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Ouzin Ndiaye du super etoile de Dakar: «J’ai une paralysie au bras, le diabète me ronge et j’ai des problèmes pour bien marcher»

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Tremplin chez certains, passion chez d’autres, la musique est sa vie. Il lui a tout donné, même si elle ne lui a pas beaucoup rendu. Il lui a consacré une quarantaine d’années de son existence. Il, c’est Ouzin Ndiaye, pensionnaire du Super Etoile de Dakar et non moins oncle de Youssou Ndour. Chez l’homme à la voix de rossignol, la musique est une vocation. Elle lui a fait tourner le dos à la fonction publique qu’il a intégrée tout jeune, à l’âge de 19 ans, pour tout lui consacrer.
Depuis un moment, le grand public est sevré de sa belle voix. Une absence non voulue, mais imposée par des contingences de la vie. À son diabète qui le ronge, est venue s’ajouter une paralysie totale de son bras et partielle de sa jambe suite à un accident vasculo-cérébral (Avc). Mais le prenant avec philosophie, Ouzin Ndiaye accepte de partager avec nous l’intimité de son handicap, de sa vie de manière générale, de ce qu’il est et de ce qu’il aurait dû être.

Si on vous demandait qui est Ouzin Ndiaye, que répondriez-vous ?
Je dirais que je suis un Sénégalais comme tout le monde. Je suis né à Coky. Mais je l’ai quitté très tôt, à l’âge de deux ans pour aller à Thiès. C’est là où j’ai grandi et j’ai passé mon enfance.

Pourquoi cette rupture prématurée avec le milieu naturel ?
Mes parents m’avaient donné à une soeur à ma mère qui n’avait pas d’enfants. Moi, je n’ai presque pas connu mes parents biologiques. D’ailleurs, j’avais toujours pensé que ma tante était ma vraie mère, jusqu’à l’âge de 15 ans où j’ai su que mon père et ma mère étaient à Coky. Ma tante que j’appelle maman vit toujours à Thiès, contrairement à mes deux parents qui sont décédés. Je suis aussi jumeau. Mon jumeau s’appelle Assane Ndiaye et il travaille aux chemins de fer.

Racontez-nous comment s’est fait votre rencontre avec la musique…
C’est vers les années 1973 que j’ai commencé à faire de la musique. C’était dans une petite formation qui s’appelait Jamono 1. On était à l’immeuble des enseignants de Colobane. C’est un collègue de bureau qui s’appelait Djiby Ndiaye qui m’avait amené là-bas. Il était l’accompagnateur. Trois mois après, les Youssou Ndour, Mbaye Dièye Faye, sont venus.

Il paraît que vous avez démissionné de la fonction publique pour la musique, est-ce vrai ? 
Effectivement, j’ai été fonctionnaire. J’ai démissionné de la fonction publique pour embrasser la carrière de musicien.

Ce devrait être un choix fou à l’époque, puisque la fonction publique faisait rêver contrairement à la musique que les parents appréhendaient avec beaucoup de préjugés ?
Je n’ai eu aucun problème au moment de faire ce choix. Parce que la fonction publique ne payait rien. Quand j’ai reçu mon premier salaire de musicien qui était de 300 000 francs, je me suis dit que je n’ai plus rien à faire dans la fonction publique. Je ne vais pas perdre mon temps à rester dans la fonction publique.

C’était donc aussi misérable dans la fonction publique ?
J’ai servi 14 ans à l’Enam. Mais un enseignant quand il était affecté dans une autre structure, il servait comme commis d’administration. On est de la hiérarchie C, comme les enseignants qui débutent. C’est la raison pour laquelle j’ai fini par quitter la fonction publique quand j’ai trouvé que la musique payait mieux. Au début, je cumulais la musique et la fonction publique. Je l’ai fait jusqu’en 1987 date à laquelle j’ai démissionné.

Un tel choix, ne le regrettez-vous pas aujourd’hui ?
Jusqu’à présent, Dieu merci, je ne regrette pas d’avoir quitté la fonction publique pour la musique. Des gens sont même surpris d’apprendre que j’ai fait l’administration. J’ai travaillé très jeune, à l’âge de 19 ans. Je ne me plains pas, je vis bien avec ma petite famille.

