Á l’occasion d’une cérémonie religieuse, le porte-parole de la famille a fait remarquer avec force à Ousmane Sonko que « la rue ne donne pas le pouvoir ». La rue, ce sont les manifestations et les violences qui l’accompagnent et que l’on attribue facilement à l’ennemi public n°1 à abattre et à ses militants et sympathisants. D’autres, comme lui, mettent toujours en garde par cette formule consacrée : « Fitnë kenn du ko yee ». Formule qu’on peut traduire en walaf ainsi : « La violence est à éviter, on ne la suscite surtout pas.» Laquelle formule n’est malheureusement prononcée que devant Ousmane Sonko et jamais devant le président-politicien. Ce qui pourrait signifier, dans l’esprit de ceux qui la prononcent, que tout est à mettre au compte du pauvre président de Pastef.
Ce serait quand même trop facile. Il convient d’abord de signaler qu’il n’y a de violences que lorsque les meetings et autres manifestations de l’opposition sont facilement, un peu trop facilement interdits par les préfets et sous-préfets du président-politicien. Je serai plus catégorique d’ailleurs : si ce président que nous n’aurions jamais dû élire, encore moins réélire avait respecté l’essentiel de ses engagements, le pays serait aujourd’hui dans la paix et la stabilité. Il n’y aurait certainement pas de cas Khalifa Ababacar Sall et encore moins de celui d’Ousmane Sonko qu’il faut aujourd’hui coûte que coûte éliminer, au besoin par la liquidation physique.
Peut-être même, qu’avec une « gouvernance transparente, sobre et vertueuse » mise en œuvre par une équipe de vingt-cinq ministres vraiment à la hauteur de la fonction tant sur le plan de la compétence que de la morale, nous ne connaîtrions pas Ousmane Sonko et Pastef. Les probables candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024 seraient en train de se préparer tranquillement et de nombreux compatriotes et principalement les jeunes de s’inscrire sur les listes électorales. Nous n’aurions sûrement pas comme ministre de l’Intérieur un Félix Antoine Diome avec les services qui l’entourent, ni une commission électorale nationale autonome (CÉNA) avec des membres pratiquement inamovibles et qui n’inspirent plus confiance.
Nous ne connaîtrions certainement pas les nominations issues du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) du 20 février 2023 présidé par le président-politicien avec, à ses côtés, un Ismaïla Madior Fall comme Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Je ne m’attarderai pas sur les quatre nominations surprises de hauts magistrats et d’autres éloignés des postes stratégiques qu’ils occupaient, et dont le président-politicien n’est pas sûr qu’ils iraient toujours, par leurs décisions, dans le sens qu’il souhaiterait. Notre indignation a été suffisamment exprimée par la presse, du moins une partie d’entre elle, notamment à travers des quotidiens et de nombreux débats devant des micros de radios et sur des plateaux de télévisions. Cette presse a joué le rôle que nous sommes en droit d’attendre d’elle.
Lors du CSM du 23 janvier 2023, le président-politicien s’était engagé à protéger fermement la justice, donc les magistrats. Ses nominations du 20 février sont nettement allées dans le sens contraire. Si elles s’étaient faites sur la base d’un appel à candidatures, au moins deux magistrats dont la presse nous a rappelé un certain passé peu glorieux se seraient gardés de faire actes de candidatures. Par contre, trois ou quatre, peut-être plus qui ont été éjectés de leurs postes stratégiques et affectés hors de Dakar pour certains d’entre eux, resteraient à leurs postes si telle était leur volonté. Ces nominations nous confortent encore plus dans notre défiance vis-à-vis de notre justice que l’on a tendance à appeler de plus en plus celle du président-politicien.
Ces nominations ne devraient pas mettre à l’aise les magistrats, du moins une partie d’entre eux. Apparemment, elles ne les gêneraient pas. Du moins, on ne les pas entendus s’exprimer sur la question. C’est vrai que leur statut peut expliquer ce silence. Cependant, si vraiment ces nominations ne les laissaient pas indifférents, leur Union (Union des Magistrats du Sénégal) pourrait se faire entendre à leur place. Naturellement, je n’émets ici que des hypothèses. Je n’oublie pas que je suis de la famille de Kër Kumba amul ndey. Cependant, j’affirmerai avec force que ce président-politicien a une manière bizarre de les protéger, eux et la justice qu’ils incarnent, ou qu’ils sont sensés incarner.
