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Ouza Diallo, Chanteur: «Ceux qui gèrent le Bsda gagnent mieux leur vie que les artistes»

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En ce jour marquant la fête de la musique, Wal Fadjri est allé à la rencontre d’un doyen de cette discipline artistique au Sénégal, un ancien membre de la commission de recensement des œuvres au Bureau sénégalais du droit d’auteur (Bsda).  Ouza Diallo de son vrai nom Ousmane Diallo crache ses vérités sur cette structure où il a siègé pendant dix ans. Dans l’entretien qui suit, l’interprète de Six Heures dénonce les miettes perçues par les artistes contrairement aux employés du Bsda, la politisation de la structure… Plein de regrets, Ouza Diallo s’inquiète de la lenteur notée dans l’installation de la Nouvelle société de gestion collective qui doit remplacer le Bsda. Il est prêt à prendre son bâton de pèlerin pour mener le combat.

 

Wal Fadjri: Souvent la polémique qui surgit quand on parle du Bureau sénégalais du droit d’auteur (Bsda), c’est le non paiement des droits d’auteur par des radiodiffusions…

Ouza DIALLO: Le directeur du Bsda a parfaitement raison de soulever souvent ce point. A Yaoundé (capitale du Cameroun), la radio nationale paie presque 325 millions de francs Cfa par an. Alors qu’ici la Rts ne donne que 25 millions de francs Cfa pour tout le répertoire mondial.

Macky Sall, alors Premier ministre, avait élevé le montant à 40 millions francs Cfa ?

Je ne suis pas au courant. A mon humble avis, je sais que c’est 25 millions que la radio nationale verse au Bsda. Le véritable problème, c’est que les radios ne paient pas les droits d’auteur, toutes les stations et surtout vous (il pointe du doigt les journalistes de Wal Fadjri) (rires). Le non paiement des droits d’auteur n’arrange pas les artistes. Cela constitue le premier grand handicap pour eux.

Cela n’est-il pas dû à un système non fiable?

Non. Le système de recouvrement est fiable. C’est parce qu’ici, c’est le Sénégal. Les gens ne paient pas.  Si on ferme une station pour défaut de paiement, quelqu’un se lève derrière pour la (r) ouvrir. Aucune radio ne paie normalement les droits d’auteur. Même avec la Rts, il faut faire le pied de grue pour recevoir l’argent. Depuis 2002, beaucoup de chaînes radiophoniques ne se sont pas acquittées  de leurs droits d’auteur.

Comment peut-on y remédier ? 

Tout revient à l’Etat. N’est-ce pas la place d’un dealer de chanvre indien, se trouve à la prison ? Ce que font les radios est plus dangereux que ce que font ces dealers. Pour qu’un artiste puisse vendre mille Cd, il lui faut dépenser 17 millions de nos francs. Mais avec l’avènement de l’électronique, c’est devenu compliqué. Il paraît que des négociations sont en train d’être menées avec You tube pour voir comment l’artiste peut vivre de ces droits d’auteur. Au début, le Cd était le principal support, maintenant, les compagnies de téléphonie mobile, internet, etc. sont des moyens de diffusion de la musique, il faut qu’ils pensent aux artistes.

En dehors des radiodiffuseurs, les boîtes de nuit sont aussi souvent épinglées ?

C’est vrai, les artistes sont lésés dans les boîtes de nuit. Mais parfois, c’est notre faute. Moi, personnellement, j’oublie souvent de remplir les fiches après une  prestation musicale. Seuls les artistes qui jouent de la variété dans les hôtels ont cet esprit de remplir les fiches. Je ne me rappelle pas avoir rempli une fiche même pour les prestations de Adji Ouza (sa fille) à Bamako, Banjul ou ailleurs. Elle ne fait que jouer.

«Je vais sensibiliser les anciens musiciens, car il y a de la politique politicienne surtout avec la régionalisation du Bsda. Je suis un peu sceptique par rapport à l’existence de cette Nouvelle société de gestion collective. Parce que l’actuel directeur général du Bsda était nommé pour une transition. Mais, il commence à s’éterniser et à élargir sa base. Le temps est en train de me donner raison. Il a trop duré pour une transition d’un an.»

Est-il nécessaire de réformer le système de recouvrement pour plus de fiabilité ?

