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Parcours iconoclaste d’un insoumis (Par Vieux Savané)

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Dans mon micro-univers D’intellectuel Insoumis Autobiographie + Interventions sur l’actualité Les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal 4e trimestre 2020. 422 pages

En nous ouvrant « les tiroirs de sa mémoire », à travers son ouvrage : «Dans mon micro-univers d’intellectuel insoumis», le Pr Makhtar Diouf nous fait découvrir le parcours scolaire et universitaire atypique d’un homme d’audace et de conviction.

Comme cela est de coutume dans les familles sénégalaises de confession musulmane il fréquente l’école coranique avant de rejoindre à l’âge de 6 ans l’école primaire de garçons de Médina, en face du marché Tilène. C’était sous le magistère d’un directeur qui s’appelait Papa Guèye Fall, « Saint-Louisien, ancien combattant de l’armée française, très européanisé, toujours costume cravate, sévère, autoritaire, avare de sourire, avec ses lunettes de grosses montures  ». Il était craint de tous bien sûr, élèves comme enseignants. On imagine l’ambiance.

Faisant partie des élèves les moins cancres comme il dit avec modestie, on lui fait sauter une classe. Il réussit facilement au concours d’entrée en 6e et pense-t-il, au certificat d’études primaires. Surprise, l’auteur raconte s’être rendu compte que ce dernier diplôme avait été établi au nom d’un homonyme beaucoup plus âgé dont les résultats scolaires ne prédisposaient pourtant pas à réussir cet examen. En fait par étourderie, il s’était assis à la place numérotée de ce dernier et vice-versa. Il a alors fallu se résoudre à repasser l’examen, l’année suivante.

Après le primaire, Cap sur le lycée Van Vo, centre d’excellence estampillé à l’époque, « lycée de toubabs», car sur une classe de quelque 30 à 40 élèves, on ne comptait pas plus de 5 ou 6 africains, lesquels provenaient de tous les territoires de l’Aof. L’auteur ne se prend pas trop la tête au lycée, se contentant tout juste de passer en classe supérieure. Ce qu’il ne réussissait pas toujours. S’intéressant plus au football et aux mondanités de jeunes citadins, il redouble par deux fois . Ayant vendangé toute son avance, il obtient la première partie du bac à 19 ans, ce qui lui ouvre les portes de l’Ecole nationale de l’aviation civile de Paris, pour la filière «  télécommunication signalisation ». Ne s’imaginant pas salarié au bout de ses 2 ans de formation, il passe en même temps, en candidat libre, la 2e partie du bac qu’il réussit. Il s’inscrit alors en fac de sciences économiques à Paris, avec comme promotionnaire Moustapha Niasse qui lui, était étudiant en droit. Après deux années d’études, tous deux décident de rentrer à Dakar et d’y poursuivre leur 3e année. Il y aura comme prof un certain Abdoulaye Wade.

Seulement, le cours de ce dernier, ne comportait ni introduction, ni bibliographie ni plan. Déboussolé, il ne  lui reste plus qu’à s’enfermer en bibliothèque . Et là surprise, il découvre que le cours qui leur est dispensé est un  «  copier-coller  » d’un ouvrage intitulé  : «  fluctuations économiques ». Pas étonnant donc qu’il réussisse dans ces conditions à l’examen. Et le voilà qui s’envole de nouveau pour Paris, une bourse en bandoulière, pour «  l’Ecole nationale des Impôts, en compagnie de El Hajj Malick Sy Souris ». Il décide de cumuler, s’inscrivant en même temps en 4e année de sciences économiques.

Diplôme en poche, retour à Dakar où il a obtenu un poste de cadre administratif à la SAR mais n’y fera pas long feu. Ne s’y épanouissant pas malgré un salaire attractif, il démissionne et retourne à Paris pour finaliser sa thèse qu’il soutient en juin 1969. Après quelques années d’enseignement dans la capitale française, il rentre définitivement au Sénégal pour servir à l’université de Dakar. A son corps défendant, l’étiquette de marxiste qui lui colle à la peau et qui lui vaut certainement de nombreuses injustices n’épouse aucunement la réalité de sa pratique et de son cheminement intellectuel.

 INCONGRUITÉS SÉNÉGALAISES

Dans la seconde partie de son ouvrage, le Pr Makhtar Diouf aborde à travers la reproduction d’articles publiés dans la presse diverses questions économiques, politiques et socioculturelles. Il y prône le patriotisme économique car pour lui, il ne sert à rien de dénoncer les pratiques coloniales des banques étrangères si on ne n’accepte pas de « s’investir dans les secteurs à risques comme l’industrie et la banque  ». Il dénonce par ailleurs le fait que les décisions publiques ne s’inscrivent pas dans une politique de développement puisqu’elles ne prennent pas en compte le rapport coût-avantage, plongeant ainsi l’économie dans de « faux frais » qui entravent son développement.

Situation qu’il retrouve par exemple dans la représentation parlementaire pléthorique au Sénégal au détriment d’investissements porteurs. Empruntant les mots du sociologue américain Harold Lasswell à l’endroit des élites, il reconnaissait d’ailleurs aux politiciens d’être «  ceux qui prennent le plus de ce qu’il y a à prendre ».

Aussi en 2003, relevait-il , pour s’en désoler, un renversement des priorités en faisant observer que « dans le quartier de Fann-résidence , l’immeuble le plus somptueux est le nouveau Ministère de la Santé ». Alors que, «  tout près, le bloc des Maladies infectieuses de « l’hôpital » croule sous le poids de la vétusté , faisant plutôt penser à un abri médical de temps de guerre ». Une façon de signifier que «  Lorsque l’argent public ne va ni dans le social ni dans l’économie, il prend la pente du gaspillage ».

On en apprend par ailleurs sur les incongruités sénégalaises à travers certaines pratiques en relation avec un certain rapport à l’islam. Il en va ainsi du terme « El hadj » qui relèverait plus de mondanité sénégalaise , car le terme arabe « al ahj » signifiant « pélerinage » et « pélerin  ». Est donc El Hadj celui qui va à la mecque et non celui qui en revient. Il décrie aussi certaines pratiques comme les « appels répétés, parfois agressifs à la prière du matin », avec des hauts-parleurs réglés au max qui ne sont pas recommandés par l’islam du fait de la nuisance que l’on fait subir au voisinage.

Truffé d’anecdotes succulentes, traversé par l’idée de se prendre en charge et d’avoir à l’esprit l’intérêt général, expurgé des pans intimes de sa vie, l’ouvrage du Pr Makhtar Diouf nous plonge dans un parcours iconoclaste. Celui paradoxalement, d’être le témoignage vivant de la possibilité offerte à toute personne de développer ses potentialités, de faire autre chose de ce qu’a fait de lui sa naissance, son milieu géographique, social, culturel. Il se révèle ainsi comme une invite à une insoumission permanente, susceptible de faire jaillir la part belle de nous, en sommeil quelque part.

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