Petite famille ?
Je n’ai pas beaucoup d’enfants. Je n’ai que trois enfants. Deux filles et un garçon qui est le cadet. La fille aînée est mariée et a rejoint son domicile conjugal. Je vis dans la maison avec sa soeur et son frère avec leur maman et des nièces.

Votre persistance à dire que tout baigne tranche avec l’opinion qui dit que vous êtes au fond d’une galère terrible ?
Je ne me plains pas. Je ne suis pas dans la galère. Je parviens à vivre et à faire vivre ma famille sans tendre la main, je vis dignement.

Est-ce que ce n’est pas par orgueil simplement que vous niez un tel état de fait. Parce qu’il se dit que vous traînez une maladie qui vous empêche de faire votre métier et qui vous noie dans la galère ? 
C’est vrai que je suis malade, mais c’est la volonté divine. J’ai une paralysie au niveau du bras, le diabète me ronge et j’ai des problèmes aussi au niveau de la jambe. Je n’arrive plus à me tenir debout longtemps ni à bien marcher. Et avec de tels handicaps, c’est impossible de mener la même activité que j’avais. Ce n’est que ça et c’est la volonté divine. Je ne joue plus de la musique, parce que c’est difficile de continuer la même activité. Mais je crois en Dieu. Et quand on est croyant, on ne se fatigue pas pour certaines choses.

La rumeur enfle que cette épreuve vous la vivez seule, abandonné par votre famille professionnelle, dont le Super étoile de Youssou Ndour ?
Rien de tout ça n’est vrai. Les gens parlent simplement. Au Super étoile, on continue à me payer, même si je ne joue pas. Je suis payé quand ils font des prestations et des tournées. Au Super étoile, on n’est pas payé par fin du mois. C’est nous qui avions demandé d’être indépendants. C’est pourquoi, c’est en fonction des prestations que nous sommes payés. Et c’est plus rentable.

Donc Youssou Ndour ne vous a pas laissé tomber ?
Non, Youssou Ndour ne m’a pas laissé tomber. Mes relations avec Youssou Ndour sont au beau fixe. Il n’y a aucun problème. Il m’a dit reposes toi, tu n’as plus rien à prouver et tu seras payé. D’ailleurs, il me tient ce discours depuis 20 ans, seulement c’est moi qui refusais d’être payé sans travailler. Et puis, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que Youssou Ndour ce n’est pas la musique qui nous lie, nous sommes des parents. Il est mon neveu, sa mère est ma cousine. Donc des nuages ne peuvent pas exister entre nous. Les gens parlent simplement.

Il se dit aussi que les autres artistes vous auraient abandonné?
Pas du tout, j’entretiens toujours les mêmes relations avec les artistes. Mes amis musiciens restent toujours mes amis. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle je continue à sortir, chaque soir à partir de 19 heures, parce que ces rencontres je ne peux pas m’en priver.

Qu’est ce que Ouzin Ndiaye a gagné avec la musique qu’il a préféré à la fonction publique ?
Je ne me plains pas.

Vous êtes en location là où vous vivez, vous n’avez même pas de maison ?
Oui je suis en location. Mais j’ai une maison. Elle est en construction. Elle est à Keur Massar. C’est un terrain de 200 m2 qui est en chantier.

Avez-vous une voiture ?
J’en ai eu 4. Mais présentement, je n’ai pas de véhicule. Quand je sors, je prends un taxi et quand je sors de Dakar un ami me prête sa 4×4. Je ne peux pas conduire d’ailleurs.

Nombreux sont ceux qui sont dans votre cas, mais ils ont des chauffeurs ?
(Rire). J’ai eu des véhicules dans ma vie.

Avec tout le temps que vous avez fait dans la musique, n’avoir comme patrimoine qu’une maison en construction et vivre en location, ce n’est pas triste comparé à tout ce que vos collègues collectionnent comme biens ? 
Je rends grâce à Dieu. La location, c’est avec mon argent que je la paie.

Vous êtes au crépuscule de votre carrière et les fins de carrières riment généralement avec galère pour les artistes. Ça ne vous cause pas de soucis ?
Je ne connais pas de difficultés. Heureusement, on a été bien structuré au Super étoile et il y a la retraite. On a tôt pensé à ça. Mais moi, je ne vais jamais raccrocher. Tant que j’aurais la voix, je continuerais à faire la musique jusqu’à la mort. Je continue à répondre à des formations qui m’appellent souvent.

