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Ombres et lumières d’une ville en otage: Dakar, cité bordel et bazar

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De 1946 au début des années 2000, le concept de ville moderne a presque disparu de la cité du bord de mer qu’est Dakar, pour ne laisser place qu’à un véritable imbroglio urbain. Le mot n’est pas fort. Ville double, triple voire multiple, Dakar et son agglomération sont encore en quête de voie nouvelle. De vrais projets d’urbanisme, d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, au moment où se termine la première décennie des années 2000, la ville comme l’Etat n’en trouvent pas. Et, il semble que le projet de ville intelligente et fonctionnelle est du domaine des rêves. Le concept n’est même pas d’actualité.

Malgré les efforts gigantesques de l’Etat, la question reste la même : à quand la ville finalement ? Citoyens et spécialistes se posent encore la même équation sans trouver de réponses. Près de deux siècles sur la ville après les premières esquisses du Plan Pinet Laprade qui date de l’année 1862 n’ont pas encore de fait de Dakar, la cité presque parfaite dont rêvaient les citoyens sénégalais du siècle dernier. Jusqu’à une date récente, deux grandes dates marquaient, selon les spécialistes de l’urbanisme, de l’architecte, de la planification et du management urbain, l’histoire de la ville de Dakar : son premier tracé urbain qui remonte à 1862 et le plan de 1946 qui amorce le début de la vraie urbanisation de la future métropole ouest-africaine. Mais, cela pourrait seulement suffire pour l’histoire d’une grande ville ?

Aujourd’hui, en dépit des efforts de l’ancien régime socialiste sous Senghor et Abdou Diouf, chacun ayant laissé une touche, Dakar tente une troisième voie : celle de Wade et de ses alliés. A travers de nouveaux aménagements voulus plus fonctionnels parce volontaires, et plus énergiques pour repousser les tabous. Un urbanisme sans nom qu’on peut taxer de volontariste qui ressemble bien à autre voie tracée par les autorités sénégalaise. La troisième voie, pour dire, la voilà, marquée par quelques bonnes inspirations, mais aussi par le rattrapage de certaines mesures bloquées sans raison, à une certaine époque qui a fini de donner à certaines poches de la cité, une autre image et un visage tout a fait contraire.

Mais, en dépit de tous ces efforts qui rappellent les planifications volontaristes à la soviétique, Dakar a-t-il vraiment changé ? A-t-on choisi une voie plus souple de fonctionnement pour la ville ? N’a-t-on pas plutôt enfermé la cité dans le carcan de béton au détriment de la terre, de l’eau et de la bonne fourniture d’électricité en ouvrant la ville sur des notions plus intelligente, plus verte et plus durable tout simplement. La réponse est toute trouvée quand on se promène le soir sur les grandes voies, aux abords des grands marchés.

Deux types de réponses d’ailleurs : l’obscurité, en dépit de la présence de lampadaires partout. Les odeurs parce que les marchés jusqu’ici ne font pas l’objet d’une véritable organisation administrative. Ils sont restés des espaces de commerce et sales. Sinon très sales. Peu ou plus du tout fonctionnels parce qu’inadapté au gigantisme débordant de la vieille cité, des marchés comme Sandaga, Castors, Hlm, Tilène sont dans un état terriblement angoissant.  De l’autre côté de la ville, les marchés au poisson et de la viande (Seras) sont des zones de non droit où la mairie comme l’Etat ne connaissent rien du calvaire que vivent les femmes, les hommes qui opèrent dans ces lieux insalubres, empestées d’odeurs en tout genre au détriment de la santé des offreurs de services, de nourriture et des acheteurs qui sont d’ailleurs de plus en plus rares à certains endroits.

A côté de ces fléaux, un autre plus grave s’est maintenu depuis l’aggravation de la crise économique du début des années 1980 et qui a fait de la ville le principal réceptacle de tous les vices d’une société qui va mal.  Jamais une cité n’a été autant envahie que Dakar. Dans une capitale sans aucune perspective d’organisation durable, les enfants de rue sont devenus les enfants de la crise.  Ils sont dans la ville. Sont ses produits sinon ses excréments et ses déchets parce sécrétés par celle-ci. Ils trainent partout accompagnés des fois par des adultes qui les utilisent. Et même si récemment, une mesure gouvernementale a voulu réglementer la mendicité, il se trouve que celle-ci reste difficile à circonscrire.

