politiques de se contredire pour ensuite servir un « Ma tey ! » en guise de justification, on entrevoit le cachet du ridicule et de l’indignité. Un penseur sénégalais a théorisé le fait que le sens du mot « dignité » se trouve dans son écriture sans le mot « G ». C’est donc les fameux termes wolof « di nité » qui lui donnent tout son sens, et qui renvoient au fait de rester humain. Le proverbe nous enseigne qu’il est plus noble d’être un homme que de vouloir devenir un roi. Le premier repose sur la nécessité d’incarner les grandes valeurs faisant les hommes de culture les plus remarqués de leur époque alors que le second est devenu l’occasion pour un irresponsable de séjourner à la citadelle de l’impudeur ou s’entremêlent les ambiguïtés de la politique politicienne. Les hommes politiques oublient sans nul doute qu’ils ont affaire à une population à majorité non instruite. Et il leur faut apprendre cette leçon inspirée de la psychologie bien de chez nous : On n’évoque pas une ambition pour ensuite vouloir son contraire pour quelque raison que ce soit. Spéculer sur les mots ne devrait donc pas servir d’issue pour se tirer d’affaire. C’est par le contexte qu’on juge et non le texte ! La sociologue Fatou Sow Sarr avait raison de se demander s’il ne faut pas intégrer la spiritualité dans les critères d’éligibilité de nos Chef d’Etat. Là au moins la grande vertu l’aurait emporté sur les gamineries.
S’il faut ensuite évoquer notre constitution, il y’a lieu de se demander si la volonté du Chef de l’Etat, telle que prédit dans son discours, de vouloir la moderniser, n’est pas dépourvue de sens. La jurisprudence est devenue la source de confusion la plus grave qui puisse exister. Comment moderniser ce qui, depuis sa conception, a été inspirée par le « principe de l’occidentalisation ? ». Nos frères de la métropole n’avanceront guère une logique allant à l’encontre de celle-ci. Il y’a plus urgent que le fait d’appliquer un principe inspiré par une loi et faisant fi de la tenue d’un référendum. Le projet visant l’émergence est capital, et le temps moindre pour s’attarder sur des amalgames ou pire, dédoubler les personnages. Et il serait plus opportun qu’il commence par le fait d’adapter notre constitution à nos réalités sociales, économiques, politiques, culturelles et religieuses. On ne s’arme pas de couteau pour se rendre là ou les canons tonnent.
Enfin si l’on interroge l’Histoire, elle nous ferait sans nul doute comprendre que le scénario reste le même depuis l’indépendance. Il y’a toujours un grand écart entre les attentes des gouvernés et les volontés des gouvernants. Une situation qui peut être justifiée par le fait que le sénégalais lambda est plus sujet que citoyen. Le peuple sénégalais s’est vu dicter des inconvenances auxquelles il n’a pas réagi depuis plus d’un demi-siècle. Le verbiage incessant et les débats organisés à travers les médias sont assez souvent les seules réponses données au fait de légitimer des actes dépourvus de sens. On veut parler à une autorité à laquelle on n’adresse même pas la parole. Seul l’acte concret est susceptible de sauver une telle situation. Le malheur est qu’on n’a toujours pas des hommes en mesure d’entretenir dignement l’engin qu’est la république. Il ne faut pas que l’on perde deux fois.
CHEIKH AHMED TIDIANE NDIAYE