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[Opinion Blog] L’irrecevabilité par la méthode PAR Abdoul Aziz DIOP

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Qu’ils soient des étrangers ou qu’ils soient bien de chez nous, les juristes qui ont pris part au vaudeville juridique des Forces alliées pour 2012 (FAL 2012) du lundi, 21 novembre 2011, ont eu en commun le maniement du droit sans la méthode. Par méthode, il faut comprendre ici la manière dont les spécialistes du droit organisent leur raisonnement pour parvenir à démontrer avec rigueur, logique, cohérence et objectivité une solution juridique.
Préposé à la distribution de la parole, Michel de Guillenchmidt conclut que l’aveu fait par le président (réélu) Abdoulaye Wade en février 2007 de ne pas pouvoir se présenter pour un troisième mandat en 2012 pour avoir bloqué «sa» Constitution n’était qu’un «commentaire». Bien que le commentaire soit – pour la plupart des dictionnaires de langue française – voisin de l’interprétation, M. de Guillenchmidt se garda de parler d’interprétation juridique de la Constitution de janvier 2001 par son principal inspirateur pour éluder la méthode grâce à laquelle le professeur agrégé de droit et de science politique, Ismaïla Madior Fall, – un moment dubitatif – déclara publiquement la candidature du président Wade irrecevable. L’interprétation juridique et la méthode utilisée pour la faire sont si sérieuses en droit qu’elles permettent – à côté de la systématisation des normes juridiques – de fixer les limites d’une activité parfaitement autonome appelée dogmatique juridique. Parce qu’elle peut être faite par le juge, les avocats, la doctrine, etc., la dogmatique juridique ouvre un chantier fédérateur pour clore le contentieux constitutionnel actuel. Mais de quelle manière ? De nombreux participants avisés au débat, sur la recevabilité ou non de la candidature du président Wade pour un troisième mandat, laissèrent entendre que le problème qui se pose n’est ni plus ni moins qu’un problème de langue, croyant, de la sorte, se dédouaner de toute spéculation juridique sans issue. Pourtant, quand le langage utilisé – le français dans le cas d’espèce – ou la linguistique juridique servent de moyens d’interprétation au spécialiste du droit, on parle d’interprétation sémiotique pouvant, entre autres, permettre d’établir le caractère impératif (usage du verbe devoir) ou permissif (recours au verbe pouvoir) de dispositions juridiques. Mais plus appropriée encore est l’interprétation téléologique ou finaliste utilisée pour contrarier Wade et ses partisans par bon nombre de spécialistes. De quoi s’agit-il ? Un juge utilise ce type fondamental d’interprétation lorsqu’il se préoccupe de la raison d’être (la ratio legis) du texte examiné. Mais tout se complique dès lors que l’objectif visé à la création de la règle de droit importe plus que toute autre chose. Extrêmement difficile à trouver, la ratio legis induit trois variantes de raisonnement téléologique : le raisonnement génétique, le raisonnement systémique et le raisonnement fonctionnel. Ici l’interprétation génétique suffit à établir – une fois pour toutes – que le président sortant Abdoulaye Wade ne peut pas être candidat à sa propre succession en février 2012. Que doit donc faire le juge sénégalais des élections pour arriver à la même conclusion ? Il doit simplement se référer à la genèse du texte de janvier 2001 en déterminant dans un premier temps l’intention des rédacteurs mandatés de la Constitution ratifiée par référendum. Des rédacteurs sénégalais, vivants et jouissant de toute leur faculté physique et mentale, ne manquent pas, qui ont déjà dit au juge des élections que la ratio legis de la loi fondamentale encore en vigueur au Sénégal était de faire passer la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans et de s’en tenir au renouvellement, intervenu en février 2007, du mandat du président élu en mars 2000. Le grand sculpteur sénégalais Ousmane Sow dit avoir compté jusqu’à deux (2) de février 2000 à février 2012. C’est donc fini ! Et lorsque le juge des élections suspecte les rédacteurs vivants de la Constitution de 2001 de parti pris pour 36 raisons, il peut simplement se contenter de l’interprétation génétique du président Wade lui-même lorsqu’il disait, en mars 2007, qu’il s’interdisait de se présenter pour un troisième mandat en 2012 pour avoir écarté de son propre gré une possibilité de cette nature. Si le contournement des rédacteurs vivants de la Constitution de 2001 correspondait au respect d’une certaine éthique dans la réflexion juridique, ce respect deviendrait effectif à l’instant même où le juge des élections contrarie le candidat Abdoulaye Wade en lui opposant sa propre interprétation finaliste. Prenant de court les organisateurs du séminaire des Forces alliées, l’ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le doyen Seydou Madani Sy, s’appuyant, entre autres, sur l’histoire de la formation des règles de droit constitutionnel au Sénégal depuis 1960, conforta ses pairs constitutionnalistes.
Il y a 5 ans, les Sénégalais réélisaient le même homme qu’en mars 2000 pour un second mandat. Après avoir livré l’embarcation à la tempête, ce dernier continua à abuser de leur argent, à spolier leurs terres, à fouler au pied leurs us et coutumes, à houspiller leurs croyances, à chahuter leurs notabilités, à dresser les communautés les unes contre les autres et à promouvoir l’innommable. Pour cause d’impunité, il pense toujours pourvoir s’arroger la souveraineté des honnêtes gens. Les mêmes lui infligeraient l’ultime correction si les juges compétents ne l’écartaient pas de la course à laquelle il a lui-même dit n’avoir pas droit.
————————————————————————————————-FIN DE LA DEMONSTRATION JURIDIQUE—-

Abdoul Aziz DIOP
ISSIC, Dakar

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