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OUMAR SANKHARÉ OU L’ÉLOGE DU SAVOIR ! Par Amadou Lamine Sall, poète.

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Pourquoi ce temps du monde devient-il si gris, si sombre, si triste avec ce chapelet d’êtres chers qui partent, qui partent, qui partent… Ce n’est pas la mort qui est en question, car la vie est une maladie mortelle. Elle ne mène qu’à la mort. Ce qui est en question, se sont ces grands esprits brillants, au parcours presque unique et à l’expérience inestimable, qui s’éteignent sans que le jour ne revienne. Comme tel, nous ressentons la disparition de notre frère et grand professeur Omar Sankharé. Certes la vie s’en va, mais l’attachement et le souvenir restent et resteront.
En prenant la parole dans la maison mortuaire, à Thiès, ce douloureux mardi 27 octobre 2015, ils ont tous été unanimes à regretter que l’esprit et la pensée soient si minorés dans nos pays au profit des biens matériels, c’est à dire la quincaillerie. N’est-ce pas pour cette raison d’ailleurs que nos systèmes éducatifs ont atteints le fond du trou? Le Dieu argent a pris le dessus sur tout! Ce fut, parmi d’autres, le message poignant de l’avocat international maître Boucounta Diallo venu pleurer son frère avec qui il partage l’affection et la fidélité que l’on sait pour Léopold Sédar Senghor. A propos de Senghor justement, j’ai été si ému de voir le fils de Oumar qui porte le nom du grand poète. C’est dire combien le professeur Sankharé avait Sédar dans son coeur, tout son coeur.
Oumar Sankharé n’aura pas été de ces enseignants dont Mapaté Diagne disait qu’il valait mieux les payer à ne rien faire que de les laisser dans une classe. Avec Oumar, nous aimons et respectons les maîtres qui meurent pour leur enseignement. Il s’est engagé et a engagé sa vie au service du savoir. Se donner pour l’enseignement est un art profond et non seulement une volonté proclamée. C’est un acte de foi. C’est une résistance contre le pouvoir de l’aisance matérielle. C’est un combat et non un sacrifice. Le sacrifice est une défaite contre soi-même. Nos maîtres d’école d’antan étaient des diamants rares. La vie de Oumar n’était pas un parc de verdure où paissent des vaches grasses. Tant pis pour cette part d’existence qui s’est refusée à lui! Ce n’était pas le but de sa vie. Son choix de vie était de donner ce que les livres lui avaient donné, et au-delà, ce que lui même avait apporté au monde par la force de sa réflexion. Cela lui a souvent valu d’être incompris. C’est le risque du questionnement intellectuel sans lequel la pensée meurt. Dieu a beaucoup parlé aux aveugles, mais les aveugles se plaisent dans le noir. Ce que Oumar, homme d’esprit et de savoir, a laissé est inestimable dans nos cœurs. C’est en lettres de feu que l’histoire gravera son nom au fronton de l’Université et des lettres classiques.
Il nous a fallu attendre près de 50 ans pour voir un bel esprit accéder à l’agrégation de grammaire après Sédar. Combien de temps attendrons-nous pour en voir un autre accomplir l’exploit de Oumar? Notre jeunesse pourra t-elle tenir cette promesse? Et pourtant, il le faut pour que le Sénégal ne déçoive pas le Sénégal avec une postérité qui ne fera que tenir des hyènes en laisse. Le souvenir de Oumar doit nourrir notre imaginaire. Avec sa mort, puisse la nuit ne pas descendre sur l’autoroute si étroite des lettres latines et grecques! Il fut généreux. S’il lui est arrivé de garder une arme sous le nombril, c’est pour que la culture acquiert le respect qui lui est dû. Il a beaucoup vécu dans l’inquiétude. J’aimais sa compagnie, car il toilettait le monde pour le rendre plus juste, je ne dis pas plus beau, car il y a longtemps qu’il ne recherchait et ne trouvait la beauté que sur le Visage de Dieu. Oumar n’avait aucune dette avec sa croyance, sa foi. Un bon croyant sert mieux sa religion en la chantant qu’en voulant être son prophète. Il est fini le temps des prophètes. Mahomet est le dernier. C’est en allant, très jeune, déchiffrer et boire aux sources du livre saint, qu’Oumar a ciselé son esprit et son verbe. Il devenait thermique dès qu’il parlait des merveilles du Coran. Son extase était sereine mais si contagieuse. Il était professeur et penseur, c’est à dire maitre de langue et maitre des hautes routes de montagne.
Nous le pleurons en sachant bien que l’on ne peut pas demander à Dieu de nous rendre ce qui lui appartient. En entrant d’un pas lourd dans le cimetière de Thiès ce mardi 27 octobre après la prière mortuaire, parmi une foule immense et recueillie, je cherchais des yeux la tombe de notre si cher Doyen Mbaye Gana Kébé qui nous manque tant. Et puis, suivant la foule vers le lieu où doit reposer Oumar, j’ai vu l’immense arbre aux feuilles tombantes qui ombrait sa tombe. Tout y était fraîcheur et paix. N’était-ce pas un signe ?
Comme l’évoquait Hugo pour une figure qu’il avait aimée et respectée, nous pouvons aussi dire d’Oumar Sankharé, cette belle figure des lettres et de la pensée, qu’elle sera une de celles qui ne disparaîtra jamais de notre horizon. Le temps loin de la diminuer, va l’accroître dans sa grandeur et son humilité.
Oumar, puisse ta disparition augurer demain d’une aurore pour notre jeunesse, à ton image. Tes étudiants sont venus nombreux, en silence, t’accompagner. Sur leur visage, il y avait bien les reflets d’une aurore. Ils ont appris de leur maître le temps à prendre pour forger le fer inoxydable de l’esprit. Ne sera pas Sankharé qui veut! Le chemin qui mène à la pensée et à l’éloge de celui qui l’élève, est fait de longs agenouillements devant les livres et les portes de la connaissance. Ils le savent.
Oumar te voilà devant Dieu! Nous savons qu’Il t’a dit en t’accueillant: « Te voilà des nôtres ». Et tu as pleuré comme tu pleurais avec nous dès que l’émotion t’étreignait. Ne pleurent que ceux dont les cœurs sont doux comme ceux des petits oiseaux.
Tu as retrouvé ton Senghor que tu as tant chanté. Joal aussi veille sur toi, 1er Salma! Tu ne peux être que plus heureux là-haut. Ici, la terre est pleine d’ulcères et ce n’est pas la dernière fois que nous parlerons de toi, Oumar.
Regarde donc : les anges t’applaudissent déjà. Dors en grâce. Nous regarderons tous les soirs le ciel et suivrons de nos regards ton étoile.
./.
Amadou Lamine Sall
poète

2 Commentaires

  1. Merci pour ce temoignage..un incompris dans un pays ou le voile de l’ignorance couvre bien des esprits et ou l’hypocrisie reigne en maitre sous la houlette de la course à la richesse. ..
    Dieu qui est le meilleur juge saura reconnaitre les justes.
    Rip prof!

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