Certes il y a la volonté divine, mais il se dit que votre penchant pour l’alcool n’est pas étranger à vos soucis de santé ?
Les gens parlent toujours. Mais ce n’est pas la vérité. La paralysie et le diabète que je traîne sont une affaire de famille. Mon cousin Assane Ndiaye a les mêmes soucis de santé que moi. Mais au Sénégal on parle toujours.

Mais avec votre maladie, vous avez quand même arrêté définitivement l’alcool ?
Il faut le faire, surtout quand on est diabétique. Je suis obligé. Même mon médecin m’a dit, en France, que l’alcool ne rime pas avec ma maladie. Mais le problème, c’est que dès qu’on entre dans un bar, les gens pensent automatiquement que c’est pour boire de l’alcool. Actuellement s’il y a un truc que je n’ai pas arrêté et que je veux vraiment arrêter, c’est la cigarette. Entre 19 heures, l’heure où je me réveille, et quand je me couche, je fume plus de la moitié d’un paquet de cigarettes.

Pratiquez-vous mieux votre religion comme on a tendance à le voir quand les gens sont malades et prennent de l’âge ?
Oui je pratique mieux ma religion maintenant. D’ailleurs, je suis parti à la Mecque. J’ai aussi envoyé à la Mecque mes sœurs et ma femme.

Mais aller à la Mecque doit rimer avec repentir?
Je suis parti à la Mecque, mais la Mecque ne change pas la personne, elle fait juste changer de nom. On reste la même personne. Nombreux sont les El Hadji qui se comportent comme ils veulent. On en voit tous les jours. Ce qu’il faut savoir, c’est que Dieu ne s’intéresse qu’à la foi des fidèles, ce qu’ils ont dans le coeur.

Parlez-nous de Baye Waly, votre tube fétiche ?
Baye Waly est un morceau qui représente beaucoup dans ma carrière. Il m’a donné la gloire. C’est un tube fétiche. Quand on parle de Ouzin Ndiaye, on pense toute suite à Baye Waly. C’est un ami que je chante, un grand ami. Il s’appelle Waldiodio Ndiaye, il était inspecteur des impôts. Quand Baye Waly est sorti, il a été mis au placard à son ministère. Il n’avait plus de bureau. À l’époque, quand tu chantais quelqu’un, les gens se disaient qu’il était riche. C’était en 84, il faisait bon vivre dans le pays. Je l’ai chanté en quatre versions dans quatre cassettes.

Vous avez dû lui soutirer beaucoup, parce que vous l’avez tellement chanté, pendant un demi-siècle ?
(Rire) C’était un grand ami. Maintenant pour chanter Baye Waly, faut qu’on me paie.

Ah bon ?
La dernière fois que je l’ai chanté. C’était à une soirée de la fondation Youssou Ndour. Il m’avait payé 500 000 francs. Il y avait Thione Ballago Seck et Omar Pène qu’il avait invité et on l’a chanté ensemble.

Donc c’était le cas, il payait ?
Oui c’était le cas, on ne chantait que les gens riches.

L’instabilité qui caractérise aujourd’hui les couples des artistes, qu’est ce que vous en pensez?
Le mariage est un sujet tellement complexe qu’on ne peut jamais parler de ceux des autres. Mais moi, en ce qui me concerne, j’en suis à 29 ans de mariage. Je n’ai aimé qu’une seule femme toute ma vie et les choses se passent le plus normalement du monde.

Ça n’a donc rien à voir avec le fait d’être artiste ?
Non du tout ! Je vous dis, j’ai fait 29 ans de mariage. Et on se porte bien. Comme je vous le dis, c’est une cuisine interne entre les deux conjoints, les problèmes eux seuls le savent. Mais ce dont je suis convaincu, c’est qu’on peut être artiste et avoir un mariage accompli qui résiste au temps. J’ai fait 29 ans de mariage et il y a tant d’autres, Pène, Mbaye Dièye, Thione… D’ailleurs, ce dernier quand il me taquine pour me dire quand vas-tu chercher une seconde femme, je lui réponds toujours j’ai une Kiné chez moi, pour parler de son épouse.

Comment s’est fait la rencontre avec votre femme ?
C’était à Saint-Louis, lors d’un concert. On avait logé chez elle. Moi, ma femme, c’est mon mari. J’ai connu ma femme en une semaine. Je l’ai marié dans la semaine et elle a rejoint le domicile conjugal dans la semaine. Tout s’est fait dans une seule semaine.