Il y a trop de maux dans le système de fonctionnement du Bsda. Pour le recouvrement, c’est à l’artiste de déclarer les titres interprétés. Les boîtes de nuit peuvent le faire. L’artiste doit dire les morceaux qu’il a joués sur les fiches. C’est à partir de cette fiche que la répartition est faite. Ces problèmes de recouvrement m’ont poussé à mener une réflexion autour de la Nouvelle société de gestion collective. Je vous donne un exemple: tu possèdes ta maison et tu confies la sécurité à une tierce personne, et cette dernière vit mieux que toi. C’est la même chose qui se passe au Bsda. Ceux qui y travaillent, au minimum, peuvent gagner à la fin du mois 50 mille francs Cfa. La plupart sont des retraités. Ils sont les gardiens. L’artiste qui joue pendant six mois ne peut même pas percevoir cinquante mille francs Cfa. Un célèbre artiste (le nom est délibérément omis) est passé me voir pour dire : «Grand, le Bsda m’a payé que 20 mille francs après six mois de prestation». Je lui ai rétorqué : «c’est un problème, on va le résoudre». Tout cela pour dire que le fonctionnement du Bsda est nuisible aux musiciens. Après avoir eu des renseignements, j’ai compris qu’au Bsda, de nombreux recrutements, sont faits sur la base de parenté avec des contrats à moyen et court terme. Au minimum, ils gagnent 25 mille francs chaque mois. Et l’artiste perçoit vingt mille francs tous les six mois. Si tu divises cette somme par six, tu verras combien il gagne par mois. (C’est environ 3.400 francs Cfa par mois). Cela veut dire que ceux qui gèrent le Bsda, gagnent mieux leur vie que les artistes sur qui tout repose. Il faut remédier à cela. Je vais sensibiliser les anciens musiciens, car il y a de la politique politicienne surtout avec la régionalisation du Bsda. J’en ai parlé au directeur Mounirou Sy, qui est un ami, c’est mon marabout.

Le temps semble-t-il vous donner raison puisque le Bsda est toujours là ?

Il existe toujours. Puisqu’on n’a pas encore créé la Nouvelle société de gestion collective. Il faut l’existence de cette nouvelle société. Les gens en parlent, mais moi, je suis un peu sceptique par rapport à l’existence de cette nouvelle structure. Parce que l’actuel directeur général du Bsda était nommé pour une transition. Mais, il commence à s’éterniser et élargir sa base, et le temps est en train de me donner raison. Il a trop duré pour une transition d’un an. J’avais dit que tout cela est politique. On pouvait laisser Mme Diaby continuer, mais on m’avait dit qu’il n’y a pas de problème, le gars va assurer pendant un an et ça fait un an qu’il est toujours là. Cela me frustre.

«La piraterie au campus universitaire cause d’énormes dégâts aux artistes. Cela me fait mal. Tant qu’on  n’éradique pas la piraterie au sein de l’université, les artistes vont toujours vivre dans la misère.  Les vrais pirates, ce sont les étudiants et d’autres personnes qui se trouvent à l’Université Cheikh Anta Diop»

Revenons à ce manque à gagner des artistes, la piraterie surtout, les hologrammes ne semblent pas résoudre le problème ?

J’en ai parlé au directeur en lui disant que je ne me retrouve plus dans ces hologrammes. Parce que quand tu donnes un hologramme à 325 francs Cfa le Cd, 1000 Cd équivalent à 325 mille francs, donc, en faisant la répartition, tu n’auras même pas cinquante mille francs de plus. Par exemple, moi Ouza, je produis mille Cd, avec un hologramme à 325 francs l’unité. Je fais la répartition pendant six mois, je ne peux gagner que 75 mille francs comme droit d’auteur, parce que le Cd ne se vend plus. On avait institué l’hologramme pour éradiquer la fraude, la contrefaçon, la piraterie, mais j’ai constaté que depuis qu’on l’a installé, la piraterie a empiré, surtout au niveau de l’université. La piraterie au campus universitaire cause d’énormes dégâts aux artistes.  Cela me fait mal. Avec des artistes, nous avions tenu une réunion, on a dit au directeur tant qu’on  n’éradique pas la piraterie au sein de l’université, les artistes vont toujours vivre dans la misère.  Les vrais pirates, ce sont les étudiants et d’autres personnes qui se trouvent à l’Université Cheikh Anta Diop.

«Il faut qu’on change radicalement le Bsda au profit de la Nouvelle société de gestion collective. Il faut qu’on ait un directeur neutre et je suis prêt, avec d’autres personnes, à rencontrer le chef de l’Etat Macky Sall pour accélérer l’installation de cette nouvelle structure.»

La complainte des artistes est souvent ce manque de transparence du Bsda, Jamais la structure n’a dressé son bilan annuel. Quel est votre avis sur cet état de fait ?