Les chefs religieux, chefs de confréries ne doivent donc pas commencer à se réjouir déjà de cet autre engagement qu’il a pris de les protéger, eux et leur religion. D’abord qui les menace, qui les met en danger, peut se demander le lecteur ? Naturellement, pour le président-politicien et son clan, c’est encore Ousmane Sonko et ses militants qui ont vraiment bon dos. Ils l’ont d’abord accusé d’être un salafiste, un ibaadou rahmaane et que si jamais il devenait président de la République, il s’emploierait à détruire les confréries. Ces accusations n’ayant pas produit les effets escomptés, ils ont changé de fusils d’épaules et se sont mis à inventer d’autres bêtises à mettre sur son compte. Je terminerai d’ailleurs par l’une d’elles, la plus grave et qui nous a valu les difficultés que nous traînons depuis plus de deux ans.
En attendant, revenons sur son engagement à protéger les chefs religieux, leurs confréries et leur religion. Cet engagement me fait penser à un adage walaf, celui-ci « Xanaa bala ngaa ne naam nefa ! » Ce qui, en français, signifie que tu ne peux pas répondre présent alors que tu es absent des lieux. En d’autres termes, pour respecter son engagement, il faudrait qu’il ait au moins une idée de ce monde qu’il veut défendre et protéger. Ce qui est loin d’être le cas pour quelqu’un qui ne sait même pas réciter correctement le plus court des çalâtoul fâtihi. Sa seule stratégie, c’est de faire croire à ces chefs religieux que leur seul ennemi, c’est Ousmane Sonko dont les militants les couvrent d’injures. Ce qui est loin d’être la vérité. Dans les réseaux sociaux, n’importe qui peut se créer un faux compte, se présenter comme un militant de Pastef, et couvrir d’injures qui il veut. D’autres encore se présentent sous de faux noms avec les couleurs de Pastef, s’en déclarent donc militants, et s’adonnent à leurs jeux favoris, qui font l’affaire des anti-Sonko. Un des responsables d’une sulfureuse « entreprise » israélienne a cité le président-politicien parmi la dizaine de présidents africains à qui ils ont prêté main forte pour gagner une élection. Pour le nôtre, c’était en février 2019. Le cheval qu’ils enfourchent pour accomplir leurs vilaines tâches, c’est le faux.
Les militants d’Ousmane Sonko seraient vraiment incohérents, s’ils se mettaient à injurier nos chefs religieux. Que gagneraient-ils à ce jeu-là ? Ils savent que leur président est un musulman pratiquant, dont les relations avec les chefs religieux sont de plus en plus belles. Je pourrais en citer un seul exemple qui ferait l’unanimité. Un autre événement majeur qui dément formellement le président-politicien et les siens, c’est la grande rencontre qu’il y a eu entre Ousmane Sonko et des doomu daara venus de tous les coins du Sénégal. Ces gens-là ne sont pas facilement manipulables. Ce sont des boroom xamxam qui savent où ils mettent les pieds et avec qui ils doivent cheminer.
Il faut donc que certains chefs religieux ou considérés comme tels arrêtent de prendre Ousmane Sonko pour seul responsable des violences et des incertitudes qui nous menacent. Le principal et peut-être le seul responsable, c’est le président-politicien. Lu njiin Njaaga, te mooy Njaag. Je l’ai fait remarquer plus haut et je le répète ici avec la même force : s’il avait respecté scrupuleusement les engagements qui lui ont valu d’être élu le 25 mars 2012, nous n’en serions pas là aujourd’hui. En particulier, le pays connaîtrait moins de tensions s’il avait respecté son engagement formel à ne pas briguer un troisième mandat. Malheureusement, tout indique qu’il ne respectera pas cet engagement et tient à nous imposer coûte que coûte ce troisième mandat, en s’appuyant sur ses forces de défense et de sécurité, ainsi que sur sa justice ou, du moins, sur une partie d’entre elle.
Le pays serait plus tranquille, plus paisible, plus stable encore si cette odieuse histoire de « viols répétés avec armes à feu et menaces de mort » n’avait pas été honteusement inventée, pour le seul objectif de se débarrasser d’un adversaire politique devenu finalement un ennemi qu’il faut éliminer coûte que coûte, au besoin physiquement. Honteuse histoire dont les auteurs, pratiquement tous connus aujourd’hui, ne risquent malheureusement aucune sanction, notre justice nous laissant de plus en plus l’impression de n’avoir l’œil que sur les pauvres membres de Kër Kumba amul ndey.
Dakar, le 1er mars 2024
Mody Niang Kër Kumba amul ney