La rue est devenue un marché, une boutique et un lieu d’échanges comme un autre. Et la crise toujours elle, a été le prétexte qui a renvoyé les forces vives de toute les campagnes sénégalaises et ouest-africaines victimes parfois des crises politiques sans fin comme en Guinée, en Sierra Leone, au Libéria, en Guinée Bissau dans la ville. Résultat, la nuit, les galeries des grands magasins sont devenus des dortoirs de centaines de sans abris dans le centre ville. Autour des banques, des marchés, des gares routières, nombre de personnes qui s’activent la journée dans les petits métiers de débrouille (cireurs de chaussures, laveurs de véhicules, marchands ambulants etc.) dorment sur le sol, le soir venu dans l’indifférence général des autorités municipales, de l’Etat, des passants.

Alors où est la planification ici ? Où se trouve l’intelligence ?

Au-delà de la caricature…

Une cité qui masque ses laideurs

Nouvelles enseignes, marchés construits ou réaménagés, supermarchés nouveaux vendant des marques dernière génération… Est-ce seulement cela le nouveau Dakar ? La question est posée quand on voit l’engouement actuel autour de l’espace Sea Plaza, le Nouveau Casino du côté du quartier des Almadies. Mais quel dakarois y va ? Qu’est-ce qu’on y vend ? Ces questions symbolisent en quelque sorte, les nouvelles factures dans la ville avec des espaces seulement réservés aux riches opposés à l’anarchie terrible qui a lieu dans les banlieues destructurées, sans plan, livrées aux intempéries et catastrophes de la nature (les inondations par exemple).

Innovation. Un secteur le symbolise à savoir l’immobilier. De nouveaux designs et des technologies nouvelles prennent place. On voit apparaître le verre à la façade des immeubles comme dans les nouvelles villes d’Arabie (Abou Dhabi,  et encore comme à Dallas, las Vegas et encore. Simple imitation, ou nouvelle tendance, la ville change. Dans le domaine des transports urbains et des infrastructures, des nouvelles sociétés de taxis sont apparues. Certaines dotées de voitures de luxe, pour une clientèle choisie à dessein ; une première au Sénégal.

Mais, dans ce secteur marqué par son manque d’organisation, l’Etat laisse faire sur les prix. Et ceux-ci varient en fonction de l’annonce sur le marché international des hydrocarbures, d’une hausse du prix du baril du pétrole. Exit les compteurs, vive la débrouille ; c’est un jeu entre le client et le chauffeur. Il faut marchander. Coté infrastructure, l’autoroute à péage file lentement et presque sûrement, vers Pikine, Thiaroye sur le chemin de Diamniadio. Projet nouvelle génération, elle est avec l’aménagement du nouvel aéroport de Diass, le symbole de l’innovation à la sénégalaise en matière d’infrastructures.

Un véritable bunker

Les Sénégalais applaudissent, en attendant de savoir quand est-ce que ces deux « monstres » de béton leur seront livrés. Si la fonction de ces deux ouvrages est de congestionner la ville de Dakar et son agglomération, l’un ne va pas sans l’autre. Car pour libérer les voies de sortie ou d’entrée dans la capitale, il faudra forcément contourner Rufisque et de très loin, par l’est, cette ville qui bloque sérieusement l’accès vers la ville. Véritable épreuve pour les voyageurs, les sociétés de livraison de marchandises diverses, l’étape de Rufisque est une erreur d’urbanisme et d’aménagement qui n’a jamais été marquée par une quelconque correction ou un effort de contournement. Comment expliquer sinon qu’on puisse faire seulement sur une distance de 80 km, une moyenne de deux heures et demie ?

Bloquée sur ce point, Dakar ressemble à un « bunker » dénoncé par les planificateurs depuis l’indépendance. Dans cette ambiance marquée par le désir de modernisme en, vogue du pouvoir de Wade, les vraies mesures d’urbanisme manquent. Elles ne semblent pas être la priorité. La faute à l’insistance, selon certains observateurs, d’une véritable politique d’aménagement du territoire. Etouffé dans d’autres secteurs, l’aménagement du territoire n’a jamais eu le rôle qui devait être le sien à travers le regard qu’on ces experts sur la planification de l’espace national, l’aménagement des grandes voies d’accès, des relations villes-campagnes, dans le respect et la protection des espaces fragiles (champs et zones de maraîchage, bord des rivières et du littoral, zones industrielles, zones à risques, zones d’habitation etc.)

Mais, va-t-on rester dans ces constats remarqués et dénoncés depuis plusieurs décennies ? Pour devenir vivable et plus aérée, l’agglomération dakaroise a besoin de s’élargir de manière intelligente à ces espaces comme Rufisque, Bargny et Diamniadio. Cela à travers des mesures énergiques accompagnées par une vraie politique d’aménagement du territoire.

sudonline.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Article très pertinent à mon avis l’Etat à tendance à fermer les yeux sur les dossiers prioritaires et c’est vraiment dommage pour notre cher pays qui ne mérite point un tel traitement.

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