Peut-être (il insiste), avec ce nouveau directeur, je précise bien, cela peut être… Mme Diaby (l’ancienne directrice du Bsda : Ndlr) mettait à notre disposition en tant que membre de la commission de recensement des œuvres,  des notes, des fiches de répartition montrant le système utilisé. Comme je ne suis pas administratif, je ne les ai jamais lues. Je ne connais pas la méthode de l’actuel directeur général du Bsda. Mais, il faut qu’on change radicalement le Bsda au profit de la Nouvelle société de gestion collective. Il faut qu’on ait un directeur neutre et je suis prêt, avec d’autres personnes, à rencontrer le chef de l’Etat Macky Sall pour accélérer l’installation de cette nouvelle structure. Je précise bien qu’on ne veut pas un directeur politique. Le directeur doit être élu par les artistes eux-mêmes pour plus de transparence. Mais, il faut que les gens communiquent aussi. Le mouvement citoyen de Youssou Ndour «Fekké ma ci bolé» ne peut pas monopoliser toute la culture sénégalaise. Je lance un appel à tous les artistes pour porter ce combat afin que cette Nouvelle société de gestion collective soit mise en place.

Vous en tant qu’artiste, avez-vous régulièrement joui de vos droits d’auteur?

Je n’ai aucun problème à ce niveau. Dieu merci. Il est arrivé des temps, où des artistes ont eu à toucher 25 millions francs Cfa. Moi, j’ai récolté jusqu’à un million. C’est normal parce que certains jouent sur le plan international. Maintenant, si un musicien arrive à gagner cinq cent mille francs Cfa, il doit en être fier. Je ne maîtrise pas bien le dispatching. Chaque six mois, les artistes bénéficiaient de leur droit d’auteur. Mme Diaby faisait la répartition quatre fois l’an. Avant que Mme Diaby ne vienne, j’entendais qu’on recevait 20 mille francs. Avec l’arrivée de Mme Diaby, certains artistes comme moi ont pu bien toucher cinq cent mille jusqu’à un million pour le compte des droits d’auteur.

«Des artistes gagnent parfois 20 mille 3000 ou même 5000 francs Cfa tous les six mois »

Existe-t-il  des artistes endettés auprès du Bsda ?

Nous sommes tous endettés. Nous devons quelque chose au Bsda. Parce que les droits ne représentent pas beaucoup. Si on te prête trois millions et que chaque six mois, tu gagnes 200 mille francs, on coupe les 25 ou bien 50 % de ton montant pour tes dettes. Il ne restera presque rien. Ce qui crée les dettes. Il y a même un trompettiste dont je vais taire le nom, qui passe son temps à mendier dans la rue. Pourtant, c’était un grand musicien. Il était surpris de me voir et m’a demandé de lui chercher une trompette. Il y a un autre artiste qui avait quitté Thiès pour percevoir ses droits d’auteur. Il n’a eu que trois mille francs. Un autre était tellement déçu qu’il a cogné la fenêtre en disant qu’il va se suicider parce qu’on lui avait remis cinq mille francs en six mois. On l’a conduit à l’hôpital, car il s’est retrouvé la tête cassée. Beaucoup d’artistes se trouvent dans cette même situation.

Peut-on faire cette corrélation entre la misère des artistes et le non paiement des droits d’auteurs par les radiodiffuseurs…?

Je ne pense pas. Quand tu es obsolète, tu ne peux pas bénéficier de droit d’auteur. Peut-être des musiciens  comme Bob Marley qui ont marqué leur temps, ils peuvent continuer à vivre des droits d’auteur d’ici cent ans. Mais, un musicien comme moi, qui n’a jamais fait de belles choses, il ne peut pas espérer vivre dans ces mêmes privilèges. Cela dépend de la production et du fonctionnement de l’artiste. Par exemple, un Youssou Ndour oui. Il touche beaucoup de millions, la preuve en est que tous les gens qui ont composé pour lui à l’image de Kabou Guèye, ont touché beaucoup de millions parce qu’ils ont donné un morceau à une méga star. Ce n’est pas pareil pour Ouza qui ne joue que dans des boîtes de nuit. Si tu n’es pas au top et que tu n’as jamais fait de top en Afrique, il faut s’attendre à vieillir  dans la dèche.

Pourquoi les chanteurs religieux ne sont pas pris en compte par le Bsda ?

C’est un imbroglio. Ils chantent les khassaïdes de Serigne Touba, des paroles du Prophète (Psl), déjà chantés. Ils ne sont plus auteurs, parce qu’ils interprètent. Ce sont des droits voisins que le Bsda ne prend pas en compte. Avec la Nouvelle société, on va prendre en compte cet aspect, car ce sont les droits voisins.

Propos recueillis par Baba MBALLO

walf.sn

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