Comment ça, parce qu’à cette époque les artistes n’étaient pas les mieux vus dans la société et nombreux étaient les parents qui ne voulaient pas donner leurs filles en mariage ?
Quand nous étions partis voir sa famille, son père nous a demandé l’objet de notre visite, il nous a demandé ce que je fais comme travail et qui sont mes parents, quand je lui ai dit que je suis le neveu de Samba Diabaré Samb, il s’est trouvé qu’ils ont des liens de parenté, il m’a demandé d’amener mes parents, ma mère et mon frère sont partis le voir, et il a scellé le mariage sur le champ. Et depuis, tout se passe bien. Mais ma femme, elle est exemplaire. Je l’appelle mon mari. Parce que tout ce qu’elle tire de son commerce, elle le pose sur la table pour me demander qu’est ce qu’on en fait. Ce qui est rare chez les femmes. Présentement, elle est en Italie pour son travail.

Dans les concerts, votre regard n’est jamais tombé une seconde fois sur une femme qui vous a crevé l’œil ?
Non, ma femme est la seule femme que j’ai aimée de ma vie. Pourtant, elle me taquine souvent pour me dire pourquoi tu ne cherches pas une seconde femme. Mais je lui réponds toujours en lui disant, trouve-moi en une. Et puis, à quoi ça sert d’avoir deux femmes ? Moi, je n’en vois pas l’utilité. Celle que j’ai me suffi amplement.

Quels sont vos rêves aujourd’hui pour ne pas dire vos projets?
S’il y a une chose qui me tient à coeur, c’est d’aller une seconde fois en pèlerinage aux lieux saints de l’Islam, avant que je ne quitte ce monde. Je souhaite aussi bien encadrer mon fils cadet, il veut faire de la musique, je veux le lancer, guider ses premiers pas, être son manager, l’accompagner.

Est-ce qu’il a commencé à chanter?
Pas carrément. Présentement, il est à l’école. Il fait la classe de terminale. Pour le moment, je lui cherche une formation pour apprendre la musique, la routine. On ne peut pas se lever un beau jour et faire la musique, c’est un art, il faut l’apprendre.

Propos recueillis :Birane LO & Ramatoulaye BA

2 Commentaires

  1. Quoi retenir de cette interview d’un témoin oculaire qui connaît bien Youssou NDour et le Super étoile :
    Primo : Youssou NDour traite bien ses travailleurs comme le prouve la déclaration de Grand Ouzin : « mon premier salaire de musicien était de 300 000 francs ». Cela date au début des années 80. Notons que le Super étoile est le groupe le plus stable dans l’histoire du Sénégal que ni l’argent, ni les séjours répétitifs dans les pays développés n’ont entraîné des défections dans ses rangs.
    Secundo : Youssou est un homme de cœur, une personne à l’âme généreuse comme en témoigne ces propos de grand Ouzin : « Au Super étoile, on continue à me payer, même si je ne joue pas ».
    Tertio : Youssou NDour est un visionnaire, doté d’un leadership incontestable et ayant des talents de gestionnaire évidents. Voici la preuve tirés de la bouche de Grand Ouzin : « je ne connais pas de difficultés. Heureusement, on a été bien structuré au Super étoile et il y a la retraite. On a tôt pensé à ça ». Combien de chefs d’entreprise peuvent se targuer da payer bien leurs salariés, d’avoir mis en place des politiques sociales avant-gardistes (assurance – invalidité à 100% et paiement allocation de retraite à l’âge limite) ? Voilà la vraie nature de Youssou. Vous qui ne le connaissez pas ou qui semblent le connaître sous le prisme déformant de la presse, cessez de l’insulter et de le trainer dans la boue injustement. Il n’y a qu’au Sénégal qu’on aime pas les gens qui réussissent. Toute réussite est suspecte. Quelle tare sociétale ! Ce Monsieur ne mérite pas cela. C’est un modèle. On n’a pas besoin d’aller chercher loin. Il est parti de loin et ne doit rien à personne. Seuls le travail, la constance dans l’effort, la discipline et la compétence l’ont amené au stade où il est arrivé aujourd’hui : faire partie des 100 personnes les plus influentes au monde et être à l’abri du besoin. Qui dit mieux ?

    Un simple citoyen révolté par les insultes et accusations sans fondements à l’encontre d’un des plus dignes fils du Sénégal.

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