A la vue de la marée humaine lors de l’inauguration du siège des fans club de Youssou N’dour à Thiés, l’idée d’écrire sur ce phénomène m’avait secoué l’esprit et je pris mon écritoire pour produire un recueil de poème intitulé « Youssou Ndour l’idole repère » écrit en wolof et en français. En wolof c’était « YOONU GUY GU REY GI »
Accompagné de Moustapha Sow, alors directeur de publication du populaire (l’observateur n’étais pas encore né), je rencontrais Youssou pour la première fois au Thiossane en présence de Dramé. Plus tard, à l’occasion d’une autre rencontre dans les locaux de XIPPI, je lui remettais en présence de Saint Louis Mané, ce recueil de poème à travers lequel je voulais contribuer à orienter les jeunes sur la lumineuse voie qu’il avait fini de tracer avec comme seul moyen le culte du travail acharné, le sérieux, la foi en soi, l’humilité, la patience et le courage. Un voyage pendant quelques années dans les pays de l’Afrique de l’Est m’a empêché de finaliser le projet de publication de ce recueil et de la proposition des projets qui devaient s’en suivre.
Ma conviction a toujours été que le contenu de l’impressionnant répertoire de You, basé sur les valeurs qu’ils a toujours incarnées, est un potentiel programme de développement à la base qui peut être très pertinent. Je me suis toujours dit que les problèmes que You évoquait dans ses chansons devaient et pouvaient être à l’origine d’activités concertées et menées par les jeunes en partenariat avec les plus âgés, hommes et femmes, les techniciens, les religieux, les associations, les groupements (de jeunes et de femmes), les enseignants ainsi que toutes les personnes ressources communautaires.
Autour des thèmes abordés de façon presqu’exhaustifs à travers les 300 titres de You, les communautés peuvent identifier les fondamentaux qui, jusque là, constituent des facteurs de blocage de leur développement, symbole de l’échec des politiques ou du système qui les a produits.
En 1980 déjà, à l’occasion de l’investiture du président Diouf, L’éminent Kéba Mbaye alors président du conseil constitutionnel disait, s’adressant au nouveau chef de l’Etat : « Monsieur le Président, les sénégalais sont fatigués » Senghor, entouré de hauts fonctionnaires, venait de boucler 20 ans au sommet du pouvoir décisionnel le plus élevé de notre pays.
En 1982, Diouf, fraichement arrivé au pouvoir, confronté à une crise naissante de l’emploi, lance l’opération maitrisards chômeurs. Ce fut pour l’essentiel un échec tout comme, plus tard, les départs volontaires des chaudes années de la controversée politique d’ajustement structurel. Vingt ans après, les sénégalais étaient toujours fatigués. Ce qui devait arriver arriva. Le régime du Président Diouf fut sanctionné, après avoir, à son tour, bouclé 20 ans d’exercice du pouvoir.
Arriva alors WADE avec son océan de promesses et d’espoirs. L’implication à côté de Wade, de quatre des candidats à la présidentielle, à des moments différents et à des postes qui toisent le sommet, n’a pas empêché le régime du champion des diplômes de sombrer dans la clameur contestataire, plus pour pleurer la fatigue des sénégalais que pour contester la validité de sa candidature, apparemment. Nous étions plus que jamais fatigués. Comme si nous étions, comme disait le poète, nés fatigués.
C’est, à mon avis, là où bien de politiques pour ne pas dire d’intellectuels ont semblé échoué que, quelque part, Youssou Ndour était, jusque là, entrain de réussir. C’est pourquoi mon propos, ici, ne se veut pas politique mais juste un appel à une petite réflexion. Est-ce que cet échec, somme toute relatif, signifie que les intellectuels africains étaient programmés/formatés pour ne jamais franchir une certaine limite et accéder à un certain niveau de production et de responsabilité ? En tout cas, beaucoup de conflits dans beaucoup d’Etat sont leur fait.
Voilà l’une des raisons pour lesquelles nous devons aider You à sortir de cette mare infestée de « crocodiles ». Les hommes politiques, les intellectuels j’allais dire ont plus échoué que réussi, du moins, à mon avis. Même si You accédait au sommet du pouvoir, il serait entouré d’une équipe d’intellectuels avec leurs forces et insuffisances. Des politiques allaient accourir, la tête pleine de petits calculs, avec toutes les tares politiquement congénitales.
C’est pourquoi, je lance un vibrant appel à You qui est un don du Sénégal pour lui demander de mettre en place une organisation internationale non gouvernementale, qui sera pilotée par une équipe pluridisciplinaire avec des représentations décentralisées, fondées sur toute la rigueur requise, pour porter jusque dans les cases les plus éloignées les secrets de sa réussite. Il s’agira, de rompre avec ce lots de pratiques longtemps entretenu par les politiques, à leur seul profit, et qui consiste :
- à formuler et soumettre au premier arrivé un chapelet de doléances
- à remplir la moindre réunion politique et applaudir à tout rompre à des gens qui leur parlent dans une langue qu’ils ne comprennent pas
- à se battre à mort pour des postes de sinécure
- à rester indifférent au plus petit problème auquel ils sont confrontés
- à croie que les agents des ONG viennent à eux avec toutes les solutions à tous leurs problèmes
- à se réfugier derrière le fatalisme
- à s’acharner sur les forêts comme s’ils ne voulaient plus voir d’arbres
- à occuper des postes sans connaître la moindre tâche
- à alimenter des mirages sur l’émigration et l’exode rural
- à avoir tendance à s’ouvrir plus qu’ils ne s’enracinent
- à exclure les personnes âgées dans la mise en œuvre de l’évaluation des besoins communautaires
- à creuser des clivages entre les différents segments sociaux etc, etc
Avec l’implication de You, à la tête d’une forte organisation internationale, appuyé par son imposant carnet d’adresse qui forge le respect:
– l’arbre à palabre pourra devenir ou redevenir l’assemblée communautaire du village
– les communautés pourront s’ouvrir tout en s’enracinant dans leurs traditions et cultures positives comme du reste, l’a fait You
– les ressources communautaires pourront être exploitées de façon optimale
– les communautés pourront se replier sur elle-même pour fouiller dans les entrailles de leurs potentialités les réserves qui alimenteront leur développement
– les jeunes retrouveront la confiance et la possibilité de s’épanouir en empruntant à You ses secrets
– l’indifférence cédera la place à l’engagement, à la motivation, à l’implication, à la persévérance et à la patience comme You l’a été
– la dépendance cédera la place à la confiance en soi,
– l’attentisme cédera la place à la prise d’initiatives et à la créativité
– les talents jusque là caché dans tous les domaines seront découverts, couvés, protégés et poussés vers l’éclosion
– le cadre de vie dans un environnement sain sera embelli, assaini comme l’ont été les rues et ruelles du pays grâce à un seul morceau de You : set, dans les années 80 déjà etc
Voila pourquoi j’ai envie de rappeler à You ce bout de phrase de l’une de ses chansons :
Ey You, li nga jàppoon ba mel ni, bu ko bàyyeeti jig na la
Restez la où vous êtes et ne bougez pas car un repère ne bouge pas et vous êtes un repère. En ce moment seulement, je pourrai reprendre ce vers :
Longtemps, encore longtemps, désorienté et désemparé, le jaloux gesticulera, et hurlera
La caravane de You elle, si lourdement chargée, de village en village, passera et repassera
Falilou Cissé, consultant en développement communautaire
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